La confiance se gagne par la protection

Par Bernard Viau | 9 août 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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On a déjà dit qu’on accordait sa confiance à quelqu’un si on sent qu’il est à l’écoute, disponible, qu’il ne juge pas et nous porte un intérêt sincère, et qu’il garde nos secrets. Il manque pourtant un élément clé : le sentiment d’être protégé.

PARLONS DE CAS EN SÉCURITÉ FINANCIÈRE

De quoi pouvez-vous protéger vos clients en assurance ? La protection d’un client est la définition même d’une assurance. Toutefois il est possible de surprendre ces clients avec une protection supplémentaire qui touche les adolescents ou les plus de 60 ans.

Un adolescent, par définition, est plus casse-cou qu’un adulte. Je conseillais donc à mes clients qui avaient des enfants de prendre une assurance accident pour leurs jeunes.  Même logique pour les personnes entre 60 ans et 70 ans. Ces derniers sont moins habiles, moins souples et moins en forme physiquement ; un accident arrive donc plus souvent. Je ne mettais jamais l’assurance accident en avenant au contrat d’assurance vie. Je privilégiais un petit contrat à part. Ainsi, chaque année, au renouvellement du contrat, mon client se remémorait ce geste de protection sincère de ma part.

Ces protections d’assurance ne coûtent pas cher, entre 30 et 50 $ par année pour les personnes âgées. Si ce n’est pas très payant en termes de commissions, ça l’est en termes de confiance gagnée. Pour présenter cette assurance de la bonne façon, privilégiez l’interaction en personne au formulaire envoyé par la poste et distribué dans les écoles à chaque début d’année scolaire. Parlez-en à votre directeur de succursale.

Je me rappelle une autre occasion où j’ai gagné la confiance d’un client en assurance. Il s’agissait d’un professionnel qui gérait ses placements lui-même et qui m’avait demandé mon avis sur son portefeuille. Je lui ai posé une question qui l’a troublé :

« Quarrivera-t-il si vous devez vous rendre à l’hôpital en ambulance ? Est-ce que votre femme comprend ce que vous faites pour parer au plus urgent avec vos actions et ces contrats doption ? » 

J’avais touché un point. Je lui ai donc conseillé de tenir un journal détaillé avec des instructions claires pour sa femme en cas d’urgence. Grâce à cela, il m’a recommandé de ses amis, car il a eu la preuve que mes conseils visaient sa protection et non mon profit personnel.

LA PROTECTION AU NIVEAU DES PLACEMENTS

De quoi pouvez-vous protéger vos clients en placements ? La réponse vous surprendra peut-être, mais de leurs émotions, car la peur de perdre et l’avidité de gagner plus sont les deux émotions qui engendrent le plus d’erreurs de jugement.

Avez-vous lu Le joueur de Dostoïevski ? J’ai rencontré quelques joueurs dans ma carrière, mais je me rappelle surtout d’un cas, habité par le démon du jeu. Il voulait ouvrir un compte le jour même et se disait prêt à y déposer 75 000$ pour commencer. Selon ses propres mots :

 « Il paraît qu’avec toi, ça swingue. C’est ce que je veux. » 

Ce genre de client est dangereux pour un conseiller en valeurs mobilières.  Je me suis donc servi de ma question piège pour évaluer ses réactions :

« Disons que vous ouvrez aujourd’hui une position avec 50,000$. Supposons ensuite qu’il y ait un mouvement rapide des marchés, un fast market et que votre position se retrouve à valoir, 4 heures plus tard, autour de 15,000$. Comment vous réagiriez ? »

Sa réponse spontanée et mal formulée a été très éclairante.

«T’es-tu malade? Ka….»

J’avais vu juste, il ne contrôlait pas du tout ses émotions. J’ai prétexté un document à aller chercher sur mon bureau pour le laisser décanter dans la salle de réunion. Après quelques minutes, je suis revenu.

Je vais être franc avec vous.  (Ne tutoyez pas un tel client, vous établiriez un contact émotif). Une baisse comme celle-là est possible, mais peu fréquente. Le genre d’investissements qui « swingue » comme vous dites comporte de gros risques, surtout avec ce montant d’argent. Prenez le temps d’y penser. Si vous voulez commencer, on pourrait y aller plus lentement, le temps de vous habituer aux options. »

Il s’est calmé. J’ai gagné son respect et sa confiance par ma franchise. Il n’a pas ouvert de compte ce jour-là, mais je n’y tenais pas vraiment.

