Faut-il réformer les FERR ?

Par Ronald McKenzie | 1 février 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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questions, decision making or uncertainty concept – a pile of colorful crumpled sticky notes with question marks

La réglementation encadrant les FERR a besoin d’être revue, disent en choeur les spécialistes qu’a interviewés le chroniqueur Jonathan Chevreau, du quotidien Financial Post.

Plus précisément, la grille des pourcentages devrait être révisée à la baisse afin d’éviter l’épuisement prématuré des FERR, avancent-ils. Actuellement, les épargnants qui détiennent un REER doivent le convertir dans l’année où ils célèbrent leurs 71 ans. S’ils le transforment en FERR, ils sont tenus d’effectuer des retraits annuels minimaux calculés selon un pourcentage fixé en fonction de leur âge. Ainsi, à 72 ans, ils doivent retirer 7,48 % de leur FERR, ou 7 480 $ pour un compte de 100 000 $, par exemple. À 73 ans, ce pourcentage augmente à 7,59 %, et il grimpe ainsi de suite jusqu’à atteindre 20 % à 94 ans.

Ces retraits, obligatoires et pleinement imposables, produisent deux effets, dit Jonathan Chevreau. Premièrement, ils forcent un grand nombre d’aînés à puiser dans leur épargne-retraite plus d’argent qu’ils n’en ont réellement besoin, et à payer plus d’impôts que nécessaire. Deuxièmement, les pourcentages de retraits excèdent les taux de rendement qu’on peut espérer pour des portefeuilles équilibrés. «Cela signifie que les aînés doivent entamer leur capital année après année, avec la perspective désolante qu’ils pourraient manquer d’argent lorsqu’ils auront 90 ans ou plus», note le chroniqueur.

Jonathan Chevreau rappelle que l’actuelle grille de pourcentages des retraits a été instaurée en 1992, lorsque les CPG de 5 ans rapportaient 10 % par année et que les rendements réels (après inflation) se chiffraient à 4 %. Maintenant, dit-il, les placements sécuritaires produisent moins de 2 % par année.

Or, depuis 1992, beaucoup de choses ont changé. Au premier chef, l’espérance de vie s’est nettement allongée. Il est permis de croire qu’une masse de baby boomers âgés de 65 ans aujourd’hui vivront passé 90 ans. S’ils vident leur FERR dans l’intervalle, de quoi vivront-ils durant leurs vieux jours ?

En juillet 2008, l’Institut C.D. Howe a demandé à Ottawa d’abolir les retraits minimums obligatoires des FERR, invoquant justement les arguments de l’espérance de vie et des taux de rendements après inflation. Mais le fédéral a ignoré cette revendication, préférant plutôt lancer le CELI. L’un des spécialistes que cite Jonathan Chevreau, le directeur de la planification fiscale Jamie Golombek, de la Banque CIBC, indique que le CELI est un instrument que les aînés devraient utiliser pour y placer la partie de leurs retraits FERR qu’ils n’utilisent pas.

L’ennui, c’est que la totalité des retraits FERR est imposable. Les aînés auront beau placer dans un CELI l’excédent des sommes inutilisées, ils auront préalablement passé à la caisse du fisc, même (et surtout) si ce n’est pas leur choix. Jamie Golombek reconnaît que le CELI a des limites et que, effectivement, la plupart des actuaires estiment que la réglementation des FERR doit être adaptée au monde d’aujourd’hui caractérisée par une longévité fortement accrue et la faiblesse des taux d’intérêt.

Un autre spécialiste interviewé par Jonathan Chevreau, le conseiller Clay Gillespie du cabinet Rogers Group Financial, déplore le fait que les FERR, dans bien des cas, ne peuvent plus fournir de revenus viagers. Ses clients âgés, dit-il, commencent à voir leur FERR se tarir rapidement à partir de 79 ans, lorsque le pourcentage de retrait atteint 8,53 %. «À ce moment, ils sont presque obligés de souscrire une rente viagère s’ils désirent avoir un revenu garanti jusqu’à la fin de leurs jours», explique Clay Gillespie.

Jusqu’ici, le fédéral a fait la sourde oreille aux demandes de révision des FERR. Mais cela pourrait changer bientôt, dit Jonathan Chevreau. En effet, lorsque les premiers boomers, qui ont aujourd’hui 65 ans, convertiront leur REER en FERR et qu’ils constateront que leur épargne-retraite sera insuffisante pour les faire vivre à un âge avancé, ils feront d’intenses pressions sur les politiciens. Leur poids démographique et l’influence qu’ils exercent au sein de la société civile pourraient réussir à faire plier le gouvernement.

Entre-temps, ils auront probablement obtenu deux autres victoires : faire augmenter significativement les plafonds de cotisation au CELI et permettre de «rétroactiver» ces nouveaux seuils à compter de l’âge de 18 ans.

Fait à noter, signale Clay Gillespie, l’idée de réformer les FERR est une revendication que partagent tant les groupes de gauche que les organismes de droite. Si cette revendication fait l’unanimité des deux côtés, les chances sont fortes qu’elle trouvera écho auprès des décideurs politiques, conclut le conseiller de Vancouver.

Ronald McKenzie