La nouvelle saison des REER

Par Peter Drake | 17 mars 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Nous sommes en mars, c’est-à-dire au début de la saison des régimes de retraite… Oui, vous avez bien lu! Je sais pertinemment bien que c’est au cours des deux premiers mois de l’année que cette activité vous accapare, car les investisseurs se décident à cotiser à leurs REER pour se prévaloir de l’exemption fiscale pour l’année antérieure. Je sais parfaitement aussi que fin février est l’échéance des cotisations de REER, avec tout ce que cela suppose en contrainte de temps et surcroit de travail pour les conseillers.

Toutefois, il ne doit pas en être nécessairement ainsi. Pourquoi limiter la planification de retraite à un exercice ponctuel, une fois par an? C’est une démarche continue qui devrait s’inscrire dans nos activités courantes tout au long de l’année. L’idée n’est pas neuve, mais elle a besoin de faire son chemin dans l’esprit des conseillers et des investisseurs; et ce, pour deux bonnes raisons.

L’aspect financier saute aux yeux : plus tôt l’investisseur commence à économiser en vue de la retraite, plus ses réserves seront importantes et aptes à lui assurer un revenu à la retraite. Et cela est vrai, quelles que soient les catégories d’actif choisies. Dans le cas de titres à revenu fixe, les intérêts peuvent fructifier plus longtemps. Pour les placements en actions, la recherche a démontré que la durée est déterminante. L’une après l’autre, d’innombrables analyses ont prouvé que la meilleure façon d’épargner consiste à mettre systématiquement de côté une partie de son salaire.

Peter Drake

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La seconde raison pour laquelle la planification et l’épargne de retraite devraient être un effort permanent est sans doute moins évidente. En fait, si on tient à bien la faire, la planification de la retraite exige que l’on prenne de nombreux facteurs en considération. Malgré les avis contraires, une préparation adéquate exige de cibler la planification en fonction du mode de vie à la retraite que souhaite l’investisseur et que ses moyens peuvent lui permettre.

Il n’existe pas de formule simple pour la planification de retraite car le contexte change pour chacun de nous : nous gagnons un salaire différent, notre mode de vie est différent, notre vision de la retraite idéale est différente. Certains principes généraux s’appliquent effectivement à tous, mais une planification adéquate se fonde sur le fait que chaque cas est en réalité unique.

Avant toute chose, l’investisseur doit s’efforcer d’imaginer la retraite qu’il souhaite. Ce n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît. En effet, il s’agit d’une situation dans le futur, et le futur comprend forcément des inconnues. Mais, surtout, la plupart des gens ont tendance à transposer le présent. Il leur faut comprendre les choix qui s’offriront à la retraite, autrement dit, travail, études ou loisirs. La difficulté tient au fait que pratiquement toute notre vie, depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, les options qui s’offrent à nous sont relativement limitées. Nous ne sommes pas habitués à faire des choix décisifs et lourds de conséquences. L’opération est d’autant plus délicate que la décision prise dans l’immédiat sera déterminante sur notre situation future.

Comment se projeter mentalement dans la retraite? Trop de gens ont le défaut de raisonner en fonction du chemin parcouru – et donc de leur mode de vie et de leurs activités actuels – et non en fonction du chemin qu’il reste à parcourir, c’est-à-dire ce qu’ils envisagent de faire à la retraite. Leur perception de la retraite se limite généralement à la notion qu’ils n’auront plus à se rendre au travail, ou que la retraite prendra la forme de très longues vacances. Certains amateurs de ski, de golf ou de jardinage vont jusqu’à penser qu’ils seront comblés de consacrer tout leur temps à ces activités tant appréciées dans les loisirs de leur vie active. Mais c’est rarement le cas, bien que je connaisse effectivement un cadre à la retraite heureux de jouer au golf 365 jours par an. Il a la chance d’avoir à la fois la motivation et les ressources financières pour le faire. Mais il demeure une exception. Plus souvent qu’autrement, les gens s’aperçoivent que jouer au golf sept jours par semaine n’est pas ce qu’ils désirent vraiment. Pour que l’exercice de visualisation soit probant, il faut partir du principe que la retraite n’est pas une période de vacances sans fin, même si une planification efficace peut permettre de nombreux séjours de villégiature. De plus, la plupart des gens ont besoin d’une occupation quotidienne, autre que prendre leurs repas.

