La première ligne des services financiers

Par Siham Lebiad | 5 juin 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
6 minutes de lecture
Main gantée qui tend un appareil de paiement par l'ouverture d'une vitre de protection.
Photo : Maica / iStock

Les derniers mois ont métamorphosé nos modes de vie et plusieurs endroits qu’on avait l’habitude de fréquenter ont été temporairement fermés, sauf ceux qui ont été considérés « essentiels ». Les services financiers font partie de cette catégorie. Leurs employés se sont présentés tous les jours dans les succursales afin d’accueillir les clients et les rassurer.

Pour BMO, il était important de garder un service client minimum, d’abord pour des raisons humaines, explique Isabelle Rinaldis, directrice d’une succursale du centre-ville de Montréal, en entrevue avec Conseiller.

« On est considéré un service essentiel, mais plus que ça, on voulait démontrer de l’empathie envers nos clients, qui vivent déjà une période difficile », précise-t-elle.

François Bergeron, directeur de six succursales Desjardins à Charlesbourg, a aussi tenu à accueillir ses clients, sans condition aucune. Et ils sont nombreux à se présenter chaque jour (180 à 200 en moyenne), en respectant les mesures de distanciation et d’hygiène.

Pour ce dernier, avoir un plan de continuité des affaires, qui prévoit des conditions de travail en cas d’imprévu, s’est révélé vital.

« Chacune des caisses en a un et ça prend tout son sens avec ce qu’on a vécu dernièrement. Ça permet de réduire le temps de réponse en cas de crise », explique-t-il.

Le plan met l’accent sur la communication, tant avec les membres qu’avec les employés. Isabelle Rinaldis est aussi consciente de son importance et a mis en place un système de communication avec les travailleurs, afin qu’ils puissent confier leurs craintes sans problème, mais aussi avec les clients, pour leur expliquer la marche à suivre et s’assurer qu’ils comprennent et sont au fait de tout.

« On a été très proactifs pour rejoindre nos clients afin de leur expliquer toutes les solutions qui étaient offertes, affirme la directrice. On veut aussi s’assurer qu’ils soient au courant des mesures annoncées par le gouvernement. Par exemple, en ce qui concerne le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, si les clients n’en font pas la demande, on les appelle pour nous assurer qu’ils sont au courant et pour vérifier leurs besoins et leur venir en aide. »

PLUS DE FLEXIBILITÉ POUR LES RENCONTRES EN PERSONNE

Boyan Ivanov, planificateur financier à BMO, a continué à réserver quelques plages horaires pour des rencontres en personne avec ses clients. Pour assurer la sécurité de tous, la succursale où il occupe ses fonctions a installé des barrières en plexiglas même dans les bureaux, avec une disposition en « diagonale » afin de maintenir le plus d’espace possible entre le conseiller et ses clients.

« La première difficulté, pour moi, est que la majorité de mes clients sont plus âgés, entre 55 et 75 ans, donc plus à risque, explique-t-il. Il fallait donc trouver une autre manière de faire la plupart des transactions et de tenir des conversations téléphoniques lorsque possible. »

Pour ceux qui avaient la possibilité de réaliser les transactions en ligne, le planificateur financier s’assurait que tout était fait correctement, quitte à les guider étape par étape au téléphone, ou même à aller récupérer des documents signés directement chez les clients.

Cependant, pour ceux qui tenaient à une rencontre en personne, soit par impossibilité d’utiliser les outils à distance ou par simple habitude et préférence, Boyan Ivanov a fait en sorte de les rencontrer coûte que coûte, « que ce soit pendant ou hors des heures d’ouverture ». Il constate une plus grande flexibilité des clients pour les rencontres. Ceux-ci sont plus disponibles et peuvent choisir de prendre rendez-vous tard le soir, par exemple.

Le fait d’avoir plus de temps avec les clients les a amenés à s’ouvrir davantage, note le conseiller. Il a remarqué que la plupart de ceux avec lesquels il parlait au téléphone ou en succursale étaient disposés à aborder plus de sujets, et plus en détail, ce qui lui permet de mieux les servir et d’optimiser leur planification financière.

