Finance : pour en finir avec le Boys club

Par Nathalie Côté | 13 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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À peine le quart des cadres supérieures et 39 % des cadres intermédiaires des organisations sont des femmes, révélait récemment le Financial Times. La culture masculine y est encore dominante et le secteur financier ne fait pas exception. Comment changer les choses?

Le sexisme est encore bien présent dans certaines entreprises au Québec en 2017, affirme Hélène Lee-Gosselin, professeure au département de management de l’Université Laval. « J’ai été choquée par des témoignages très candides de chefs d’entreprise me disant que lorsqu’ils partent sur la route avec leur vice-président finance masculin, ils n’ont pas de problème ni au bureau ni à la maison, a-t-elle témoigné lors du colloque Femmes en finance du Cercle Finance du Québec mardi. Ils soutiennent qu’ils ne savent pas quelles seraient les conséquences s’ils voyageaient plutôt avec une femme. »

Certains adoptent des politiques pour combattre cette culture masculine. « J’ai travaillé pendant presque 25 ans à la Banque Royale, se souvient Annie Blouin, aujourd’hui associée chez Odgers Berndtson. Il arrivait souvent qu’un client demande à changer de chargé de compte parce qu’il était moins à l’aise avec une femme. La politique était claire, c’était non. Que le client soit fâché ou même qu’il décide de quitter, nous ne devions pas déroger à la règle. »

Chez Énergie Valéro, sept des onze postes du conseil de direction sont occupés par des femmes. « S’intéresser aux candidatures féminines double le bassin de candidats potentiels et permet de rehausser la qualité des candidats retenus », fait valoir Gilles de Bellefeuille, ancien directeur des services technique à Énergie Valero – Raffinerie Jean-Gaulin de Lévis.

Selon lui, la présence des femmes entraînerait une plus grande coopération interdisciplinaire. Sans compter que dans un contexte où le recrutement est difficile, les entreprises n’ont pas les moyens de s’en priver.

ÉCART À COMBLER

Malgré une plus grande ouverture dans plusieurs organisations, les chiffres montrent que des écarts importants demeurent. Le ministère de l’Éducation a fait un suivi auprès des diplômés travaillant à temps plein deux ans après la fin de leurs études, tous domaines confondus. Résultat : les garçons n’ayant même pas décroché leur diplôme de cinquième secondaire ont des salaires supérieurs aux filles n’ayant pas terminé leurs études collégiales. Leur rémunération est plutôt semblable à celle des filles diplômées du cégep.

« L’université, ça aide, mais ce n’est pas aussi payant pour les femmes que pour les hommes pour des études équivalentes », remarque Mme Lee-Gosselin.

Cette situation est notamment causée par la ségrégation professionnelle, qui fait en sorte que les femmes se retrouvent dans certains métiers et les hommes dans d’autres. « Dans les entreprises technologiques, par exemple, on retrouve les femmes au marketing et en ressources humaines alors que les hommes occupent les autres postes », illustre Mme Lee-Gosselin. Plus tard, l’arrivée d’un enfant a des conséquences encore plus importantes sur la carrière des femmes. Par exemple, certains de leurs dossiers peuvent être confiés à des collègues pendant qu’elles sont en congé. Leur absence du bureau peut alors ralentir leur avancement de carrière, et donc leur salaire.

Les gens sont aussi généralement plus à l’aise avec des personnes qui leur ressemblent. « Dans une entreprise masculine, les femmes de talent ont donc moins de chance d’être repérées par quelqu’un ayant le pouvoir d’agir », souligne la chercheuse.

Changer la culture d’entreprise

Si les femmes doivent faire leur bout de chemin, les organisations doivent également leur faire une place, croit-elle. Notamment en acceptant qu’elles ralentissent le rythme au moment de la maternité et en leur permettant de « remonter dans le train » plus tard.

Changer la culture, c’est également changer les rituels et les habitudes. « Par exemple, pourrait-on proposer des activités plus inclusives que du golf et du hockey? », demande-t-elle.

« Je n’aime pas l’idée de briser la culture masculine, note pour sa part Pauline D’Ambroise, secrétaire générale et vice-présidente gouvernance et développement durable au Mouvement des caisses Desjardins. Je pense plutôt qu’il faut renforcer la culture féminine dans les organisations et surtout renforcer la complémentarité entre les deux. »

Son conseil aux femmes? Se trouver des alliés dans leur organisation pour les aider. Et ce, qu’ils soient hommes ou femmes…

Nathalie Côté