Les quatre piliers de l’investissement fiscalement sensé

Par Michelle Munro | 22 septembre 2009 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les conseillers financiers savent bien que l’un des attributs fondamentaux des services à valeur ajoutée qu’ils offrent à leurs clients est l’efficacité fiscale. Quelle que soit la phase du cycle dans laquelle on se situe, l’efficacité fiscale est toujours primordiale. Ce que plusieurs conseillers sous-estiment peut-être, par contre, c’est l’importance croissante de ce facteur. Selon Investor Economics(1), le nombre de ménages canadiens dont la fortune totalise un million de dollars ou plus doublera presque au cours des dix prochaines années. On prévoit que, d’ici 2018, ces ménages posséderont plus de 66% des actifs investissables. Un grand nombre d’études soulignent que les gens dans cette situation ont tendance à valoriser les conseillers qui gèrent judicieusement les questions fiscales.

Pour les conseillers, la question est de savoir quel est le meilleur moyen d’y arriver. Dans cette rubrique, je présenterai les quatre objectifs de base de l’investissement fiscalement sensé. J’explorerai aussi certains des moyens à employer pour atteindre ces objectifs dans le cadre des comptes non enregistrés que les investisseurs à valeur nette élevée utilisent généralement pour détenir la majeure partie de leurs placements. Je fonderai mon analyse sur les catégories d’actions de fonds plutôt que sur les fonds communs de placement classiques. Comme vous le verrez, il est relativement facile pour un conseiller bien formé de créer constamment de la valeur ou, comme je me plais à le dire, de l’«Alpha fiscal».

Définir la cible

Avant d’entrer dans les détails, il convient de définir ce qu’est un «investissement fiscalement sensé». Nous savons que ce concept est central dans le contexte des comptes non enregistrés, dont les produits ne sont pas à l’abri de l’impôt. Nous savons aussi qu’il ne s’agit pas simplement de choisir les placements qui occasionneront les charges fiscales les plus faibles. Si c’était le cas, un bas de laine ferait l’affaire. Je crois que la meilleure manière de définir un investissement fiscalement sensé est d’examiner sa valeur ajoutée après impôt attribuable à ses caractéristiques fiscales, compte tenu de son profil de risque. En d’autres termes, quelle est la valeur ajoutée sur le plan fiscal? Il faut aussi prendre en considération les objectifs de placement particuliers de chaque client. Une solution fiscalement efficace qui ne répond pas aux objectifs du client est mal choisie– même si elle correspond au profil de risque du client.

Les quatre piliers

Les quatre principaux objectifs fiscaux sont les suivants:

  • croissance fiscalement sensée– on cherche à minimiser les distributions imposables afin de maximiser la croissance composée;
  • transferts fiscalement sensés– on souhaite faire des modifications stratégiques ou tactiques dans la répartition des actifs du portefeuille sans déclencher des gains imposables;
  • liquidités fiscalement sensées– on vise à faire les retraits désirés tout en comprimant les impôts courants à payer;
  • planification successorale fiscalement sensée– on veut léguer sa fortune de manière fiscalement efficace au conjoint, à la prochaine génération ou à des organismes de bienfaisance.

Voyons chacun de ces objectifs tour à tour.

1- Croissance fiscalement efficace

Les fonds dans une Structure de Capitaux, soit des Catégories, peuvent diminuer les charges d’impôt courantes et favoriser la croissance fiscalement sensée en regroupant une famille de fonds au sein d’une seule société de fonds communs de placement. Aux fins de l’impôt, une telle société est traitée comme une seule entité; tous les revenus et toutes les dépenses des diverses Catégories y sont consolidés. La société étant ainsi en mesure de déduire les dépenses des revenus qui, autrement, déclencheraient des charges fiscales, les placements bénéficient d’une croissance composée plus rapide.

Pour optimiser cette stratégie fiscale, le conseil d’administration de la société de fonds communs de placement doit s’assurer que les revenus ne dépassent pas les dépenses engagées au sein de la structure. L’un des moyens utilisés dans ce but est de limiter les placements qui produisent des revenus d’intérêt.

Une fois les intérêts et les revenus étrangers annulés, on minimise les distributions imposables en déduisant le solde des dépenses des gains en capital et des dividendes canadiens.

Une société de fonds communs de placement peut aussi utiliser les pertes en capital réalisées dans une catégorie pour diminuer les gains en capital dans toutes les autres catégories. Habituellement, si les pertes en capital n’ont pas annulé tous les gains en capital nets réalisés, le solde est réaffecté à la catégorie qui les avait produites initialement.

Le mécanisme de remboursement des gains en capital est un autre outil important servant à diminuer les distributions dans le cadre d’une société de fonds communs de placement. Un fonds peut utiliser ce mécanisme pour retenir une portion des gains réalisés qui devraient autrement être distribués aux investisseurs. Les gains retenus ne déclenchent pas de charge fiscale.