Un conseil : toujours planifier les rencontres téléphoniques et virtuelles pour avoir le temps de préparer un support visuel. « Je prépare des courriels avec graphiques représentant l’évolution des comptes, j’inclus des liens vers des sites web utiles afin que mes clients puissent se référer à quelque chose pendant que je parle et je m’assure de leur envoyer tous les documents pertinents pour qu’ils les aient à portée de main », précise-t-il.

DES SUCCURSALES TRANSFORMÉES

Les succursales des institutions financières, tout comme les commerces maintenus ouverts pendant le confinement, ont dû apporter des changements à leur fonctionnement afin de garantir la sécurité des clients et des employés. Suivant les recommandations du gouvernement, elles ont ainsi modifié leurs horaires, diminué le nombre de personnes admises à la fois et installé des dispositifs de distanciation tels que des barrières en plexiglas ou de la signalisation au sol.

« Ces mesures sont tellement importantes. Nous parlons tout le temps de la « bulle de deux mètres » aux clients et aux employés pour maintenir une distance sécuritaire [entre les gens] », confie François Bergeron.

Ces directives peuvent être difficiles à suivre pour les clients. Isabelle Rinaldis le comprend bien et essaye de trouver la formule adéquate pour le leur rappeler.

« C’est sûr que la distanciation n’est pas innée. Même pour nous, ça a été difficile de l’intégrer, mais il suffit de le rappeler au client, indique-t-elle. On a expliqué à tous les employés comment dire aux gens de garder une distance sécuritaire sans les offenser et ça marche très bien. En dehors de ça, nous n’avons pas plus de défis qu’en temps normal. »

Les employés ont-ils eu peur de travailler avec le public en temps de pandémie? Sans répondre directement à la question, les intervenants interrogés assurent que toutes les mesures ont été prises pour protéger les travailleurs et les clients.

DIFFICILE CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE

La directrice se réjouit d’avoir pu garder tous ses employés, malgré une baisse notable du nombre de clients présents en succursale. Ceux-ci viennent majoritairement pour des transactions nécessaires qui ne peuvent pas être effectuées à distance, telles que les traites bancaires ou les signatures, dans le cas des personnes n’ayant pas accès à des outils technologiques.

Elle a cependant décidé d’être plus flexible avec les employés ayant des enfants en leur offrant des jours de congé supplémentaires. De son côté, Boyan Ivanov a assuré une présence auprès de ses enfants en alternance avec sa conjointe, rattrapant ses heures de travail le soir.

En ce qui concerne les représentants en service à la clientèle devant absolument être physiquement présents en succursale, surtout les caissiers, ils sont tous à temps partiel et n’ont pas dû souffrir d’une diminution de leur temps de travail, indique Mme Rinaldis.

François Bergeron a, quant à lui, réduit le nombre d’employés présents en succursale et a placé en télétravail ceux qui peuvent se le permettre.

« Actuellement, environ 40 % de nos employés sont en télétravail. Bien entendu, nous sommes en train de nous adapter pour que cette proportion augmente, selon les recommandations du premier ministre. Nous espérons atteindre de 50 à 60 % de l’ensemble des employés qui travaillent de la maison », avance-t-il.

Il estime d’ailleurs que le télétravail persistera après la fin de la pandémie et que « sa forme sera sûrement repensée, mais il sera intégré de façon plus officielle à nos modes de fonctionnement ».

Isabelle Rinaldis et François Bergeron sont tous les jours en succursale et disent ne rechercher aucune autre reconnaissance que la réussite financière de leurs clients.

« Notre récompense, c’est d’avoir des répercussions positives dans la vie de nos clients et d’être capables de les aider. Notre reconnaissance vient aussi de l’interne, du fait d’avoir une équipe solidaire et qui s’entraide », conclut Isabelle Rinaldis.

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Siham Lebiad