Accompagner un client lors d’une séparation

Par Alizée Calza | 4 avril 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La séparation d’un client est certainement l’une des situations, à l’instar de bien d’autres, que rencontreront les conseillers au fil de leur pratique. Pourtant, ils doivent bien s’y préparer afin d’éviter certains pièges. Nadine Bernier, Conseillère associée en gestion de patrimoine et en placement, équipe Asselin-Bernier, RBC Dominion Valeurs Mobilières, rappelle les informations à vérifier et les points à revoir lorsqu’un tel cas se présente.

  • DÉTERMINER LE POINT DE DÉPART

Avant tout, il est important de savoir d’où l’on part, assure l’experte. « Il faut comprendre sous quelle forme d’union le couple était uni », résume-t-elle. Union de fait ou mariage, séparation de biens ou société d’acquêts, ce sont autant d’éléments importants pour comprendre comment cette séparation va influencer les finances du client.

« Souvent, on voit que c’est là qu’il y a des accrocs lors de séparations. Les gens ont une mauvaise compréhension de la loi et de comment les actifs doivent être séparés », témoigne Nadine Bernier.

Elle recommande d’ailleurs aux conjoints de fait d’établir un contrat de vie commune pour mettre les balises lorsque tout va bien, afin d’aider à ce que tout se déroule tout aussi bien lors d’une éventuelle séparation. « On ne veut pas planifier une séparation, mais c’est important de le faire. C’est comme quand tu fais ton testament, ce n’est pas ça qui te fait mourir. Mettre en place un contrat de vie commune quand tu n’es pas marié, ça ne te fera pas te séparer! »

  • NE PAS LAISSER LES CHOSES TRAÎNER

Une deuxième chose importante selon l’experte de RBC est de ne pas laisser traîner la situation pour éviter que le côté émotionnel s’installe et prenne l’ascendant sur les discussions. « Il faut essayer de rester vraiment très cartésien quand on fait une telle démarche si on ne veut pas que ça dérape dans tous les sens », recommande Mme Bernier.

« Les séparations de biens dérapent souvent parce que les émotions viennent influencer les décisions », ajoute-t-elle.

Celle-ci suggère même de demander l’aide d’un médiateur, une personne qui pourrait aider le client à gérer la séparation, surtout si celui-ci est très affecté.

  • NE PAS PRENDRE DE GROSSES DÉCISIONS TROP VITE

Si Nadine Bernier affirme qu’il est mieux de réagir rapidement pour régler les détails de la séparation, elle recommande le contraire lorsqu’il est question prendre de grosses décisions financières. « Suite à une séparation, peut-être qu’il serait bon de laisser un peu de temps passer, laisser les choses se déposer. Il n’est pas bon de se dépêcher de racheter une propriété ou d’investir trop vite », assure-t-elle.

LES POINTS À REVOIR

Si après une séparation les clients ont certains points à vérifier de leur côté, les conseillers ont également plusieurs vérifications et calculs à faire ou refaire.

La première chose est de comprendre à leur tour le contrat d’union qui unissait ses deux clients. Celui-ci détermine le partage des biens, mais aussi des placements comme le REER.

Il faut ensuite demander aux clients de déterminer de nouveaux objectifs financiers et de vie. « Inévitablement, une séparation va venir changer notre perception de la vie ou nos objectifs. Ça va être très important de refaire ses objectifs de vie et objectifs financiers. Il est important d’y penser avant même de faire les calculs », avertit Nadine Bernier.

Cette dernière compare cela à un voyage. Avant de planifier celui-ci, il est important de savoir d’où l’on part et où l’on veut se rendre, ainsi les objectifs de vie sont essentiels. « Ça, c’est vrai pas juste en cas de séparation, mais tout le temps », rappelle l’experte.

Lorsque ces objectifs sont clairs, c’est le temps de refaire le budget. « Une séparation va entraîner des dépenses supplémentaires, donc il va falloir faire des ajustements à court et long terme », souligne Mme Bernier.

Puis, il faut revoir le bilan financier. Une fois séparé, notre client a-t-il encore une maison? Une hypothèque? Combien de placements lui reste-t-il?

Après cela arrive la révision des documents légaux, notamment le testament et l’éventuel mandat d’inaptitude. Il faut s’assurer que les bénéficiaires et liquidateurs nommés sur ces documents sont encore les bonnes personnes. Si l’ex-conjoint faisait partie de ces derniers, peut-être que le client voudra modifier ces documents.

Dans le même ordre d’idée, il est important de revoir les assurances, surtout les assurances vie. Qui était le bénéficiaire désigné de ces dernières? Les montants de protection demanderaient éventuellement à être revus.

« Une fois que tout cela est fait, on est prêt à refaire un plan financier aligné avec les nouveaux objectifs de vie, la nouvelle réalité et le nouveau bilan du client », dit Nadine Bernier.

ATTENTION À NE PAS DÉPASSER SON RÔLE DE CONSEILLER

Mme Bernier a tenu à souligner l’importance de ne pas devenir la personne de référence pour régler la séparation. « Il faut supporter le client, l’enligner, mais faire attention à ne pas devenir la personne qui devient le médiateur. Ce n’est pas notre rôle de conseiller », rappelle-t-elle.

En tant que conseillère, elle peut conseiller de changer le bénéficiaire sur la police d’assurance, mais il est important de rester dans les barrières légales de sa profession. « Pour certains volets, je peux vraiment donner des conseils précis, mais pour l’ensemble du dossier, il faut y aller délicatement », tempère-t-elle.

GARDER LES DEUX CLIENTS

Si nombre de clients quittent leur conseiller après une séparation, cela ne semble pas être le cas de Nadine Bernier. « J’ai rarement eu des problèmes à garder les deux clients. Ça ne crée pas d’enjeu », assure-t-elle.

Elle estime ainsi que cela devrait toujours être le cas. Elle compare ainsi le travail de conseiller à celui de médecin. « Ce qui se passe dans mon bureau est confidentiel. Donc quand je les avais comme couple, j’avais des infos confidentielles. Quand ils se séparent, ils deviennent deux clients indépendants, donc la confidentialité se sépare en deux », résume-t-elle.

Selon elle, les clients qui quittent leur conseiller après leur séparation sont ceux qui n’ont pas été impliqués dès le début de la relation avec le conseiller. « Certains couples gèrent tout de façon séparée, donc là on va gérer les deux séparément, mais si le couple gère ça ensemble, on a une grande préoccupation dans notre équipe à bien inclure les deux membres du couple », souligne-t-elle.