Fonds communs : les commissions encore sur la sellette

Par Ronald McKenzie | 5 avril 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Books and legal research in the courthouse

La nouvelle a eu peu d’écho dans la presse québécoise, mais toujours est-il que la Grande-Bretagne a annoncé le bannissement prochain des commissions versées aux conseillers qui vendent des produits de placement sur son territoire. Cette mesure, qui doit entrer en vigueur en 2013, est destinée à restaurer la confiance des investisseurs britanniques envers l’industrie des services financiers.

Le projet de loi prévoit, en remplacement des commissions, le paiement d’honoraires aux conseillers en retour des services rendus.

Cette nouvelle a été accueillie avec satisfaction par plusieurs observateurs au Canada anglais. L’organisme FAIR, qui milite activement pour la protection des épargnants, dit qu’une politique semblable pourrait voir le jour au pays si le législateur souhaitait réellement améliorer la protection des investisseurs. «Ça fait 10 ans qu’on demande à l’industrie des fonds communs de fournir de simples sommaires explicatifs de deux pages aux points de vente, mais on attend encore», a indiqué Ermanno Pascutto, directeur général de FAIR.

Il a ajouté que le Canada devrait imiter la Grande-Bretagne et abolir les commissions de suivi. Ermanno Pascutto estime que les investisseurs sont lésés par ces commissions qu’ils paient sans réellement s’en rendre compte.

Me Glorianne Stromberg partage aussi cet avis. Ancienne commissaire à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, figure de proue au Canada anglais pour sa détermination à défendre les intérêts des investisseurs, Glorianne Stromberg dit que «les gens ne comprennent pas qu’ils versent des commissions continues». Les commissions de suivi ont pour effet de réduire le rendement des placements et de faire des fonds communs «une manière onéreuse d’investir», déplore-t-elle.

À l’opposé, Dan Richards note que la plupart des investisseurs canadiens savent que l’industrie perçoit des frais lorsqu’ils achètent des fonds communs. «Les investisseurs d’aujourd’hui ont un niveau de connaissance nettement plus avancé qu’il y a dix ans», constate le président de la firme de communication financière Strategic Imperatives.

Qu’en pense l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) ? Il se porte à la défense du réseau canadien de distribution des fonds communs et des modes de rémunération des conseillers. «Nous ne croyons pas qu’il faille implanter le modèle britannique. Selon nous, le meilleur système consiste à avoir un excellent mécanisme de diffusion de l’information, et c’est ce qui est offert», a déclaré Joanne De Laurentiis, directrice générale de l’IFIC.

Elle a souligné que les fonds communs sont vendus par voie de prospectus et que les sommaires explicatifs distribués aux points de vente seraient disponibles incessamment. Joanne De Laurentiis reconnaît que de nombreux investisseurs ne prennent pas le temps de lire la documentation qu’on leur remet. Mais, dit-elle, les conseillers sont tenus de révéler toutes les formes de rémunération qu’ils touchent lorsqu’ils vendent des fonds communs.

Les tenants d’une protection accrue des investisseurs, comme FAIR, Glorianne Stromberg et la Small Investor Protection Association (SIPA) exercent actuellement des pressions sur les gouvernements pour qu’ils adoptent des mesures similaires à celles des Britanniques. Mais le combat est difficile. «Ça prendrait une fort leadership [politique] pour qu’on y arrive. Il faudra affronter les banques, les sociétés de fonds communs et les grandes compagnies d’assurances. Je ne vois personne qui accepterait de mener cette lutte», dit Ken Kivenko, président du conseil de la SIPA.

Glorianne Stromberg, elle, refuse de baisser les bras. Elle croit que le Canada ne pourra pas tourner dos à l’initiative britannique très longtemps. En effet, l’Australie et plusieurs autres pays sont en train d’analyser le modèle britannique et songeraient à l’adopter. «Il s’attaque à un problème connu depuis des années, mais qu’on choisit d’ignorer. Il est impératif qu’on l’examine ici. Le plus tôt sera le mieux», conclut Glorianne Stromberg.

Ronald McKenzie