Timidité : le meilleur de vos défauts

Par Didier Bert | 20 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Photo : Rancz Andrei / 123RF

Peut-on être introverti et professionnel en services financiers? Oui, répondent plusieurs conseillers et experts, convaincus que derrière ce présumé défaut se cache une belle qualité qui aide à créer une relation de confiance avec les clients.

« La timidité est un atout, martèle Sylvain B. Tremblay, vice-président, Gestion privée à Optimum Gestion de placements. La personne timide parle moins que la moyenne. Or, comme conseiller, on a avantage à écouter plus qu’à parler. »

TENDRE L’OREILLE

En s’abstenant d’occuper la conversation, le timide adopte une posture d’écoute, qui le met dans la meilleure des situations, croit Jean-Pierre Lauzier, coach et formateur en vente. « Il est essentiel de se connecter à l’autre, illustre-t-il. Le rôle d’un conseiller est d’aider son client à réaliser ses objectifs financiers. Il doit comprendre qui il est, ce qui le fait vibrer, quels sont ses buts. »

Comment apporter de la valeur à un investisseur si on ne s’attarde pas à ce qu’il dit et, donc, on ne le connaît pas? demande M. Lauzier. « Le bon vendeur est plus souvent un introverti parce qu’il est capable d’écouter pour ensuite proposer des recommandations adaptées aux besoins de chaque client », assure-t-il.

CLIENTÈLE POUR EXTRAVERTIS

Mais tous les épargnants ne se sentent pas forcément à l’aise face à un représentant introverti. Pour le coach en vente, le secret réside dans le fait d’être en adéquation avec les attentes de ses clients. « Un extraverti plaira aux fonceurs et un introverti, plus à l’écoute, sera apprécié de la plupart des autres clients », nuance Jean-Pierre Lauzier.

Les clients « fonceurs » risquent d’interpréter la timidité du représentant comme un manque de confiance en ses compétences, voire carrément un manque de compétence. Pour accéder à cette clientèle, le conseiller introverti devra compter sur un bon bouche-à-oreille, plus susceptible de mettre le prospect en confiance. Et dès les premiers échanges, le représentant devra démontrer rapidement ses qualités professionnelles.

PRENDRE TOUTE LA PLACE, C’EST NON

Pour la plupart des gens, au contraire, il existe un défaut bien plus grand que la timidité. Un conseiller avec « une grande gueule » est souvent considéré davantage insupportable qu’un représentant introverti, pointe Sylvain B. Tremblay.

Contrairement aux phrases choisies du timide, le flot de paroles du représentant verbomoteur peut angoisser le client. Celui-ci peut se sentir mal écouté. Au final, même s’il se voit proposer une recommandation pertinente pour sa situation, l’épargnant peut avoir le sentiment que c’est la facilité à communiquer du représentant qui l’a poussé à accepter sa suggestion.

Et ce sentiment peut se transformer en impression de s’être fait vendre un produit dont il n’avait pas besoin, mais qu’il a « dû » accepter parce qu’il se sentait impuissant face au conseiller. « La faiblesse des conseillers très extravertis est que leurs clients les perçoivent comme des vendeurs, ajoute Bernard Viau, conseiller à la retraite. Et certains ne veulent rien savoir des professionnels qui prennent trop de place dans la conversation. »

ENTREVUES PLUS STRUCTURÉES

En plus de faciliter l’écoute, l’introversion facilite le déroulement même des rencontres avec les clients, croit M. Tremblay. « Une personne timide va mieux structurer son entrevue parce qu’elle parle moins et qu’elle aura tendance à être plus minutieuse dans la préparation de son entrevue », dit-il, expliquant que l’introverti trouvera plus rassurant d’arriver bien préparé à l’entretien, qui est un moment de stress pour lui. Au contraire, une personne extravertie sait qu’elle peut miser sur son entregent pour conduire et relancer l’entretien.

L’introversion serait donc un avantage compétitif pour le conseiller. Mais à elle seule, elle ne permet évidemment pas à un conseiller de multiplier les occasions d’affaires. « C’est seulement quand elle est alliée à la compétence que la timidité du conseiller peut rassurer le client », affirme Bernard Viau.

EFFACÉE PAR L’EXPÉRIENCE?

Enfin, la timidité n’est pas forcément éternelle. Avec le temps et l’expérience, le représentant introverti peut progressivement être davantage à l’aise avec ses clients. « Une de mes plus grandes peurs dans la vie était de parler en public. Aujourd’hui, je gagne ma vie en vendant des conférences! » sourit Jean-Pierre Lauzier.

Mais ce gain de confiance ne devra pas faire oublier au représentant timide ses qualités d’écoute. Sinon, il risque de devenir « une grande gueule » qui insupporterait de plus en plus sa clientèle.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.