Certaines pratiques des assureurs seront revues

Par Rémi Maillard | 27 juillet 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
5 minutes de lecture
andreypopov / 123RF

Il existe parfois des différences d’appréciation importantes en matière de pratiques commerciales entre l’industrie de l’assurance et l’Autorité des marchés financiers (AMF), selon les résultats de l’autoévaluation effectuée par 219 assureurs ayant un permis au Québec.

Demandé par l’AMF en 2014, cet exercice avait pour but de « dégager une vision globale de leur degré d’avancement pour rencontrer les attentes de la Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales » publiée en juin 2013, précise l’AMF.

Bien que, globalement, celle-ci se félicite de constater « la mise en place de bonnes pratiques dans l’industrie », son PDG Louis Morisset note toutefois « avoir identifié certains points de vigilance » qui orienteront les travaux et consultations qui seront entrepris sous peu.

« CE N’EST PAS UNE ÉVALUATION DE L’AMF »

D’après l’Autorité, les problèmes rencontrés « découlent principalement du manque de formalisation de processus et de mesures de contrôles, particulièrement en matière de gestion des incitatifs, de conception et commercialisation des produits puis de gouvernance et culture d’entreprise ».

À noter que le rapport-bilan de cet exercice d’autoévaluation dresse le portrait des réponses envoyées par les assureurs. « Il ne constitue donc pas une évaluation effectuée par l’Autorité sur la qualité des pratiques commerciales ayant cours dans le secteur de l’assurance au Québec », souligne l’AMF.

AVOIR UNE SEULE GRILLE D’INTERPRÉTATION

En revanche, sur la base des commentaires présentés par les compagnies et des documents transmis, l’Autorité a ajusté certaines cotes qu’elles s’étaient attribuées, précise sa porte-parole, Cathy Beauséjour.

« Dans le but de pallier les différentes interprétations concernant une même pratique, nous nous sommes dotés d’un processus pour uniformiser les résultats d’un assureur à l’autre », justifie-t-elle.

« Notre objectif a été d’être équitables dans l’ensemble des réponses que nous avons obtenues afin que la même interprétation soit appliquée à tout le monde », déclare pour sa part Nathalie Sirois, directrice principale de la surveillance des assureurs et du contrôle du droit d’exercice au sein de l’AMF, et responsable du rapport.

GESTION DES INCITATIFS : LE GRAND ÉCART

C’est dans le domaine de la gestion des incitatifs que se situe le plus grand écart entre la « cote Assureur » et la « cote Assureur ajustée » de l’AMF. Conclusion de l’organisme : « Il semble y avoir une divergence entre la définition d’un incitatif pour le secteur de l’assurance et celle présentée dans la Ligne directrice. »

« Cet écart est principalement dû à une différence d’interprétation entre l’industrie et l’Autorité », croit Nathalie Sirois.

« En répondant à cette question, observe-t-elle, un assureur a par exemple estimé ne pas être concerné et il s’est donné une cote de 0 sur le formulaire d’autoévaluation. Or, dans la documentation qu’il nous avait envoyée, il était clair qu’il y avait une rémunération variable, basée sur le volume de primes, ce qui, selon l’AMF, est considéré comme un incitatif. »

Dans ce cas, indique Nathalie Sirois, « au lieu de laisser les choses telles quelles, nous lui avons mis une cote de 2, puisqu’il répondait partiellement aux critères ».

L’échelle d’évaluation qui devait être utilisée par les assureurs dans le cadre de l’autoévaluation était la suivante :

Cote Définition
0 Non applicable aux activités de l’assureur
1 L’assureur n’a pas implanté le processus
2 L’assureur a implanté un processus, mais celui-ci n’est pas formalisé et documenté
3 L’assureur a mis en place un processus formalisé et documenté
4 L’assureur a mis en place un processus formalisé et documenté et effectue des contrôles pour s’assurer de son respect

Daniel Guillemette

INTÉRÊTS FINANCIERS EN JEU


« Dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’article 5 du Règlement qui aborde la question des incitatifs est pourtant extrêmement clair », s’étonne Daniel Guillemette, conseiller en sécurité financière indépendant à Brossard.

« En fait, estime-t-il, le principal facteur à l’origine de cet écart d’interprétation semble principalement lié aux intérêts financiers en jeu, qui obligent les assureurs à s’autoévaluer de manière moins sévère que l’organisme de réglementation. »

« La volonté du législateur est d’aller vers davantage de transparence et d’objectivité, mais l’industrie n’est manifestement pas prête à vivre un changement aussi radical. La pression exercée sur les conseillers des institutions bancaires pour qu’ils proposent des produits maison est une réalité profondément ancrée dans le milieu. »

MAIS QU’EST-CE QU’UN INCITATIF?


« Comment voulez-vous que l’industrie réponde aux attentes inscrites dans la loi alors que l’intérêt des compagnies est de vendre avant tout leurs propres produits? Le principal avantage du conseil indépendant est justement d’être… indépendant! », conclut Daniel Guillemette.

Pour éviter tout malentendu à l’avenir, l’Autorité a pris la peine de rappeler ce qu’elle entend par « incitatif ». Ainsi, il est mentionné dans le rapport que cette notion « réfère à son sens large et comprend notamment les bonis, commissions, salaires, primes et honoraires présents dans les programmes de rémunération, ainsi que les autres avantages », tels que concours, promotions, privilèges et cadeaux.

Un questionnaire détaillé

Le questionnaire envoyé aux 219 assureurs abordait les thèmes suivants :

  • la gouvernance et la culture d’entreprise;
  • la conception et la commercialisation de produits;
  • la gestion des incitatifs;
  • l’information destinée aux consommateurs avant ou au moment de l’achat d’un produit;
  • l’information destinée aux consommateurs après l’achat d’un produit;
  • la publicité relative aux produits;
  • le traitement et le règlement des demandes d’indemnité;
  • le traitement des plaintes et le règlement des différends;
  • la protection des renseignements personnels.

Le résultat? Les cotes varient « grandement » d’une compagnie à l’autre, « tout comme la qualité du travail d’autoévaluation », souligne l’Autorité, qui relève que « les travaux de mise en œuvre sont encore en cours chez un grand nombre d’assureurs ».

Il est possible de consulter les résultats détaillés sur le site de l’AMF.

Rémi Maillard

Journaliste multimédia. Santé, environnement, société, finances personnelles. Également intéressé par les affaires publiques, les relations internationales, la culture… Passionné de cyclisme.