Opération séduction

Par Jean-François Parent | 30 octobre 2015 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
yacobchuk / 123RF

TORONTO — Ils sont technophiles, endettés, prudents avec leurs placements et particulièrement bien informés. Mais ils ont besoin de conseils!

Les investisseurs de la génération Y, issus des années 1980 à 1995, constituent un groupe « trop important pour être ignoré, tant en termes démographiques que de richesse », soutient David MacDougall, vice-président du cabinet de recherche Environics, alors qu’il commente les résultats d’une récente étude sur le placement et la génération Y, lors d’un atelier sur les us et coutumes de cette tribu, tenu lors du dernier congrès annuel de l’IFIC.

Il y a quelque 8 millions d’Y au Canada et ceux-ci formeront le plus important groupe démographique d’ici 15 ans, poursuit le vice-président d’Environics. En comparaison, il y a 6 millions de membres de la génération X, nés entre 1970 et 1980, et 9,5 millions de baby-boomers.

« Pour les conseillers, le problème de la génération Y semble être qu’ils n’ont pas d’argent et qu’ils posent beaucoup trop de questions », explique David MacDougall. Une attitude des conseillers qu’il déplore.

BONS SALAIRES EN PERSPECTIVE

Même si le recrutement des Y requiert un peu plus de travail de la part des conseillers, ils sont d’excellents clients potentiels, poursuit David MacDougall.

Malgré leur dette moyenne actuelle de 23 000 dollars à la grandeur du Canada, les membres de cette génération sont éduqués et percevront vraisemblablement de bons salaires. À cette étape-ci de leur vie, la majorité des Y entament une phase d’accumulation et les conseillers qui pourront les séduire feront de bonnes affaires, estime l’expert.

Selon les données d’Environics, ils ont par ailleurs besoin de conseils, du moins dans 81 % des cas. « Leur grande capacité à travailler en équipe fait en sorte qu’ils veulent être partie prenante du conseil. Ils ne posent pas plein de questions parce qu’ils veulent argumenter, mais parce qu’ils veulent bien comprendre ce qu’ils font, et comparer ce qu’on leur dit avec ce qu’ils ont trouvé ailleurs, sur Internet par exemple », relate David MacDougall.

À cet égard, être transparent et, surtout, bien expliquer pourquoi le conseiller propose un fonds plutôt qu’un autre facilitera la relation client pour ce dernier, dit-il.

QUE RECHERCHENT-ILS?

Le conseiller doit être présent dans la vie du client Y, observe pour sa part Jonathan Durocher, président et chef de la direction de Banque Nationale Investissements.

« Plus de la moitié des Y veulent des rencontres mensuelles ou trimestrielles avec leur conseiller, ils veulent également que ces derniers répondent rapidement aux courriels, et prennent le temps de retourner leurs appels », dit-il, citant une récente étude américaine sur la question.

Et cela s’applique tant à leurs décisions d’investissement qu’au besoin d’obtenir des conseils.

Preet Banerjee, planificateur financier et chroniqueur au Globe and Mail, soutient pour sa part que « ce que les Y voient sur les réseaux sociaux, relativement à l’offre de services-conseils des institutions financières, ne les impressionne pas du tout. La communication avec un conseiller ne se résume pas, pour eux, à un choix entre le téléphone ou un message sur Twitter. Ils voient tout cela sur un continuum, dans le cadre d’une communication fluide où tous les outils sont importants ».

Rien d’étonnant à cela, constate Jonathan Durocher : « Les conseillers ne savent pas vraiment comment déployer une présence sur les réseaux sociaux. » Ils y vont donc à tâtons, ne prennent pas de risque, hésitent, et au final ne proposent rien qui se démarque.

Et ils ont tort, poursuit Jonathan Durocher. « À la Banque Nationale, nous sommes persuadés que le conseiller qui maîtrise bien les outils virtuels et les médias sociaux aura un avantage concurrentiel. »

Pour illustrer son propos, Jonathan Durocher, lui-même issu de la génération Y, explique que le bouche-à-oreille, l’avis de leurs pairs et les références des amis au sujet d’un conseiller font la différence entre celui qui se démarque auprès de cette clientèle et celui qu’on ignore.

« L’importance accordée à ces critères est l’une des plus grandes différences entre cette génération et les autres », affirme-t-il. Il remarque en outre que si un conseiller est recommandé sur Internet par d’autres personnes, c’est ce dernier que le Y choisira, au détriment de celui dont personne ne parle.

PRUDENTS MAIS OUVERTS

« On pense que les Y sont plus tolérants au risque, mais le fait est qu’ils sont très prudents dans leur approche en matière d’investissement. Par exemple, ils détiennent près de la moitié de leurs actifs en liquidité », précise M. Durocher, qui estime que les Y sont vraisemblablement échaudés par les débâcles de la dernière décennie.

Par exemple, battre les indices n’est pas une fin en soi pour les Y, poursuit-il. Ils n’ont pas de grands projets d’acquisition d’une maison (à peine 18 % entretiennent ce rêve) et ils hésitent à spéculer.

Cette génération n’en demeure pas moins consciente que les marchés sont dynamiques.

« Leur grande capacité d’adaptation pourrait bien rendre les Y plus tolérants aux cycles du marché », renchérit David MacDougall. Les études d’Environics démontrent par ailleurs qu’ils sont ouverts sur le monde. « La diversification géographique, tout autant que l’investissement responsable, est de mise avec cette clientèle. »

De plus, la possibilité de tout voir en un coup d’œil, tant le solde du compte que le rendement des placements, est importante pour cette génération fervente de technologie.

Les applications de planification financière, les outils technologiques et les réseaux sociaux sont autant de choses avec lesquelles les Y sont à l’aise. « Ils s’attendent à ce que leur conseiller soit lui aussi adepte des multiples outils disponibles », ajoute Jonathan Durocher.

Cependant, il y a loin de la coupe aux lèvres pour séduire les Y. « L’industrie financière est l’une des rares au monde à sembler incapable de gérer le changement. Disons-le, cette industrie est très lente à s’adapter », constate David MacDougall.

Aux conseillers, donc, de placer leurs billes.


Curieux d’en savoir plus? Vous pouvez écouter (en anglais) le compte rendu de l’atelier The Millenials Are Here, tenu au congrès de l’IFIC au début octobre.

Jean-François Parent