L’habit fait le conseiller

Par Jean-François Venne | 16 Décembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les débats autour du coton ouaté porté par la députée Catherine Dorion à l’Assemblée nationale ont rappelé que chaque milieu professionnel a ses codes vestimentaires. Le conseil financier n’y échappe pas.

« Cette industrie reste l’une des plus traditionnelle sur cet aspect », reconnaît la styliste de mode d’affaires Maryse Désilets.

Elle note toutefois certains changements, comme la raréfaction de la cravate. Les hommes lui préfèrent un foulard de poche. Les talons hauts ont aussi eu tendance à diminuer et le talon aiguille cède souvent le pas à un talon carré.

Gino-Sébastian Savard

Le président de MICA Cabinets de services financiers, Gino-Sébastian Savard, a progressivement abandonné la cravate depuis deux ans pour des raisons de confort. À son bureau, le casual Friday (vendredi décontracté) a été étendu à toute la semaine pour les employés.

« Mais il faut que ça reste professionnel », précise-t-il. En clair, on oublie les bretelles spaghetti et les tenues trop suggestives pour les femmes et les jeans avec des imprimés ou des écussons. On privilégie un jean soigné et uni.

Gino-Sébastian Savard croit que la façon de s’habiller influe sur la confiance que le client aura envers son conseiller, surtout lors d’une première rencontre. Il faut avoir l’air sérieux et compétent.

« Le client se dit que si le conseiller prend soin de lui, il prendra soin de ses affaires », soutient-il.

Francis Frappier

APPRENDRE À LA DURE

Francis Frappier, président de Finexia, peut en témoigner. Il se remémore une anecdote en début de carrière. En pleine canicule, il a un rendez-vous chez un client qui n’a pas l’air climatisé. Il décide de porter une chemise à manches courtes. « Le client me l’a tout de suite reproché », raconte-t-il.

M. Frappier a donc compris rapidement que l’habillement était un atout majeur pour faire une bonne première impression. Il revêt le costume au quotidien, mais rarement accompagné d’une cravate.

« Je l’ai portée au début de ma carrière, mais je me sentais un peu coincé et j’avais chaud l’été. dit-il. Je crois qu’on peut avoir un look professionnel, mais un peu plus décontracté. »

Mathieu Huot

La cravate n’est pas complètement délaissée. Mathieu Huot, planificateur financier à IG Gestion de patrimoine, fait partie de ceux qui continuent de l’arborer tous les jours. « Même si je n’ai pas de rendez-vous prévu, il arrive que je croise des gens avec qui j’ai des relations d’affaires », justifie-t-il.

Il juge normal que les clients accordent de l’importance aux vêtements de leur conseiller. « Ils nous confient leur patrimoine, rappelle-t-il. L’habillement témoigne d’un certain professionnalisme. »

Le conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective Hugo Neveu voit les choses un peu différemment. Il estime qu’il faut s’ajuster en fonction du client. « S’habiller de manière trop guindée, en veston-cravate, peut dresser une barrière émotionnelle entre certains clients et le conseiller, croit-il. Moi, j’essaie au contraire de créer de la proximité. »

Il n’hésite pas à porter le jeans avec une chemise et un veston. Il a aussi arboré pendant deux ans les cheveux longs, souvent attachés en chignon. « Ça ne faisait pas l’unanimité dans l’industrie », précise-t-il.

Il craint qu’un trop grand conservatisme ne donne une image caricaturale des conseillers, susceptible de leur nuire auprès des jeunes générations.

DOUBLE STANDARD

Le dilemme vestimentaire prend une autre tournure lorsqu’on est une femme. « C’est plus difficile pour elles, soutient Maryse Désilets. Par exemple, un habillement sexy peut nuire à la réputation dans certains milieux. »

Elle note aussi que beaucoup de professionnelles viennent la voir lorsqu’elles atteignent la quarantaine ou la cinquantaine. Leur corps a changé et elles sont indécises quant à la meilleure manière de s’habiller. Elles n’ont pas nécessairement envie d’adopter un look classique, mais n’osent plus s’habiller comme lorsqu’elles étaient plus jeunes. Des questions que se posent peu leurs collègues masculins.

Laurie Therrien

Laurie Therrien, planificatrice financière à Services financiers Therrien et Alain, a réglé la question. Elle porte toujours un tailleur avec des chaussures à talon, mais jamais de décolleté, de jupe courte ou d’escarpins vertigineux.

« Il faut être prudente et afficher une image professionnelle, affirme-t-elle. Même si aucune rencontre n’est prévue, des clients peuvent se présenter à l’improviste ». Elle perçoit un double standard entre les hommes et les femmes. Son associé, par exemple, n’hésite pas à porter un jean avec une chemise et un veston. Elle n’oserait jamais, convaincue que les clients trouveraient cette tenue trop informelle.

« J’ai souvent des compliments sur mes vêtements, surtout de la part de mes clientes, ce qui montre bien qu’elles portent une certaine attention à cela, confie la conseillère. Alors je m’assure de toujours avoir une tenue soignée. »

Jean-François Venne