L’éducation financière au goût du jour

Par Pierre-Luc Trudel | 2 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Depuis le début de l’année scolaire, tous les élèves de 5e secondaire du Québec doivent obligatoirement suivre un cours en éducation financière. Un cours critiqué par certains, mais qui a pour objectif de permettre aux jeunes d’acquérir les connaissances nécessaires à leur bien-être financier, selon le gouvernement. Ce n’est d’ailleurs pas la seule initiative mise en place en la matière. Panorama.

Vendredi, lors de la Journée éducation financière de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, n’a pas caché son enthousiasme quant au cours d’éducation financière. « Ce cours n’aurait jamais dû être retiré de la grille-matières en 2009-2010 », a-t-il confié. Le ministre n’a d’ailleurs pas écarté la possibilité d’inscrire l’éducation financière plus tôt dans le parcours scolaire des élèves québécois.

D’une durée totale de 50 heures, le cours s’articule autour des trois enjeux financiers qui préoccupent le plus les adolescents de 16-17 ans : la consommation de biens et de services, la poursuite des études et l’intégration du marché du travail. Ces trois enjeux permettront notamment d’aborder avec les jeunes tout au long de l’année les notions d’endettement, d’épargne, d’imposition, de pouvoir d’achat, de rémunération et de financement des études.

« L’objectif du cours n’est pas de former des consommateurs ou de faire l’apologie du capitalisme, mais de donner les outils nécessaires pour que les jeunes soient en mesure d’éviter certains pièges, comme la surconsommation ou l’endettement », a pris soin de préciser Marie-Noëlle Corriveau-Tendland, du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.

Lors de l’évaluation finale du cours, qui aura lieu en fin d’année, les élèves devront être en mesure de justifier certains choix financiers en fonction des connaissances qu’ils auront acquises.

Notons que tout le monde n’a pas abordé ce cours d’éducation financière avec le même entrain. Ainsi, si le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) aurait préféré une intégration du contenu de ce cours dans les domaines d’apprentissage tout au long de l’enseignement secondaire, l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ), la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la Fédération des syndicats de l’enseignement ont quant à eux déploré il y a quelques mois « le caractère irrespectueux, et même illégal » de cette démarche « à l’effet d’imposer ce nouveau cours dès la rentrée scolaire 2017 ».

« En modifiant unilatéralement et aussi rapidement la grille-matière, le ministre manque de respect à l’endroit du personnel enseignant et des élèves et fait fi des encadrements légaux qui prévalent », indiquait ainsi un communiqué conjoint émis en janvier par les trois centrales syndicales.

Le président de l’APEQ, Sébastien Joly, a même avancé que ce cours tel qu’il était agencé découlait de souhaits exprimés par « les groupes financiers » et « les banquiers », et qu’il ne proposait qu’une vision libérale de l’économie.

DES INITIATIVES QUI SE MULTIPLIENT

Outre ce cours au secondaire, donc, différentes initiatives en littératie financière ont également été présentées lors de la journée. L’AMF a par exemple souligné la deuxième édition de son concours « On parle argent dans ma classe », qui incite les enseignants à aborder des questions financières avec leurs élèves, prix en argent à la clé.

Le régulateur a aussi élaboré, en collaboration avec différents organismes communautaires, un guide destiné aux nouveaux arrivants. « Il permet aux immigrants nouvellement arrivés de se familiariser avec le langage financier du Québec », a expliqué Camille Beaudoin, directeur de l’éducation financière à l’AMF.

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada a de son côté lancé un projet pilote de deux applications mobiles pour motiver les Canadiens à prendre leurs finances en main : Carotte Points Santé et Petits CHANGEment. La première incite les utilisateurs à établir un budget et les récompense en leur offrant des points de programmes de fidélité, comme Aeroplan ou SCÈNE. La deuxième les encourage à épargner et verse, en échange, certains montants d’argent à des organismes de bienfaisance.

Le Fonds de solidarité FTQ, pour sa part, a choisi de complètement revoir sa stratégie marketing auprès des jeunes. Sa nouvelle campagne publicitaire « C’est plate, mais c’est payant », vise à sensibiliser les étudiants universitaires à « l’épargne positive » plutôt que de faire directement la promotion du REER+ du fonds, une stratégie qui ne portait pas vraiment ses fruits.

« Notre objectif n’est pas de vendre des REER aux étudiants, on le sait très bien. C’est plutôt de les préparer tranquillement de façon à ce qu’ils passent à l’action plus rapidement à la fin de leurs études », a indiqué Natty Dussault, du Fonds de solidarité FTQ.

Plusieurs messages publicitaires amusants, tels que « Prendre un verre d’eau entre deux verres de gin, c’est plate mais c’est payant » ont déjà fait leur apparition sur les campus universitaires de la province.

PLUS À L’AISE DE PARLER D’ARGENT

Même si les Québécois éprouvent encore un certain malaise à aborder les questions financières avec leur entourage, un changement de culture s’opère tranquillement, a souligné Camille Beaudoin.

Un sondage commandé par l’AMF a permis de constater qu’en 2017, 69 % des Québécois se disaient à l’aise de parler d’argent en général, une hausse de 6 % par rapport à 2016. Les épargnants sont toutefois plus enclins à en discuter avec des professionnels de la finance : 79 % des répondants se disent à l’aise de parler d’argent avec ceux-ci, comparativement à 71 % l’année dernière.

Les professionnels sont aussi l’une des principales sources d’information en matière financière pour les Québécois (56 %), tout juste derrière les institutions financières (61 %). Suivent l’entourage (36 %), le web et les médias sociaux (21 %) et les organismes gouvernementaux (20 %).

Malgré une amélioration importante, le défi de la littératie financière demeure grand, alors que 69 % des Québécois démontrent un faible intérêt pour les questions financières. « Il reste beaucoup de travail à faire, notamment chez les femmes et les personnes à faible revenu », a conclu Camille Beaudoin.

Pierre-Luc Trudel