Comment rester dans le coup?

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 29 avril 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Enfant installé devant un vieil ordinateur.
Photo : yarruta / 123RF

Il y a d’un côté la législation, la réglementation et la conformité qui se durcissent, dans la foulée de la crise de 2008 et des scandales financiers du tournant des années 2010. De l’autre, la technologie, les robots-conseillers et autres applications, devenus incontournables et prisés par la jeune génération. Alors que l’industrie est en pleine mutation, certains conseillers, les plus âgés notamment, se sentent parfois dépassés par les nouvelles conditions de pratique. Comment demeurer dans le coup? Voici quelques pistes.

Jean Dupriez a soufflé cette année ses 81 bougies. S’il a vendu sa clientèle il y a cinq ans, après trente ans de carrière en tant que conseiller et planificateur financier, il continue à recevoir certains clients pour des consultations occasionnelles et consacre le plus clair de son temps à produire des formations accréditées par la Chambre de la sécurité financière. Deux activités qui lui demandent forcément de demeurer très au courant de ce qui bouge dans l’industrie.

« Je lis beaucoup, indique-t-il. Tous les bulletins émis par les différents régulateurs, et Dieu sait s’il y en a! Ça me permet de rester informé et de connaître les principes qui régissent aujourd’hui le conseil financier. »

S’ASSOCIER À UN PLUS JEUNE

L’ex-conseiller raconte avoir passé la main parce qu’il vieillissait, certes, mais aussi parce qu’il n’avait pas envie de se conformer à toutes les nouvelles règles.

« La meilleure preuve que je demeurais pertinent, c’est ma longévité, le fait que j’avais des clients fidèles et que mes rendements dépassaient de 2 % par an la moyenne des fonds d’investissement, avance-t-il. C’est là que l’expérience entre en jeu. Quand on connaît l’histoire boursière et que l’on bâtit des portefeuilles en fonction de cela, on demeure dans le coup. »

Tous les conseillers qui ont connu l’avant-crise de 2008, où le professionnel des services financiers avait beaucoup moins de paperasse à remplir, ne peuvent cependant pas prendre leur retraite pour éviter de subir les nouvelles règles de conformité. Ils peuvent toutefois s’adjoindre une personne, plus jeune, susceptible de les aider avec tous ces changements.

« En fin de carrière, les conseillers doivent penser à leur relève. C’est alors l’occasion de s’associer à quelqu’un de plus jeune, plus au courant des dernières nouveautés réglementaires, car sortant tout juste de formation. Pour le volet technologie, je connais quelques conseillers plus âgés qui ont fait appel aux services, soit à l’interne, soit de manière ponctuelle, d’une personne en charge de leur développer les applications dont ils ont besoin, de leur façonner une page web et de gérer leurs réseaux sociaux », souligne Bernard Viau, conseiller lui aussi à la retraite.

Les derniers outils technologiques ne sont pas forcément indispensables à la pratique, mais certains d’entre eux sont bien utiles et permettent de gagner du temps, estime M. Viau. Quant aux robots-conseillers, s’il ne faut pas prendre toutes leurs recommandations au pied de la lettre, il reconnaît qu’ils soutiennent le conseiller. Ils l’aident également à poser les bonnes questions aux clients puisqu’ils sont capables de s’adapter en fonction des réponses de celui-ci.

« Utiliser les technologies, c’est aussi une demande des clients, ajoute-t-il. Dans une logique de concurrence, les conseillers n’ont donc pas le choix de s’adapter. »

Mathieu Huot est fiscaliste et planificateur financier pour IG Gestion de patrimoine. En affaires depuis 2007, il explique que demeurer à l’affût des nouveautés est assez facile pour lui puisque l’information lui est relayée par son groupe.

« Nous avons du soutien à l’interne, note-t-il. Nous sommes supposés comprendre vers quoi l’industrie évolue, mais nous avons aussi du personnel qui vérifie si les dossiers sont conformes et des réunions de formation régulièrement. C’est plus difficile lorsque l’on est travailleur autonome ou que l’on travaille pour un plus petit cabinet. »

FORMATION CONTINUE

Ceux-là peuvent alors se tourner vers la formation continue, obligatoire pour quiconque souhaite conserver ses permis de pratique. Du point de vue de la technologie, M. Huot croit que les conseillers ont tout intérêt à accepter les formations proposées par les compagnies d’assurance qui, les unes après les autres, abandonnent les formulaires papier et mettent au point des plateformes numériques.

« Il est impossible de toutes les suivre, nuance-t-il. Mais les conseillers devraient sélectionner trois ou quatre compagnies dont ils apprécient les produits et faire venir un représentant afin qu’il en explique le fonctionnement. D’autant que si ces plateformes sont assez intuitives, il y a souvent des mises à jour. Elles sont évolutives. Ça peut vite devenir assez lourd à gérer. »

Pour conclure, s’il est important de demeurer au fait des nouveautés dans l’industrie, cela ne dispense personne de connaître les bases de la profession, soulève toutefois Jean Dupriez.

« Quand je vois que certains de mes jeunes confrères ne font pas la différence entre une action et une obligation, ils ont beau avoir des dossiers qui répondent à la conformité et être très à l’aise avec les logiciels de gestion de clientèle ou de répartition d’actif, ça ne fait pas d’eux de bons conseillers. »

Ainsi, selon lui, pour rester dans le coup, un conseiller aurait plus intérêt à acquérir une formation solide et à s’intéresser à l’histoire boursière, plutôt qu’à vouloir démontrer à tout prix à sa clientèle qu’il est à l’aise avec les nouvelles technologies.

Hélène Roulot-Ganzmann