Les robots-conseillers vont-ils frapper un mur?

Par Nathalie Côté | 4 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Tatiana Shepeleva / 123RF

La popularité des robots-conseillers ne se dément pas. D’ici 2020, ils géreront 6 % de tout l’argent investi aux États-Unis, selon Marianne Tremblay, conseillère financière à Wealthbar. Leur utilisation soulève néanmoins d’importantes questions.

Aucun robot-conseiller n’a encore traversé de crise majeure, a notamment souligné Louis-Alexandre de Froissard, gérant chez Montaigne Patrimoine et fondateur de Bordeaux Fintech, lors de l’événement Insurtech QC de la Semaine numérique de Québec, qui s’est tenu hier. Mais les automates de la finance réussiront-ils à tenir leurs promesses?

« Par exemple, un certain robot français affirme au client que ce qu’il a placé ne fera pas moins que X et plus que Y, mais ces promesses se concrétisent dans 90 % des cas », illustre M. de Froissard.

Dans les 10 % restants, les prévisions ne sont pas atteintes. Et en analysant les événements de marché des 15 dernières années, on constate que cela survient de plus en plus, indique-t-il. « Donc, on a beaucoup de chances que le modèle ne se réalise pas. »

Il signale également que les fonds négociés en Bourse (FNB) sont de plus en plus synthétiques. « Ceux qui sont une représentation physique d’un indice [donc directement liés aux titres d’entreprises ou aux produits de base], ça ne me pose pas de soucis intrinsèques, c’est très bien, juge M. de Froissard. Mais il y en a d’autres, pour des raisons de coûts et de disponibilités, qui sont synthétiques. Techniquement, ils peuvent être constitués de choses qui ne sont pas directement sous-jacentes [des produits dérivés, par exemple un swap sur le rendement total, qui devra être conclu avec une institution financière]. »

« À ce moment-là se posent des problèmes de contreparties de liquidités. Je m’interroge à ce sujet », souligne l’expert. En effet, les produits liés aux FNB synthétiques sont beaucoup moins liquides que les titres utilisés pour la constitution des FNB physiques.

Autre préoccupation à son avis : la tendance des robots-conseillers à prendre tous les mêmes décisions au même moment, ce qui aurait pour effet d’amplifier les mouvements de la Bourse, à la hausse… comme à la baisse.

LES FRAIS : LE NERF DE LA GUERRE?

La popularité des robots-conseillers s’explique en grande partie par les frais, signale Mme Tremblay. Il faut dire qu’à long terme, ceux-ci peuvent représenter des sommes importantes

« Le Canadien moyen a 82 000 $ investis dans des fonds communs de placement à l’heure actuelle, note-t-elle. Si l’on prend un taux moyen de frais de gestion de 2,2 %, cela représente 1 800 $ par année. Avec Wealthbar, le client économiserait 1 340 $ par année. Cela peut faire toute une différence sur la qualité de vie d’une personne une fois à la retraite. »

Mais les frais pèsent-ils si lourd dans la décision du client? « Une étude de KPMG a montré que le prix était la première motivation de 36 % des clients, indique M. de Froissard. Ça veut dire qu’il reste 64 % des gens qui cherchent autre chose. On peut aussi se demander si en misant sur le prix, le client va être vraiment gagnant à la fin. »

POUR UNE ALLIANCE ENTRE ROBOTS ET HUMAINS

M. de Froissard n’est pas totalement contre les robots-conseillers. Il reconnaît notamment que les interfaces web sont particulièrement attrayantes. Sa propre société lancera d’ailleurs un robot-conseiller en octobre.

« Cela va nous permettre d’apporter plus de conseils à des gens que l’on a un peu moins l’occasion de voir, explique-t-il. En Europe, le gros problème, c’est que la réglementation prend jusqu’à 75 % du temps du rendez-vous avec les petits clients. Ça devient assez complexe. Je pense qu’il faut prendre le robot [pour dégager du temps avec le client] et l’adapter à ce que l’on sait faire. »

Contrairement à certains services offerts par les institutions financières traditionnelles, ceux des robots-conseillers sont accessibles à tous, même aux investisseurs qui ont peu d’argent à placer, fait aussi valoir Mme Tremblay.

De plus, Wealthbar offre depuis peu des portefeuilles en investissement privé pour ceux qui sont moins à l’aise avec les FNB. Un humain fait aussi un suivi auprès des investisseurs, rappelle-t-elle.

Nathalie Côté