Des successions égales ou équitables?

Par Pierre-Luc Trudel | 19 juin 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Dans son testament, un père de famille fortuné indique vouloir léguer 17 millions de dollars à son fils… et 1 M$ à chacune de ses trois filles. À première vue, cette répartition de la succession semble totalement inéquitable, mais est-ce réellement le cas?

« En planification successorale, équité ne rime pas toujours avec égalité », a insisté la notaire et fiscaliste Caroline Marion lors du congrès annuel de l’Institut québécois de planification financière (IQPF). « En partageant une succession en parts égales, il nous arrive souvent d’être inéquitable. »

Dans le cas présent, la majeure partie du patrimoine familial est constitué d’un parc immobilier locatif. Le fils du défunt s’est grandement investi dans les activités immobilières de son père, de sorte qu’il a fait croître le patrimoine familial de 19 M$ en 30 ans.

« Dans de telles circonstances, il aurait été inéquitable de diviser la succession en parts égales, alors que les filles ne se sont jamais engagées. Le fils aurait eu l’impression de ne pas être récompensé pour ses efforts », poursuit Mme Marion.

Le problème, c’est que le père n’a jamais expliqué les raisons à la base d’une distribution aussi « inégale » de la succession : ni dans son testament, ni autre part.

LA COMMUNICATION, UN IMPÉRATIF

D’où l’importance pour les conseillers de discuter de ces questions avec leurs clients. « C’est important que le testateur nous explique ses motivations. Si cela n’a jamais été fait, il sera difficile pour le liquidateur de devoir justifier les décisions du défunt aux héritiers », explique la notaire.

Le professionnel en services financiers a également le rôle de faire comprendre au client les impacts concrets de son testament, et de porter à son attention certains éléments qui pourraient alimenter sa réflexion sur le partage de sa succession.

Par exemple, hériter d’un parc immobilier et recevoir des liquidités ont des conséquences totalement différentes. Le fils, qui se verra attribuer le premier, bénéficiera certes d’une succession beaucoup plus généreuse, mais il devra assumer tous les risques liés à la détention d’immeubles locatifs, contrairement à ses sœurs, qui obtiendront leur legs en liquidités.

« On ne doit pas dire quoi faire aux clients, mais les amener à prendre les décisions qui vont leur sembler les plus équitables, présenter les faits tels qu’ils sont », soutient Caroline Marion.

L’ÉPINEUSE QUESTION DES REEE

Autre exemple : un défunt a une valeur successorale de 500 000 $ incluant un REEE de 50 000 $ pour les petits-enfants. Il a eu deux enfants, une fille et un fils, mais seule la fille a elle-même eu des enfants.

La part de la succession du fils se compose de 250 000 $ en liquidités, alors que la part de la fille se compose de 200 000 $ en liquidités et du REEE de 50 000 $. Même si les montants sont égaux, la fille se sent lésée, puisqu’elle considère que l’argent des REEE appartient à ses enfants et non à elle. Or, aurait-il été plus équitable de léguer une somme inférieure au fils simplement parce qu’il n’a pas d’enfant?

« Il n’y a jamais de bonne ou de mauvaise réponse à de telles questions, soutient Mme Marion. Mais encore une fois, il existe des moyens pour que le testateur puisse expliquer ses volontés de façon un peu plus explicite afin de ne pas laisser au liquidateur de sa succession l’odieux de tenter d’exprimer l’inexplicable. »

Pierre-Luc Trudel