La prospection hors des recommandations, c’est possible!

Par Maxime Bilodeau | 16 janvier 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : gmast3r / 123RF

Quoique efficace, le bouche-à-oreille n’est pas la seule manière de recruter de nouveaux clients. Le numérique bouleverse le développement d’affaires, qui implique de moins en moins de sollicitations directes.

Serrer des mains lors d’un 5 à 7 dans l’espoir de rencontrer des prospects ne figure pas dans les habitudes d’André Lacasse. En fait, le planificateur financier indépendant ne se souvient pas de la dernière fois qu’il a participé à un tel événement.

« Il en va de même pour les cocktails de financement et autres kiosques d’information : je ne crois pas à l’efficacité de telles méthodes de prospection, qui ne vont pas assez en profondeur. Le bénéfice est quasi nul », avoue-t-il.

Depuis cinq ans, l’entrepreneur recrute de nouveaux clients par l’entremise de contenus écrits qu’il publie sur son site personnel ou pour des médias spécialisés, comme Conseiller. Éducatifs, ses textes vulgarisent dans un langage clair et accessible des questions complexes susceptibles d’interpeller sa clientèle cible, les 40 à 60 ans. Surtout, ce ne sont pas des publicités déguisées, une pratique que la Chambre de la sécurité financière (CSF) proscrit, par ailleurs.

« Je n’invite jamais les lecteurs à me contacter ou à prendre rendez-vous avec moi; ça ne fonctionnerait pas de toute façon. L’idée est plutôt de faire valoir mon expertise et ma crédibilité par du contenu riche et fouillé, dans l’espoir que ça cogne ensuite à ma porte », précise André Lacasse.

Et ça marche : la plupart du temps, ses nouveaux clients aboutissent chez lui après avoir lu un de ses textes.

ÉVOLUTION DES MENTALITÉS

Si la sollicitation directe de clients n’est pas morte en 2020, elle a néanmoins du plomb dans l’aile. Depuis son entrée en vigueur en 2014, la Loi canadienne antipourriel balise les activités de démarchage par voie électronique, notamment l’envoi de courriels non demandés.

Dorénavant, il faut obtenir l’autorisation du prospect avant de lui acheminer des missives électroniques, ce qui s’effectue généralement par l’inscription volontaire à une liste de diffusion à même un site Web.

La sollicitation téléphonique « à froid » (cold call) est quant à elle régie par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui prévoit une liste regroupant les numéros de téléphone de tous les consommateurs qui demandent à ne pas être appelés.

Un respect scrupuleux des règles du télémarketing est nécessaire. En outre, il faut que le conseiller s’identifie et nomme l’entreprise pour laquelle il agit, indique l’objet de son appel et informe la personne que son nom peut être retranché de la liste à tout moment, détaille la CSF.

Le durcissement de la réglementation relative à ces méthodes de prospection n’est pas fortuit. Celui-ci témoigne d’une évolution des mentalités des clients, qui préfèrent désormais s’informer en ligne avant d’acheter des produits et services financiers. Un rapport de la Banque de développement du Canada de 2017 estimait que 85 % des interactions entre les consommateurs et les entreprises se feraient aujourd’hui sans contact humain.

« Avoir une forte présence en ligne aujourd’hui est tout aussi important que de figurer dans le bottin téléphonique il y a vingt ans. C’est désormais un incontournable », pense Fabien Major, associé principal et fondateur de Major Gestion Privée, une succursale de Gestion de patrimoine Assante. Lui aussi mise sur la production de contenus originaux pour recruter de nouveaux clients – il va même jusqu’à produire des vidéos sur YouTube.

De fait, le planificateur financier ne sollicite plus explicitement de prospects, préférant les laisser venir à lui. « Quand ils prennent contact avec nous, leur décision est déjà bien mûrie : ils sont plus réceptifs et nous font pleinement confiance », souligne Fabien Major, qui mise en outre sur les réseaux sociaux et des infolettres pour diffuser ses contenus. « Il faut être facile à trouver », insiste-t-il.

RÈGLES À RESPECTER

Ce qui ne change pas, en revanche, est la nécessité de se conformer à des règles déontologiques. En ligne, « le représentant doit agir avec le même degré de professionnalisme que dans ses interactions en personne, par téléphone ou par écrit avec ses clients », spécifie la CSF sur son site Web.

Concrètement, cela signifie qu’il est interdit de recourir à des incitatifs (monétaires, cadeaux…) dans l’espoir de développer une relation d’affaires avec un client. En outre, le Règlement sur l’exercice des activités des représentants spécifie que « le représentant doit, s’il utilise des statistiques [comme des projections financières] dans ses représentations écrites, en indiquer la source. »

La CSF va plus loin : « Le représentant ne doit pas utiliser des projections ou statistiques non représentatives qui font entrevoir des résultats injustifiés ou exagérés ou sans indiquer les hypothèses pertinentes ayant permis d’arriver à ces résultats. »

Pour s’assurer de ne pas commettre d’impairs déontologiques, André Lacasse fait relire ses articles par son service de conformité. « Je m’assure ainsi de ne pas utiliser des mots qui peuvent prêter à confusion, de ne pas donner des conseils, mais bien de simples renseignements de nature informative… C’est une bonne police d’assurance », conclut-il.

Maxime Bilodeau