2- Transferts fiscalement sensés

Il arrive toujours un moment où le conseiller doit rééquilibrer le portefeuille de son client en réaction aux mouvements du marché, que ce soit en vertu de la règle «on doit connaître son client» ou pour des raisons tactiques. Dans tous les cas, une société de fonds communs de placement procure aux investisseurs la souplesse nécessaire pour transférer et rééquilibrer les placements non enregistrés sans que ces opérations soient traitées comme des dispositions imposables. La société de fonds communs de placement étant considérée comme une seule entité, aux fins de l’impôt, une disposition imposable ne se produit que quand le client rachète ses placements ou les transfère à l’extérieur de la société. Par conséquent, les transferts à l’intérieur de la société ne sont pas traités comme des opérations imposables soumies à l’impôt et les gains non réalisés continuent à fructifier à l’intérieur du compte. Cette structure est donc plus avantageuse que celle des fiducies de fonds communs de placement, où les gains réalisés à l’occasion d’un transfert donnent lieu à des charges fiscales.

3- Liquidités fiscalement sensées

Les remboursements de capital, une innovation plus récente, permettent aux clients de toucher des liquidités de manière fiscalement sensée. Cette formule a pour effet de reporter le déclenchement de gains en capital lorsqu’un client effectue des retraits mensuels. Pour ce faire, on traite les montants touchés comme des remboursements qui diminuent le prix de base rajusté du placement, plutôt que comme des rachats de parts. Le capital remboursé ayant déjà été soumis à l’impôt, ces liquidités sont exemptes de charges fiscales. Malheureusement, cela ne signifie pas que toutes les distributions d’une société de fonds communs de placement seront libres d’impôt. Il arrive parfois que des dividendes ou des distributions de gain en capital imposables soient versés. Néanmoins, il est probable que ces dividendes seront inférieurs aux montants qui seraient dégagés par les mêmes placements dans une fiducie de fonds communs de placement, et ils n’incluront pas de revenus d’intérêt.

Les remboursements de capital peuvent se poursuivre pendant de nombreuses années jusqu’à ce que le prix de base rajusté devienne égal à zéro; à partir de ce moment-là, les retraits subséquents seront traités comme des gains en capital. Ils demeureront toutefois fiscalement avantageux car les gains en capital ne sont imposables qu’à 50%. Ainsi, le taux d’imposition applicable aux liquidités versées après que le prix de base rajusté soit tombé à zéro est deux fois moins élevé que celui qui s’applique à un titre portant intérêt ou à un retrait d’un REER ou d’un FERR.

La durée du prix de base rajusté d’un placement dans une Catégorie dépend de l’option de paiement choisie et du rendement du placement; elle se situe généralement entre 10 et 20ans.

4- Planification successorale fiscalement sensée

Les nouvelles règles fédérales sur les dons de charité permettent aux investisseurs d’échapper à l’impôt sur les gains en capital et de recevoir des crédits d’impôts lorsqu’ils donnent des titres négociés en bourse, y compris des fonds communs de placement, à des organismes de bienfaisance ou à des fondations. Ces règles s’arriment parfaitement à la formule des Catégories assorties de remboursements de capital mentionnée plus tôt, qui permet aux investisseurs de distinguer leur capital initial de leurs gains en capital. Quand le prix de base rajusté d’une Catégorie atteint zéro, le client se retrouve avec un placement composé uniquement de gains en capital. À ce moment-là, il peut décider de donner son placement à un organisme de charité sous la forme d’un don en espèces, et profiter ainsi du fait que les gains en capital sont alors entièrement libres d’impôts.

Il peut être plus avantageux de faire don de Catégories assorties de remboursements de capital que des actions comme telles. Normalement, quand un investisseur fait un don en actions, son don se subdivise en deux parties : le capital initial, sur lequel l’impôt a déjà été payé; et des gains en capital avant impôts. Grâce à la formule des Catégories assorties de remboursements de capital, les investisseurs peuvent conserver ou léguer à leurs héritiers le capital initial qui a déjà été imposé tout en donnant une partie ou la totalité des gains en capital avant impôts à l’organisme de leur choix.

Cette formule (connue sous le nom «Catégorie PRS-TMC») fait aujourd’hui partie des stratégies les plus attrayantes de planification des dons de bienfaisance. De manière plus générale, elle peut faire partie des solutions incontournables à utiliser lors de l’élaboration d’un plan successoral fiscalement sensé.

Des outils pour tirer parti d’un marché en croissance

Bien que la situation de chaque client présente des caractéristiques et un degré de complexité uniques, vous pourrez mieux répondre aux besoins de chacun, à long terme, en vous appuyant sur les quatre piliers de l’investissement fiscalement sensé. Chacun de ces piliers peut jouer un rôle central au fil des étapes de la vie d’un investisseur – de l’accumulation de capital à la production de liquidités et à la planification successorale. Chacun produit une efficacité fiscale réelle au moment où il correspond aux objectifs de l’investisseur.

À mon avis, il est indiscutable que si vous les utilisez judicieusement, ces concepts vous aideront à vous tailler une place distinctive sur le marché croissant des clients à valeur nette élevée. Ce marché offrira des occasions considérables et des défis importants. Quoi qu’il en soit, les solutions fiscalement sensées de gestion du patrimoine y occuperont toujours une place de choix. Vous pouvez faire de la production d’alpha fiscal votre proposition à forte valeur ajoutée et à faible risque. Pour commencer à en tirer parti, il vous suffit de bien comprendre les quatre piliers et de former vos clients à ce sujet. Dans un marché grandissant et de plus en plus compétitif, il est rassurant de bâtir sur un terrain solide.

(1) 2009 Household Balance Sheet Report, pages 101 et 102.

Michelle Munro