UN PROBLÈME DE CONFIANCE

Donner confiance à son client, lorsqu’on parle de placements, implique qu’on ait d’abord confiance en nous-même.  Or, si vous êtes conseiller en sécurité financière, je sais que vous ne vous sentez pas à l’aise avec les placements. Pour leurs placements, la majorité des conseillers en assurance se fient aux gestionnaires du siège social. Je vous propose une alternative en trois étapes :

  • GÉREZ VOS PROPRES PLACEMENTS

Ce plan ne s’applique évidemment qu’aux représentants en sécurité financière. La majorité de vos clients placent leurs économies dans des fonds d’investissement et attendent patiemment 15 ou 20 ans pour voir les résultats. La confiance n’exclut pas le contrôle. J’ai fait le calcul avec plusieurs portefeuilles de clients : au bout de dix ans, les placements n’ont presque rien donné en termes de revenus.

Vos clients s’attendent à ce que vous suiviez leurs placements, vous et non pas les gestionnaires du siège social. Pour chaque fonds de placement, disons le fond dividendes, il y a 15 ou 20 fonds de placement identiques. Comment choisir ?

Commencez avec 20 % de votre capital par des fonds de placement que vous aurez étudiés et choisis. Investissez dans quatre fonds, pas plus. Suivez leur cours hebdomadairement et non quotidiennement, car vous risqueriez de trop focaliser sur des détails et parfois de vous stresser inutilement. Regardez la forêt plutôt que les arbres. Au fil des mois, vous étendez votre pourcentage géré à une plus grande partie de votre portefeuille.

Attendez-vous à devoir expliquer à votre directeur de succursale pourquoi vous « délaissez » les fonds maison, mais cela est un autre problème. En quelques mois, vous allez acquérir une confiance en vous qui vous attirera de nouveaux clients. Abonnez-vous à des lettres d’investissement pour vous aider à comprendre et à choisir vos fonds.

  • GÉREZ VOS ÉMOTIONS

Cette deuxième étape n’est pas absolument nécessaire, mais très souhaitable si vous voulez faire l’expérience des deux émotions clés pour gérer ses placements. Je parle ici de Fear & Greed, de l’avidité et de la peur.

Voici ma proposition. Allez à la page des options sur indices à Chicago.  Le troisième vendredi de chaque mois s’ouvre la dernière journée des options sur indices. Ces contrats n’ont plus que quelques heures de vie, alors attendez-vous à des variations de prix assez fortes. Si vous pensez que le marché montera d’ici la fin de l’après-midi, notez le prix d’un call (option d’achat), sinon choisissez un put (option de vente). Mettez 5000 d’argent Monopoly en jeu. Vous n’aurez plus qu’à suivre le cours des options durant la journée en sortant à profit.

Notez que transiger sur papier ne fera presque pas grimper vos hormones. Alors, une fois que vous aurez essayé un ou deux mois, mettez 500 ou 1000 $ de vrai argent.  Une transaction sur papier affecte le cerveau, pas les tripes. Seul votre argent sur la table fera grimper vos hormones.

  • INFORMEZ VOS CLIENTS DE VOTRE PROTECTION

Dernière étape, informez votre client. Ma méthode s’appelle le SMF, un sigle pour Suivez Ma Fille[1]. Appelez vos clients et tenez-leur le discours que je servais à mes clients :

J’ai pensé vous offrir quelque chose pour vos placements. Je fais les placements pour ma fille.  Si vous voulez, je pourrais vous informer de ce que je fais pour elle. Voyez-vous, si c’est un bon placement pour ma fille, ce sera aussi un bon placement pour vous. De plus, si quelque chose tourne mal, je serai le premier averti. Je vous tiendrai au courant des placements.

La seule façon d’acquérir une confiance en soi au niveau des placements est de mettre vos propres émotions en jeu. Utilisez la méthode SMF et je vous garantis que vous gagnerez la confiance des clients.

Lire aussi : Risque et rendement : adaptez votre discours à chaque client

Maintenant, à vous de vous organiser pour faire sentir à vos clients, en assurance comme en placements, que vous les protégez concrètement. Je le répète, car c’est fondamental : vous ne pourrez pas faire croire à vos clients que vous les protégez si vous ne mettez pas votre propre argent en jeu.

Mes clients de placements savaient que je suivrais leurs placements justement parce que c’était aussi les miens. Ils savaient que j’avais un plan détaillé, rigoureux, logique pour mes placements et que je faisais un réel suivi, d’où leur confiance en moi.

LES CONSEILLERS VIRTUELS PEUVENT-ILS INSPIRER DE LA CONFIANCE ?

L’intelligence artificielle menace-t-elle votre travail comme conseiller ? Oui, si vous ne savez pas vous adapter. La bonne nouvelle est que la programmation des conseillers virtuels laisse encore beaucoup à désirer.  La confiance humaine est encore hors de leur portée.  Concentrez-vous sur des moyens concrets de démontrer à vos clients que vous êtes la personne qui les protègera réellement et le reste suivra.

[1]La méthode SMP ou Suivez mes placements n’active pas du tout les mêmes fibres émotives que la SMF. Vous connecterez beaucoup plus intimement à la psyché de votre client en parlant de la protection que vous donnez à votre propre enfant.

Bernard Viau