Les conseillers doivent-ils avoir peur de l’IA?

Par Didier Bert | 16 février 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Jakub Jirsak / 123RF

Les conseillers doivent-ils s’inquiéter d’être un jour remplacés par des robots dotés d’une IA, alors que les développements récents suscitent l’intérêt du grand public et attirent des investissements?

Oui, les conseillers doivent certainement s’inquiéter, prévient Investment News.

Le premier motif de s’inquiéter est de prétendre que rien ne remplacera jamais le conseiller humain. C’est qu’on a bien vu à quel point les applications de services financiers ont permis à de nombreux consommateurs de gérer en direct leurs investissements, en se passant de conseiller… ou en s’appuyant sur un robot-conseiller. D’autre part, les conseillers n’ont jamais eu à affronter un tel compétiteur. Et ce compétiteur qu’est l’IA dispose de capacités jamais vues pour offrir une valeur ajoutée sans égal aux consommateurs.

Par ailleurs, là où nombre de conseillers pourraient se méprendre, c’est dans la croyance que le lien émotionnel ne pourra jamais être tissé qu’avec un conseiller humain.

Des recherches montrent que la technologie parvient à établir des liens émotionnels avec l’humain, par exemple dans les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) offertes par voie numérique, qui obtiennent d’excellents résultats dans le soutien aux personnes en détresse mentale, pointe une étude portant sur les preuves de liens au niveau humain établis avec un agent conversationnel numérique, publiée en 2021.

Là où les moyens humains manquent pour offrir ce soutien, les TCC numériques se sont progressivement imposées.

À ce lien émotionnel entre la technologie et des clients en services financiers, l’IA va ajouter la capacité de prendre en compte une multitude d’éléments pour donner un conseil personnalisé – d’une grande pertinence – en matière d’épargne retraite.

Des professeurs de droit américains ont fait passer des tests à ChatGPT, le robot conversationnel d’IA bien connu désormais du grand public. Bien que son résultat ait été médiocre, ChatGPT a obtenu une note suffisante pour qu’on puisse penser que cette IA pourrait réussir à obtenir un baccalauréat en droit.

En matière de services financiers, l’IA est déjà à l’œuvre. Elle est aux manettes du fonds négocié en bourse (FNB) AI Powered Equity, qui pèse 120 millions de dollars US. Géré activement par le superordinateur Watson d’IBM, ce fonds obtient un rendement de 14 % depuis le début de l’année 2023, alors que le S&P500 se contente de 8 %.

Compte-tenu de ces performances, peut-on encore imaginer que l’IA restera à distance des conseils financiers? Il suffit d’attendre le moment où un ChatGPT sera relié aux bases de données d’une firme de services financiers, et aux données financières d’un consommateur. L’IA sera alors aussi précise qu’un humain, voire davantage.

Quelle solution s’offre aux conseillers face à cet avenir proche, qui peut être imaginé sans eux? Peut-être que la meilleure issue pour les conseillers est de s’appuyer sur l’IA elle-même. Celle-ci pourrait notifier une alerte au conseiller, rédiger ses publications sur les réseaux sociaux, diffuser des documents personnalisés à ses clients… Elle pourrait aussi appuyer les opérations en back-office, en répondant aux commandes vocales du conseiller qui est à la recherche d’un document.

Ces pistes sont autant de possibilités pour les conseillers de s’appuyer sur l’IA, plutôt que de la subir. C’est le même défi que les conseillers ont dû relever lorsque l’informatique a fait irruption dans les cabinets. Sauf qu’aujourd’hui, l’IA a les capacités de révolutionner encore plus profondément le marché, que ce que fit l’informatique.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.