Nous ne sommes pas dans les années 80

19 octobre 2022 | Dernière mise à jour le 14 août 2023
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La poussée inflationniste actuelle devrait se calmer d’ici la fin 2023, selon Avery Shenfeld, économiste en chef de la CIBC.

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« Il faudra être patient avant de voir l’inflation baisser, sans doute faudra-t-il attendre la seconde moitié de 2023. Mais le chemin pour s’y rendre ne sera pas de tout repos, car nous sommes à la croisée des chemins entre certains prix qui baissent, d’autres qui se refroidissent, mais aussi certains secteurs qui peuvent maintenir l’inflation élevée. Je pense notamment aux loyers, surtout aux États-Unis. Tout le monde ne renouvelle pas son bail au même moment, et ceux qui le font en novembre vont influencer l’indice des prix à la consommation », soutient Avery Shenfeld.

L’expert note en outre que les salaires augmentent à bonne vitesse, non seulement à cause du faible taux de chômage, mais aussi parce que c’est un phénomène habituel à la suite d’une montée de l’inflation. Dans les secteurs à fort coefficient de main-d’œuvre, où les hausses de salaire influencent beaucoup les prix, l’effet sur l’inflation sera visible.

Mais il dit voir tout de même des signes précurseurs du ralentissement de l’inflation, par exemple dans les prix internationaux de l’énergie.

« Même si nous nous attendons à voir le pétrole se stabiliser autour de 90 USD le baril, il y aura plusieurs périodes au cours de 2023 où cela représentera une forte baisse par rapport à 12 mois auparavant. En conséquence, les prix moyens de l’essence pourraient baisser en 2023 par rapport à 2022 et alléger l’indice des prix à la consommation », analyse Avery Shenfeld.

Quant à l’inflation alimentaire, elle pourrait se calmer rapidement dans la première moitié de 2023 selon lui; dans le sens où les prix ne chuteront pas, mais cesseront de grimper.

« Nous allons avoir besoin de traverser une période de ralentissement économique pour contrer les pressions inflationnistes dans les salaires et les services. C’est pourquoi nous entrevoyons une croissance négligeable pour 2023, avant de voir en fin d’année l’indice des prix retourner vers la cible d’inflation de 2 % de la Banque du Canada », poursuit Avery Shenfeld.

Il faudra cependant éviter de se précipiter pour stimuler à nouveau l’économie, soit par une baisse des taux trop abrupte ou des mesures d’aide gouvernementale trop généreuses, prévient-il.

« On ne peut exclure la possibilité d’un réchauffement de l’inflation en 2024 si jamais le chômage est trop bas et les conditions économiques trop serrées. Il faut donc tabler sur la continuité d’une croissance décevante pour une autre année en 2024 », dit Avery Shenfeld.

« La bonne nouvelle, c’est qu’on est loin de la situation es années 80, à laquelle les médias comparent beaucoup l’inflation actuelle. À l’époque, l’inflation se poursuivait depuis la fin des années 60 et elle était donc non seulement élevée, mais on s’attendait à la voir continuer. Pour la faire baisser, il fallait s’attaquer à des attentes inflationnistes bien ancrées. Nous ne sommes pas dans cette position aujourd’hui. Et l’inflation que nous avons vue ne provient pas d’une trop forte demande dans l’économie, mais de problèmes d’approvisionnement pour répondre à la demande », note l’économiste.

Si les chaînes d’approvisionnement sont loin d’être décoincées, il s’attend à les voir mieux fonctionner d’ici un an.

« On espère produire davantage de véhicules à ce moment, et faire ainsi baisser leurs prix. On verra peut-être aussi la Chine relâcher sa politique de zéro COVID qui ralentit sa production. Tout cela pourrait améliorer les chaînes d’approvisionnement de l’économie mondiale et dégonfler ainsi l’inflation. Ce n’est pas une option que nous avions dans les années 80, où il fallait plonger dans une profonde récession pour contrôler l’inflation. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.