Quand vous demandez à un client ce qu’il compte faire à la retraite, il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. La réponse valable est ce qui convient à la personne concernée. Comme je l’ai indiqué précédemment, l’éventail des choix de la retraite idéale engloberait travail, loisirs et études. Si les activités de loisirs sont une évidence, les deux autres le sont moins. Que ce soit en dilettante, par intérêt pour certains sujets, ou à temps plein, en vue d’obtenir un diplôme précis, les études sont de plus en plus populaires. À mon avis, cela s’explique du fait que l’étude comble plusieurs besoins essentiels de l’humain : stimulation et activité intellectuelles (voire physiques), interaction sociale (pour les cours en classe) et sentiment d’accomplissement (satisfaction de réussir le cours). En outre, vous pouvez combiner voyage et études en allant suivre des cours ailleurs que dans votre ville.

Le travail est une tendance relativement nouvelle parmi les retraités, mais tout laisse croire qu’elle s’accentuera. Pourquoi diable un retraité voudrait-il encore travailler? Pour certains, la réponse est douloureusement simple : nécessité économique. Cependant, ce n’est pas le manque de revenus qui incite la plupart des retraités à reprendre le collier, mais plutôt les besoins essentiels de l’être humain. Le travail peut procurer un cadre, une routine, un contact social et un sentiment d’accomplissement. Même si le besoin d’argent n’est pas le principal motif, il est toujours agréable de gagner un revenu. Quand je soulève la question du travail à la retraite, mes interlocuteurs se rebiffent fréquemment. À mon avis, c’est en partie parce qu’ils supposent qu’il s’agit d’un emploi à temps plein; mais ce n’est pas forcément le cas. Les emplois à temps partiels sont monnaie courante parmi les retraités. Par ailleurs, bien que certains préfèrent travailler dans le même domaine qu’auparavant, les retraités ont un vaste choix à leur portée. C’est l’occasion idéale de se recycler, de changer radicalement d’orientation; vous pourriez avoir envie d’assumer d’importantes responsabilités ou, au contraire, n’en avoir aucune. Enfin, le faible taux de natalité au Canada depuis le milieu des années 1960 étaye mes arguments en faveur du travail à la retraite, car notre pays sera confronté à une pénurie de main-d’œuvre dans un avenir relativement proche.

Après l’exercice de visualisation, on passe aux choses sérieuses et notamment à une décision cruciale : doit-on consommer davantage dans l’immédiat, au détriment de notre consommation future? Ou, faut-il réduire notre consommation actuelle afin d’épargner plus pour nous permettre d’accroître notre consommation ultérieure? Les éléments que j’ai décrits plus haut compliquent cette décision, qui n’est jamais facile : contrairement à nos désirs et à nos besoins courants bien tangibles, l’avenir est toujours flou. Vous comprenez à présent l’importance de l’exercice de visualisation de la retraite : en sachant clairement quel type de retraite on souhaite, il est nettement plus facile de décider s’il vaut mieux mettre l’accent sur la consommation maintenant ou plus tard.

Au début de cette chronique, j’affirmais que la planification de retraite est une démarche continue qui doit se poursuivre toute l’année. J’espère vous en avoir convaincu. Le processus de visualisation implique une longue démarche et peut nécessiter plusieurs entretiens entre le conseiller et l’investisseur. Cet exercice est essentiel pour permettre à l’investisseur de déterminer à quelle étape de sa vie la consommation doit avoir la prépondérance. Ce n’est qu’après avoir réglé la question de la consommation que l’investisseur pourra aborder les décisions d’épargne et de placement. C’est dans cette optique que la planification de retraite est, selon moi, une démarche qui s’étale sur toute l’année.

D’ailleurs, cette démarche se poursuit d’une année à l’autre. Au fur et à mesure qu’un investisseur avance en âge, ses valeurs et ses intérêts évoluent ainsi que, par ricochet, sa vision de la retraite. Selon son ampleur, cette évolution peut exiger de rectifier l’équation consommation/épargne. Autrement dit, la planification de retraite est un processus dynamique et continu jusqu’au seuil de la retraite.

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Peter Drake est vice-président, Retraite et recherches économiques, Fidelity Investments Canada. Fort de plus de 35 années d’expérience à titre d’économiste, il dirige les initiatives de recherche de Fidelity axées sur la retraite au Canada à notre époque.

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