L’ABC de l’achat de blocs d’affaires

Par Alizée Calza | 12 octobre 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
7 minutes de lecture

On n’achète pas un bloc d’affaires comme on acquiert un nouveau meuble. Il s’agit d’un processus complexe, qui mérite réflexion. Si l’achat se fait de la bonne façon, cela peut se révéler très bénéfique pour le succès de votre pratique. 

Afin d’éviter les pièges et aider ceux qui veulent se lancer dans l’achat de clientèle, quatre experts ont partagé leur expérience. Ils ont ainsi montré les essentiels à considérer et les pièges à éviter lors d’un panel organisé par l’Association de la relève des services financiers (ARSF) à l’occasion de la quatrième édition du Congrès de la relève.

QUAND ACHETER? 

« Il faut d’abord que tu puisses réussir indépendamment d’une clientèle avant d’en acheter une », lance d’emblée Nicolas Maheu, Conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective, Groupe financier MR.

Un point de vue partagé par Normand de Champlain, fondateur et président de N.D.C Services financiers. « Aussitôt que tu maîtrises bien le travail et la carrière, l’acquisition devrait apparaître vite », assure-t-il.

Marie-Philippe Dostie, Directrice développement des affaires au Groupe financier Horizons, a une vision quelque peu différente. Selon elle, les nouveaux conseillers peuvent choisir d’acheter un bloc de clientèle afin d’accélérer le lancement de leur pratique. Mais dans ce cas, elle conseille d’acquérir un petit bloc.

Commencer en s’assurant d’avoir une clientèle déjà bâtie peut effectivement avoir des avantages. Toutefois, il faut éviter certains pièges. Le premier étant le risque de comparaison avec le conseiller vendeur. Il faut se révéler au moins aussi judicieux ou à tout le moins, s’assurer de se distinguer et de faire valoir sa valeur, sinon les clients risquent de partir, prévient Antoine Chaume, conseiller en placement et planificateur financier – Lafond + Associé.

Il est également essentiel d’être capable de gérer cet afflux de clients d’un point de vue administratif. « Si l’ancien conseiller rappelait les clients en 24h et que toi tu les rappelles dans la semaine, tu es mort. Si tu n’apportes pas un effet « wow », tu auras beaucoup de pertes », avertit Normand de Champlain.

« Il est indispensable de créer un environnement d’accueil optimal pour la transaction », ajoute Antoine Chaume. Ainsi une équipe peut être un essentiel avant d’acquérir un bloc d’affaires.

OÙ EN TROUVER? 

« Le processus de recherche de clientèle se fait de la même façon que la recherche de clients », assure Marie-Philippe Dostie, résumant ainsi la pensée des trois autres experts.

De la même façon que l’on cherche à établir un climat de confiance avec le client, il faut prouver qu’on est le meilleur et s’arranger pour que chaque achat de bloc d’affaires se déroule de la meilleure façon possible afin que notre nom circule.

Un autre essentiel consiste à « ne pas avoir peur de dire qu’on veut en acheter et en parler ouvertement. Rester tout seul et attendre que ça vienne à nous, ça ne marche pas », déclare Nicolas Maheu.

« En parler, c’est la clé, l’appuie Marie-Philippe Dostie. Je sème des graines constamment, c’est la loi de l’effort. » Ainsi, il ne faut pas hésiter à en discuter avec ses partenaires d’affaires et son agent général.

Les soupers d’affaires et les formations UFC sont également des endroits idéaux pour aborder le sujet, estime Normand de Champlain.

Pour s’assurer ensuite d’être choisi, il faut être le meilleur, ajoute le fondateur et président de N.D.C Services financiers. Selon son âge, il est important de prouver que l’on a pensé à un plan de relève, mais il faut aussi montrer qu’on a une bonne équipe pour nous soutenir et aucun problème de conformité. « Le vendeur veut s’assurer que ses anciens clients seront contents avec leur nouveau conseiller », souligne-t-il.

LES POINTS À REGARDER 

La première chose à faire avant d’acheter un bloc d’affaires, c’est de rencontrer le vendeur. En parlant avec ce dernier, on peut récolter nombre d’informations. Antoine Chaume estime même qu’il est essentiel de partager les mêmes valeurs et la même philosophie de travail que l’acheteur.

Il est également important d’en apprendre plus sur la clientèle : son âge moyen, le genre de clients et où ils se trouvent.

