L’assurance, prochaine cible des FinTech

Par Nathalie Côté | 4 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le monde de l’assurance a davantage tardé à miser sur les technologies que d’autres secteurs des services financiers. Le virage est toutefois commencé et les changements vont certainement bousculer les façons de faire traditionnelles.

« Historiquement, notre industrie [n’a pas beaucoup progressé], note Alex Veilleux, vice-président innovation et partenariats stratégiques chez Desjardins Assurances. Une étude qui l’a analysée entre 1959 et 2007 montre d’ailleurs qu’elle n’a pas innové beaucoup. La seule chose qu’on y retrouvait de nouveau, c’était le rabais offert à la signature de deux contrats… »

L’heure est maintenant à l’innovation, c’est ce que les clients veulent, a-t-il affirmé hier lors de l’événement Insurtech QC de la Semaine numérique de Québec.

« Le phénomène de l’Insurtech est grandement accéléré par les demandes des consommateurs, explique-t-il. Ceux-ci goûtent à plusieurs nouveautés technologiques dans l’ensemble de leurs transactions d’affaires. Ils exigent que nous en fassions autant. On est capable de faire le suivi en temps réel d’un paquet envoyé par FedEx. Pourquoi le même concept ne s’appliquerait-il pas à une réclamation d’assurance? Le consommateur nous perçoit comme assez lents à nous adapter. »

Plusieurs entreprises ont commencé à investir. Reste que la part de l’assurance dans le financement des technologies financières n’est pas énorme.

Plusieurs grandes entreprises travaillent dans le monde de l’Insurtech à travers la planète, notamment dans le domaine de l’assurance vie et santé, mais elles sont peu présentes au Canada.

« Je pense que notre modèle de santé public a une grande influence, indique l’homme, qui a travaillé plusieurs années à New York et dans la Silicon Valley. Elles ont moins tendance à [foncer] chez nous, mais elles pourraient arriver ici éventuellement. »

De nombreuses startups sont également très actives dans ce secteur. M. Veilleux cite en exemple l’incubateur Plug and Play, issu de la Silicon Valley et maintenant présent un peu partout dans le monde. Cet accélérateur accompagne des startups dans leur développement d’affaires. « Il a défini son segment Insurtech il y a seulement 18 mois, souligne Alex Veilleux. [Parmi tous les secteurs dans lesquels Plug and Play est actif], c’est déjà le plus gros et c’est celui qui a grandi le plus rapidement. »

LE PARCOURS DU COMBATTANT

Dans cette marche vers l’innovation, les assureurs devront cependant faire face à différents défis, dont le recrutement de la main-d’œuvre. « Quelque 44 % des responsables technologiques des grands assureurs disent que le manque de ressources qualifiées les ralentit ou les empêche d’innover, expose M. Veilleux. Il faut vraiment se demander pourquoi. Peut-être qu’on projette l’image de compagnies un peu pépères et que cela n’incite pas les talents à venir vers chez nous. On se doit de trouver des façons de recruter des gens plus axés sur la technologie. On a un problème de marketing quant au recrutement dans les universités. »

Les grands assureurs devront également apprendre à travailler avec les startups, selon lui. « On a besoin d’elles et il faut se demander comment s’adapter pour éviter de les écraser. Je rencontre souvent des startups essoufflées après huit projets-pilotes réalisés avec le même assureur, qui en demande un neuvième. C’est une réalité, ces entreprises-là n’ont pas les reins assez solides pour y arriver. Il faut trouver une façon de faire les choses différemment, dans l’imperfection, et prendre des décisions sans avoir toutes les réponses. »

Cela ne concerne pas seulement les équipes technologiques, mais aussi celles qui s’occupent des finances et des aspects légaux. Toutes doivent penser différemment, juge Alex Veilleux.

Finalement, si plusieurs assureurs pointent souvent les nombreuses règles pour expliquer leur manque d’appétit pour l’innovation, ils devront apprendre à composer avec cela, affirme-t-il.

« Nous vivons dans un monde réglementé, ça ne changera pas. Il faut trouver des façons de mieux travailler avec le régulateur. Je pense notamment au comité de travail sur les FinTech de l’Autorité des marchés financiers. Il faut s’impliquer. »

Nathalie Côté