Retraite : assez avec 70 % ?

Par Claude Couillard | 14 août 2009 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le fameux barème de 70% qu’utilisent couramment les conseillers pour planifier la retraite de leurs clients est loin de convenir à tous, soutient Hélène Gagné. Ce n’est d’ailleurs pas la seule idée reçue que la gestionnaire de portefeuille montréalaise revoit et nuance dans son nouvel ouvrage intitulé Votre retraite crie au secours.

Depuis des années, l’industrie estime que les retraités ont besoin d’environ 70 % de leurs revenus annuels bruts de travail pour maintenir le même niveau de vie. «Pour quelques personnes, ça peut fonctionner, dit Hélène Gagné. Sauf qu’on voit de plus en plus de gens qui ont vécu un ou deux divorces, qui ont une famille reconstituée ou des enfants d’une deuxième union. Ils arrivent au début de la soixantaine et l’hypothèque n’est pas payée, ils ont encore un ou deux enfants aux études, etc.C’est ça, la vraie vie. C’est le lot de plusieurs personnes. »

L’autre véritable et difficile scénario que vivent de nombreux épargnants est la perte d’un emploi. Difficile pour ceux-ci d’accumuler autant dans une caisse de retraite que celles et ceux, de moins en moins nombreux, qui cotisent à un régime d’employeur de façon continue. «Il y a aussi le fait que les entreprises offrent moins les régimes de retraite traditionnels à prestations déterminées qu’auparavant, signale Hélène Gagné. Depuis le début des années 1990, on assiste à un transfert de la responsabilité de la capitalisation de la retraite de l’employeur vers l’employé.» Et c’est sans compter le nombre croissant de travailleurs indépendants (ou autonomes), privés de régimes d’employeurs.

Pour toutes ces raisons, les conseillers font souvent le constat que leurs clients devront économiser encore davantage pour maintenir le niveau de vie souhaité à la retraite. «Parce qu’ils ont encore des dettes ou des personnes à charge, ce n’est pas 70%, mais plutôt 80%, voire 85% de revenu de remplacement, dont ils auront besoin», déclare l’auteure, aussi gestionnaire de portefeuille à PWL Capital.

Boomers: l’heure des choixEn outre, le barème de 70% de revenu de remplacement à la retraite risque de ne pas convenir à une bonne partie des baby-boomers sur le point de prendre leur retraite. «Les boomers ont connu des années de forte expansion économique, rappelle l’auteure et gestionnaire de portefeuille. Ils ont connu aussi des années qui leur ont procuré de bons revenus, de bons salaires. Et ils se sont donné un bon niveau de vie.Je suis loin d’être convaincue que les boomers vont changer leur style de vie de façon draconienne une fois rendus à la retraite.» L’envie de voyager ou de jouer au golf ne s’estompera pas. Au contraire.

Dans ce contexte, de nombreux baby-boomers sont, sans toujours le savoir, à l’heure des choix. «Ou ils mettent plus d’argent de côté en vue de la retraite et ils s’astreignent à une discipline d’épargne un peu plus grande pendant que se poursuit leur carrière, illustre Hélène Gagné. Ou ils se dirigent vers une retraite progressive qui permettra d’éliminer les dettes et d’épargner davantage. Et ce sera autant d’années où ils n’auront pas pigé dans leur portefeuille.»

Il existe bien une troisième option: réduire de façon importante le revenu de remplacement à la retraite. Par exemple, l’actuaire ontarien Malcom Hamilton soutient que la plupart des retraités peuvent s’en tirer avec 50 % seulement de leur revenu de remplacement. «Pour certains, oui, mais pas pour tous», estime Hélène Gagné. En réalité, il existe une grande différence entre le style de vie que les gens adoptent actuellement et celui qu’ils pensent pouvoir s’offrir à la retraite, constate-t-elle. «Ça ne concorde pas, ajoute-t-elle. À moins qu’un individu soit vraiment frugal, ce qui est sans doute la plus grande qualité pour quelqu’un qui souhaite prendre sa retraite au début de la soixantaine. Mais ce n’est pas nécessairement une caractéristique qu’on retrouve chez tous les boomers.»

Le décaissement: nouveau défi des conseillersJusqu’ici, la majorité des conseillers ont été formés pour éduquer leurs clients à accumuler du capital. Les retraites massives des prochaines années vont changer la donne. «L’expertise qu’on doit avoir pour guider nos clients dans les stratégies de décaissement est complètement différente», affirme Hélène Gagné.

Fait intéressant, l’auteure de Votre retraite crie au secours verse toutes ses redevances à Centraide du Grand Montréal. Par ce geste, elle souhaite ainsi mettre en pratique une des stratégies auxquelles de nombreux conseillers cherchent à sensibiliser leurs clients, soit le don planifié. «Je veux faire comprendre aux gens que ce qu’on recommande à nos clients, c’est bon pour nous aussi, conclut la principale intéressée. On évolue dans une industrie qui rémunère bien ses intervenants; il faut penser aux moins privilégiés que nous.»

Votre retraite crie au secours Hélène GagnéLes Éditions Transcontinental, collection Affaires PlusISBN 978-2-89472-385-2

Claude Couillard