Dépenser sans culpabiliser et épargner : c’est possible!

Par Maxime Bilodeau | 8 mai 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Bien vivre sans surconsommer ni se priver est tout à fait possible si l’on s’en donne les moyens, soutient le journaliste et chroniqueur en finances personnelles Stéphane Desjardins dans Savoir dépenser sans culpabiliser. De là à dire que les conseillers devraient adopter une approche de normalisation avec leurs clients pour ensuite les inciter à épargner, il n’y a qu’un pas. Entrevue.

Conseiller : Dès les premiers chapitres, vous vous attaquez à des questions comme le désir irrationnel de consommer et la relation entre l’argent et le bonheur. Pourquoi emprunter ces détours?

Stéphane Desjardins : Les Québécois ont soif d’information en finances personnelles, mais se braquent face à des discours culpabilisants de « déconsommation » et de simplicité volontaire. Ils perçoivent cela comme une critique de leur style de vie, ce qui les conforte dans le statu quo au lieu de les inciter à prendre le contrôle de leurs finances. Je considère que cette approche ne fonctionne pas. Ça fait trois décennies que l’on culpabilise les gens avec l’environnement et la planète n’a jamais été aussi mal en point. C’est la même chose en ce qui a trait aux dépenses.

Consommer répond pourtant à un besoin vital. Cela enclenche une cascade d’événements neurophysiologiques qui nous font nous sentir bien, comme le fait une consommation équilibrée d’alcool, par exemple. Il faut comprendre la nature de cette réponse de plaisir afin de ne pas céder au chant des sirènes de la surconsommation, qui est très audible dans notre société. Les principes que j’aborde ensuite dans l’ouvrage se basent sur cette prémisse fondamentale.

C : Votre livre est paru à la mi-mars, dès les premiers jours du confinement au Québec. Son contenu prend une autre couleur à la lumière de ces événements…

SD : La crise sanitaire que nous traversons actuellement nous enseigne deux choses. La première : il est plus que temps que, collectivement, nous réalisions l’extrême précarité dans laquelle nous plonge notre système basé sur la surconsommation et l’endettement lorsque celui-ci déraille. Nous devrions tous être dotés d’un fonds d’urgence de plusieurs mois qui nous permet de passer au travers d’une crise comme celle du nouveau coronavirus sans être poussés à la faillite. La pandémie est réellement un test de résistance pour les consommateurs.

La seconde leçon est que le désir de consommer n’est jamais bien loin, même en période de crise. Je prédis que l’économie va repartir en lion à la levée des mesures de distanciation physique. Ce sera une question de quelques mois avant de revenir à des niveaux de consommation aussi élevés qu’avant. Notre société en est une de consommation, ne l’oublions pas. Ses membres seront enclins à acheter de nouveau, afin de chasser ce mauvais souvenir que sera devenue la COVID-19.

C : Par où commencer pour reprendre le contrôle de sa situation financière?

SD : J’insiste beaucoup sur l’idée que nous devrions gérer nos finances personnelles comme nous gérons une PME. Concrètement, cela signifie qu’il faut faire le point sur sa situation, se doter des outils adéquats pour réaliser cet exercice sur une base régulière, protéger ses liquidités en temps de crise… Il faut aussi se poser des questions sur ses besoins et être honnête envers soi-même. La liberté passe par une meilleure compréhension de ses décisions d’achat et de ses projets de vie.

On ne le dira jamais assez : les finances personnelles, c’est avant tout une question d’émotions, pas de rationalité. Les gens ne constatent pas nécessairement que leurs affects influencent leurs comportements de consommation. C’est pourtant bel et bien le cas – il faut sans cesse se le rappeler!

C : Vous écrivez que les impôts représentent le principal angle mort des Québécois en matière de consommation et de finances personnelles. Vraiment?

SD : Je n’exagère pas : ils représentent de 30 à 50 % de nos dépenses à l’échelle d’une vie, si on tient également compte des taxes dans le calcul. C’est énorme! Pourtant, les gens sont trop souvent pris de panique lorsqu’ils en entendent parler. La maîtrise de quelques notions fiscales élémentaires permet heureusement de faire avancer sa réflexion à ce sujet et de diminuer le niveau d’anxiété.

Plusieurs conseillers sont par ailleurs des spécialistes en fiscalité ; il ne faut pas hésiter à faire appel à leurs services. Albert Einstein ne disait-il pas que la loi de l’impôt était la chose la plus difficile à comprendre au monde?

C : Pourquoi les conseillers devraient-ils lire Savoir dépenser sans culpabiliser? Qu’en retiendront-ils?

SD : Les conseillers ont un rôle majeur, essentiel, à jouer dans l’éducation financière de leur clientèle, notamment en matière d’épargne et d’investissement. Ils sont les mieux placés pour bien identifier les besoins de leurs clients, de même que leur tolérance au risque, puis pour leur proposer des solutions adéquates basées sur des stratégies éprouvées. Ce sont des spécialistes dans ces questions et peuvent sans problème aider les gens à réaliser leurs rêves de retraite, d’indépendance financière ou autre. Ils possèdent en quelque sorte les clés de leur liberté.

Stéphane Desjardins, Savoir dépenser sans culpabiliser, Les éditions du Journal, 2020, 272 pages.

Maxime Bilodeau