Si tous les clients sont très âgés, le bloc d’affaires ne rapportera que peu sur le long terme. Dans le même sens, « si tu as une clientèle familiale et que tu acquiers une clientèle d’entrepreneurs, tu risques de perdre davantage de plumes », dit Antoine Chaume. Quant à la localisation des clients, si ces derniers sont tous éloignés, cela sera plus complexe de les rencontrer en personne.

Normand de Champlain profite également de la rencontre avec le vendeur pour en apprendre davantage sur les raisons de son départ et s’assurer qu’il a un bon portefeuille. « Qui veut acheter un courtier qui va revenir dans 5 ans, car il n’a pas les moyens de prendre sa retraite? », souligne-t-il.

La conformité doit également être vérifiée attentivement. « C’est sûr que je ne suis pas intéressé d’acheter à un vendeur qui a une tâche à son dossier auprès de l’AMF », note Nicolas Maheu en précisant : « si le vendeur parle beaucoup d’argent, tu vas sûrement retrouver des boîtes à surprise ».

Pour en apprendre davantage sur ce point, lui-même demande souvent un échantillon de dossiers. « Si rien n’est noté, c’est étrange. Ça en dit gros », assure-t-il.

Marie-Philippe Dostie conseille également de regarder les relevés de fin d’année des deux dernières années, et de vérifier si la valeur de ces derniers a été stable. Elle-même regarde également les produits vendus aux clients du bloc. Selon elle, il n’est pas nécessaire de connaître tous les produits qui sont dans le bloc lors de l’achat. Le tout est de se renseigner sur chacun avant de rencontrer les clients concernés.

« Pour vous assurer de penser à tout, parlez-en à des confrères qui ont déjà acheté des blocs d’affaires », suggère-t-elle.

UN BON CONTRAT POUR UNE BONNE TRANSITION 

Ce type de transaction nécessite un excellent contrat pour se protéger et parer à toute éventualité. Pour cela, Antoine Chaume conseille de faire affaire avec un bon avocat. « Quand vous faites des contrats, l’avocat qui vous coûte le plus cher est celui qui, à la fin, vous coûte le moins cher », illustre-t-il.

Marie-Philippe Dostie abonde en son sens. « C’est LA chose la plus importante. Si le bloc a été mal évalué, il y a sûrement une clause dans le contrat pour vous aider à cet égard, si celui-ci a été bien fait », ajoute-t-elle.

Normand de Champlain conseille d’y spécifier une date pour l’achat et la vente, pour s’assurer que le vendeur ne décidera pas finalement de rester plus longtemps. Marie-Philippe Daoust l’appuie, surtout que lorsque le junior est là, le vendeur retrouve souvent son énergie et sa flamme se rallume.

« L’idéal serait que le vendeur reste 6 mois à un an », précise Nicolas Maheu, le but étant de présenter sa relève à ses plus gros clients. Le conseiller fait également attention à garder une bonne relation avec le vendeur afin de pouvoir le recontacter plus tard en cas de problème.

Pour une bonne transition, Normand de Champlain s’assure que le vendeur écrive une belle lettre d’au revoir à sa clientèle, dans laquelle il présente aussi sa relève. Marie-Philippe Dostie ajoute même à cette communication les photos du vendeur et de l’acheteur. Le but étant de permettre aux clients de voir physiquement la relève avant même la tenue d’une rencontre en personne. Cette lettre permet également de protéger l’acheteur d’une envie soudaine du vendeur de revenir sur le marché.

Ensuite, les quatre experts sont d’accord, tout est question de rapidité. Il faut contacter au plus vite les clients du nouveau bloc d’affaires. « Il faut garder en tête qu’acheter un bloc d’affaires, ça vient avec du service. Tu n’achètes pas une clientèle pour t’asseoir dessus. Il faut s’en occuper et rencontrer les clients », assure Nicolas Maheu. Et la rapidité est un point clé pour éviter de perdre ces nouveaux clients.

QUELQUES CONSEILS SUPPLÉMENTAIRES 

Avant de se lancer dans l’aventure, Nicolas Maheu recommande de s’armer de patience. « Le processus est long à partir du moment où l’on s’est mis d’accord avec le vendeur », précise-t-il.

Marie-Philippe Dostie souligne que l’important est d’être bien préparé, notamment financièrement. La capacité d’emprunt est ainsi un point à ne pas négliger. Elle-même conseille de garder un coussin de côté au cas où. « Il ne faut pas être stressé par l’argent, sinon on est bloqué », prévient-elle.

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Alizée Calza

Alizée Calza est rédactrice en chef adjointe pour Conseiller.ca et pour Finance et Investissement.