Liberté 75 : Vous avez dit retraite?

Par Jean-François Venne | 13 juin 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Par obligation ou par choix, plusieurs travailleurs poursuivent leur carrière passé l’âge de la retraite. Cette décision a de nombreuses répercussions sur la gestion de leurs finances personnelles.

« Beaucoup de personnes travaillent à l’âge de la retraite parce qu’elles veulent demeurer actives physiquement, mentalement et socialement », avance Dany Prud’homme, directeur général du Réseau FADOQ. Un diagnostic corroboré par un sondage Harris/Décima, réalisé pour la Banque Scotia en janvier 2011. Celui-ci révèle que la majorité des 64 % de Québécois prévoyant travailler pendant leur retraite le feront pour rester actifs mentalement (67 %) et socialement (51 %). Mais un tiers d’entre eux s’accrocheront à leur emploi par pure nécessité financière.

De fait, le taux d’emploi des personnes de 65 à 69 ans a connu une forte croissance au Québec au cours des dernières années. De 2000 à 2012, il est passé de 2,9 % à 11,4 % chez les femmes, et de 9,1 % à 20,2 % chez les hommes, selon l’Enquête sur la population active de Statistique Canada de 2012. Pourtant, la durée de la retraite ne s’en trouve pas réduite. En raison de l’allongement de l’espérance de vie, la durée anticipée de la retraite, qui avait grimpé du milieu des années 1970 au milieu des années 1990, s’est stabilisée par la suite à environ 15 ans, selon une autre étude de Statistique Canada, publiée en 2011.

Tempête sur les placements

La situation exceptionnelle qui a vu les investisseurs confrontés à trois marchés baissiers entre 2000 et 2010 a fait fondre le pactole de beaucoup d’épargnants. Si les plus jeunes peuvent espérer se refaire au fil des ans, l’impact a été important pour les plus âgés. « Quand la valeur de votre portefeuille perd 30 % d’un coup, ça devient très insécurisant d’envisager la retraite », souligne Hélène Gagné, planificatrice financière chez PWL Capital inc.

La tentation est alors forte de poursuivre la phase d’accumulation, plutôt que de passer tout de suite au décaissement. « La volatilité des marchés est le pire ennemi des retraités souhaitant décaisser leur portefeuille », poursuit Hélène Gagné. Elle confie avoir conseillé à certains de ses clients de continuer à travailler encore quelques années.

Bien sûr, ne pas décaisser comporte aussi sa part de risque. « Il est très difficile de prévoir les rendements sur une courte période », admet Hélène Gagné. Toutefois, Ian Gascon, président de Placements Idema, remarque que les retraités en emploi ont une tolérance au risque plus élevée que ceux qui sont véritablement à la retraite. « Cela leur permet d’envisager une gamme de placements plus étendue », soutient-il.

La stratégie financière est beaucoup plus facile à établir si le report de la retraite a été planifié longtemps à l’avance, précise Nathalie Bachand, planificatrice financière chez Bachand Lafleur, groupe conseil inc. « Si on a un revenu d’emploi, il vaut probablement mieux reporter le décaissement des REER, par exemple, afin de conserver ces montants pour les années de retraite », dit-elle.

Par ailleurs, certains retraités qui avaient converti leur REER en FERR afin de recevoir un revenu viager regrettent cette décision lorsqu’ils retournent sur le marché du travail. Pas de panique! « La transaction se fait aussi en sens inverse, rappelle Josée Jeffrey, planificatrice financière chez Focus Retraite & Fiscalité inc. Avant 71 ans, le retraité peut convertir son FERR en REER sans problème », précise-t-elle.

