Des poches d’optimisme dans le TSX

Par Nicolas Ritoux | 20 mars 2023 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
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Certaines actions canadiennes sont appelées à bien performer peu importe le contexte macro-économique, notamment dans l’énergie et les services financiers, note Craig Jerusalim, gestionnaire de portefeuille principal, actions canadiennes, Gestion d’actifs CIBC.

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« J’ai la réputation d’un optimiste et j’ai commencé l’année avec des prédictions plus positives que la plupart de mes collègues. Mais je commence à voir des signes inquiétants en lien avec l’inflation, les taux d’intérêt, les inventaires, et la demande. Il faut se souvenir qu’il y a un délai entre la hausse des taux et le ralentissement économique qui en résulte ; or nous ne faisons que commencer à voir les effets du resserrement monétaire, notamment dans l’immobilier et la consommation. L’emploi tourne encore à plein régime et les consommateurs se portent bien, mais ils ont épuisé leurs excédents d’épargne. Les inventaires s’alourdissent et les dirigeants de sociétés se montrent prudents », observe Craig Jerusalim.

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L’expert rappelle cependant que le marché d’actions n’est pas l’économie, et vice versa. Les trois plus importants vecteurs de rendement sont les perceptions (reflétées dans les multiples), les profits (tirés des revenus et des marges), et la croissance future (qui varie selon les secteurs). Or selon lui, ces signes ne pointent pas tous vers le bas.

« Les prix sont généralement attrayants au Canada, à la différence de l’indice S&P 500 qui s’échange au-dessus de son multiple moyen à long terme. Dans les 20 dernières années les prix du TSX et du S&P 500 ont tous deux oscillé autour de 17 fois les bénéfices. Récemment, ce dernier s’approche de 18 tandis que le TSX est tombé à 13. Cela donne un marché plutôt abordable et il serait difficile d’y trouver de meilleurs prix à moins d’une horrible crise financière, ce que nous n’entrevoyons pas », dit Craig Jerusalim.

« Là où je suis plus prudent, c’est du côté des prévisions des sociétés. À mesure que l’économie ralentit et que les revenus s’amenuisent, on verra les profits se réduire, au moins jusqu’à ce que les entreprises réagissent en réduisant leurs coûts pour rétablir leurs marges. Mais cela fait partie du cycle économique habituel », poursuit-il.

Historiquement, les bénéfices par actions se sont contractés en moyenne d’environ 25 % lors des récessions, et de 35 à 40 % lors de la crise financière de 2008. Jusqu’ici, ils n’ont reculé que de 8 % aux États-Unis et de 10 % au Canada. Cela pourrait laisser croire qu’il leur reste du chemin à faire vers le bas. Mais le bas prix des actions du TSX crée un contre-poids, et on pourrait voir les multiples remonter alors que les investisseurs se positionnent pour la suite, selon l’expert.

« Il y a aussi des espoirs du côté de la croissance. Le début de 2023 a vu l’investissement de style valeur revenir en force, mais c’était une reprise de basse qualité. Les actions qui ont le moins performé en 2022 ont connu les plus grands rebonds en 2023, incluant des sociétés qui ne sont pas profitables. Là où je vois des occasions à saisir, c’est plutôt dans les actions de style croissance qui sont actuellement mal évaluées. Je ne parle pas des titres de croissance à long terme d’entreprises non profitables qui ont mené les marchés en 2020 et 2021, mais d’entreprises de haute qualité qui démontrent des capacités de croissance au-delà du marché élargi, et dont les titres s’échangent à des prix étonnamment bas. C’est l’idéal pour des investisseurs patients qui sont prêts à ignorer les signaux temporels des marchés pour se concentrer plutôt sur la sélection de secteurs et de titres », explique Craig Jerusalim.

C’est dans le secteur de l’énergie qu’il dit voir les plus belles occasions, notamment car il traverse un cycle qui ne ressemble à aucun moment du passé.

« Du côté de l’offre, on ne verra sans doute plus de grand projet d’extraction ni même d’oléoduc au Canada, en raison de l’incertitude environnementale, du syndrome ‘‘pas dans ma cour’’, et des considérations envers les Premières Nations. Personne ne souhaite investir des milliards de dollars en amont d’un projet sans savoir à quoi ressemblera le retour sur investissement d’ici 5, 10, 20 ans. En outre, la production des sables bitumineux exige de réinvestir constamment les revenus sous terre, mais les actionnaires réclament plutôt des dividendes et des rachats d’actions, ce qui limite la production future. Toute pétrolière qui annoncerait des projets majeurs au lieu d’un retour de capital subirait l’hostilité des investisseurs dans le contexte actuel », affirme Craig Jerusalim.

Selon lui, ces dynamiques permettent à l’OPEP de se comporter plus que jamais comme un cartel. En combinaison avec la Russie, l’OPEP peut réduire sa production à tout moment pour faire monter les prix en sachant très bien que les pétrolières nord-américaines ne pourront plus lui ravir des parts de marchés comme elles l’ont fait dans la précédente décennie.

« Du côté de la demande, même en prévoyant une grande adoption des véhicules électriques, ceux-ci ne freineront pas la demande mondiale de pétrole puisque la croissance et l’exode rural dans les marchés émergents exigent une grande consommation d’énergie. Ajoutez à cela le réapprovisionnement à venir de la réserve stratégique américaine, et la reprise chinoise à la sortie des confinements, et on pourrait voir les prix du pétrole regagner les trois chiffres », entrevoit-il.

Dans ce contexte, il croit que les pétrolières canadiennes comme CNQ, Tourmaline et Cernovus vont affecter 100 % de leurs profits après investissements en capital à des dividendes et des rachats d’actions. Contrairement aux américaines, les canadiennes ont un profil de production de longue durée, au déclin lent, et aux coûts faibles, ce qui évite à leurs actionnaires de s’inquiéter.

L’expert voit aussi des occasions à saisir dans le secteur financier – mais pas forcément les banques.

« C’est une bonne règle de base d’acheter les titres des banques canadiennes quand ils s’échangent en-deçà de 10 fois leurs bénéfices projetés, mais le secteur est actuellement secoué par l’incertitude. La croissance des prêts est faible, surtout du côté hypothécaire, la hausse des provisions pour créances irrécouvrables, et un durcissement du cadre réglementaire avec davantage d’exigences de fonds propres risquent de peser sur les profits. Les banques vont bien se porter à moyen terme, mais je vois plus d’occasions de croissance parmi les titres financiers non bancaires », analyse Craig Jerusalim.

Selon lui, les taux d’intérêt élevés sont favorables aux entreprises comme l’assureur Trisura, ou le gestionnaire de flotte Element Fleet, ou encore le portefeuille d’infrastructures et d’actifs réels de Brookfield Corporation. Or, ces trois titres s’échangent à des prix inférieurs à leur valeur intrinsèque si l’on considère leurs perspectives de croissance.

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.