En chiffreS

  • Un tiers des retraités canadiens a une dette.
  • Dette médiane : 19 000 $
  • Dette moyenne : 60 000 $.
  • Source : Statistique Canada, Prendre sa retraite avec des dettes, 2011

Jongler avec les régimes de retraite

Les régimes de retraite publics comportent plusieurs subtilités qu’il faut bien connaître si l’on veut maximiser leur utilité. Ainsi, Josée Jeffrey conseille d’envisager le report de la pension de Sécurité de la vieillesse (PSV). « À compter du 1er juillet 2013, les retraités pourront repousser ce revenu pour une période maximale de cinq ans, explique-t-elle. La pension sera haussée de 7,2 % par année, ce qui permettra de recevoir un montant plus élevé au moment de sa vraie retraite. » Cette stratégie assurera aussi de ne pas avoir à rembourser la PSV en raison d’un revenu de retraite trop élevé. Une stratégie similaire peut être adoptée avec la rente de la Régie des rentes du Québec (RRQ). Depuis 2013, les retraités qui retardent le début de la perception de cette rente la voient bonifiée de 0,7 % par mois.

Par ailleurs, certains retraités qui retournent sur le marché du travail ont déjà commencé à percevoir leur RRQ et ne peuvent retourner en arrière. Des solutions s’offrent toutefois à eux pour maximiser l’apport de ce revenu. Ainsi, le retraité peut fractionner la rente en faveur d’un conjoint qui serait admissible à la RRQ, mais recevrait une rente moins élevée. Nathalie Bachand rappelle aussi que les retraités en emploi recommencent à cotiser à la RRQ dès que leurs revenus d’emploi dépassent l’exemption générale de 5300 $. Ces cotisations donnent droit à une augmentation de la rente, appelée « supplément à la rente de retraite ». Ce supplément équivalant à 0,5 % du revenu sur lequel le retraité a cotisé l’année précédente est versé automatiquement, sans avoir besoin d’en faire la demande.

Votre client prend une retraite progressive? Il peut réduire ses heures de travail sans diminuer le montant de ses cotisations à la RRQ. Cela permet de protéger le montant de sa future retraite. Quant au supplément de revenu garanti du gouvernement fédéral, il ne faut pas oublier que les retraités peuvent toucher jusqu’à 3 500 $ par année en revenus d’emploi sans qu’il ne soit réduit.

Attention à l’impôt

La fiscalité est un souci majeur pour les retraités sur le marché du travail. « Les retraités en emploi ont souvent plusieurs sources de revenus différentes, et les payeurs risquent de leur enlever trop peu d’impôt puisqu’ils le calculent seulement en fonction du revenu qu’ils versent, lance Nathalie Bachand. Les travailleurs ont donc parfois des surprises à la fin de l’année, lorsque vient le temps de faire leur déclaration d’impôts. »

Les décisions concernant le décaissement des REER ou autres placements et la perception des diverses pensions ou rentes de retraite doivent être prises en tenant compte de leur effet sur le taux marginal d’imposition. Il faudra éviter d’ajouter au revenu d’emploi des revenus de retraite qui feraient augmenter ce taux d’imposition. Bien conscient de cette difficulté, le gouvernement du Québec offre maintenant un crédit d’impôt aux travailleurs de 65 ans ou plus, afin de les aider à rester en emploi. Toutefois, il s’agit d’un crédit d’un montant maximal de 451,20 $, ne pouvant être transféré au conjoint ni reporté à une année ultérieure.

Mais l’allié fiscal ultime demeure le fractionnement de revenus entre conjoints. « Autorisé par le gouvernement fédéral depuis 2008, il permet de faire des économies d’impôts substantielles », soutient Hélène Gagné. Sont admissibles les rentes de régimes de participation différée aux bénéfices, les rentes ordinaires et les contrats de rente à versements invariables, les prestations viagères ou prestations de régimes de pension agréés ou de retraites variables, les revenus d’un FERR, les rentes d’un REER et même les pensions d’un pays étranger, incluant la sécurité sociale des États-Unis.

Cela dit, le principal défi de la retraite n’est pas toujours financier, rappelle Hélène Gagné. « Les baby-boomers se valorisent beaucoup par le travail, et quand la retraite arrive ils sont très déstabilisés, avance-t-elle. Il est souvent préférable de privilégier une retraite progressive, et de profiter de l’intervalle pour se trouver de nouveaux intérêts et d’autres sources de valorisation.

Jean-François Venne