Vous êtes la source d’information la plus importante pour vos clients

Par Peter Drake | 19 juillet 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Peter Drake

Alors que les craintes entourant la crise de la dette qui sévit en Europe subsistent et que les signes annoncent un ralentissement de la reprise économique, le moment est opportun pour penser à la façon dont vos clients pourraient réagir à ce qu’ils lisent et entendent et à ce que vous pouvez faire pour leur donner une certaine perspective. À cet effet, vous pouvez les aider à prendre du recul et à remettre les événements dans leur contexte. Commençons par explorer certains concepts généraux de la finance comportementale.

La théorie classique postule que les marchés – actions, obligations, devises, crédits, produits de base, etc. – sont hautement efficients. Plus particulièrement, cette théorie considère que pour chaque marché, il y a suffisamment d’informations pour établir le cours approprié des titres quel que soit la transaction. Le cours approprié rend compte de tous les facteurs qui pourraient l’affecter – principalement l’offre et la demande, mais aussi une myriade d’autres facteurs comme les questions de réglementation, les développements technologiques, les obstacles au commerce et à l’entrée de nouveaux produits, les problèmes politiques ainsi que la situation économique et le marché en général. La théorie des marchés efficients suppose que les participants au marché, entre autres, agissent rationnellement. La finance comportementale introduit l’idée que les émotions pourraient jouer un rôle tout aussi important que les faits dans l’orientation des marchés. Par conséquent, la rationalité aurait un rôle réduit dans la prise de décision.

Les émotions des investisseurs peuvent être déclenchées par les informations mises à leur disposition. Je suis convaincu que, dans une certaine mesure, la crédibilité de la finance comportementale a gagné du terrain en raison de la quantité et de la qualité des renseignements facilement disponibles aux investisseurs et du rôle de ceux-ci dans leur prise de décision. En théorie, avoir plus d’information est une bonne chose. Obtenir plus de renseignements, plus rapidement, devrait permettre aux investisseurs de prendre de meilleures décisions, et ce, plus efficacement. En pratique toutefois, tout porte à croire que ce n’est pas nécessairement le cas.

Les avancées en technologie de l’information ont contribué à la création et à la distribution, plus rapide et plus étendue que jamais, de plus de renseignements que la plupart des investisseurs particuliers peuvent comprendre, voire même, les appliquer de façon utile à leurs décisions financières. Dans ce contexte, trop d’informations peuvent être très semblables à ce que certains détaillants découvrent de nos jours : souvent, s’il y a trop de choix sur les tablettes, cela sème la confusion chez le consommateur et entraîne des ventes inférieures.

Un autre problème découle de la qualité même des informations. Alors que la technologie permet de générer des renseignements presque instantanément et d’analyser ceux-ci de façon sophistiquée, rien n’assure que ces renseignements sont exacts ou même, plus important encore, que l’analyse de ces renseignements est solide. De plus, la nature instantanée de la transmission des renseignements fait croire à certains qu’il existe des solutions tout aussi instantanées aux problèmes économiques et à ceux des marchés financiers. La plupart du temps, ces solutions n’existent pas.

Prenons l’exemple de la crise de l’endettement en Europe. Sans aucun doute, ce problème est très sérieux. Certains pays, notamment le Portugal, l’Italie, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne, ont accumulé des déficits budgétaires énormes et insoutenables. Dans certains cas, les gouvernements se sont dérobés à la prise en charge de leur politique budgétaire – ils ont affiché des déficits inutiles, ont été moins transparents qu’ils auraient dû l’être pour ce qui est des données publiées au sujet des déficits réels et ont fait disparaître les déficits du bilan du gouvernement, hors de la vue du public. En outre, ce qui rend cette question très sérieuse du point de vue des marchés, c’est que la crise les a surpris. Les marchés détestent les surprises, mais tout spécialement lorsque celles-ci sont déplaisantes si peu de temps après une crise financière mondiale et une récession.

Je crois que les choses se sont gâtées – ou du moins, elles ont empiré au-delà du bon sens – en raison de la réponse publique des dirigeants européens qui doivent y faire face. Dès le début, l’idée de demander l’intervention du Fonds monétaire international (FMI) pour aider à traverser la crise a été mise de l’avant. Bien que le FMI ait fait l’objet de critiques au cours des dernières années, une chose qu’il réussit bien, est d’arriver dans un pays ayant un problème de dette et de déficit public, d’apporter de l’argent de pays membres du FMI pour aider et de menacer le pays en affirmant qu’aucune aide financière ne sera offerte à moins que celui-ci n’effectue les changements nécessaires pour résoudre le problème. Au tout début, le dirigeant d’un important pays européen a noyé cette idée, disant qu’impliquer le FMI blesserait la fierté européenne. Le problème avec ce genre de déclaration publique, c’est que les marchés sont généralement réalistes. De leur point de vue, si vous avez un problème et une solution pour le régler, vous devriez l’adopter. Mêler la « fierté européenne » à cette discussion a perturbé les marchés. Heureusement, la raison a prévalu et le FMI joue maintenant un rôle dans la gestion de la crise. D’autres dirigeants européens ont ajouté au problème en faisant étalage de leurs désaccords en public et en prenant beaucoup plus de temps qu’il n’aurait fallu pour agir.

C’est ici que le problème touchant aux informations est apparu. Le fait n’est pas que les déclarations de désaccords publics étaient fausses, mais bien que, plus ils traînaient, plus les analystes et les commentateurs avaient la possibilité de mêler les cartes. Certains déploraient que la Grèce ne puisse pas dévaluer sa devise comme solution au problème alors que d’autres suggéraient que la Grèce devrait quitter la zone euro afin de pouvoir dévaluer celle-ci. D’autres encore prévoyaient la fin de l’Euro. Le problème avec ce genre de commentaires, c’est qu’ils ne contiennent que des demi-vérités. Oui, la Grèce aurait pu réduire efficacement le fardeau de sa dette extérieure si elle avait pu dévaluer sa devise. Toutefois, cette dévaluation n’aurait en rien réglé le problème réel : trop de dépenses publiques et trop peu de recettes. De plus, les avantages généralement perçus qui sont attribués à l’existence de l’Euro suggèrent que ceux qui prédisent sa disparition sous-estiment totalement les efforts qui auraient été déployés pour le conserver.

Les dirigeants européens ont finalement réagi. Ils ont créé un fonds d’environ 500 milliards d’euros (en plus des 250 milliards d’euros du FMI) afin d’assurer le financement des gouvernements en difficulté. Mais, ici aussi, nous avons connu un problème d’informations et, une fois de plus, les analystes et les commentateurs ont été en faute. Des journaux nationaux ont cité un investisseur canadien prospère qui avait décrit ce fonds comme un sauvetage raté. Je crois qu’il n’a pas bien compris. Le fonds a été créé pour s’assurer que les gouvernements en question aient accès au financement nécessaire s’ils en ont besoin, et ce, à un coût avantageux qui n’empirera pas leur situation. Ce fonds n’est pas et n’a donc jamais été conçu comme une solution au problème. Celle-ci, pour les gouvernements touchés, consiste à effectuer les changements nécessaires aux impôts et aux dépenses afin que leurs budgets deviennent viables. De plus, pour revenir à un thème mentionné précédemment, la résolution du problème s’étirera sur plusieurs années, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de solutions instantanées.

Donc, vous avez des clients qui épargnent et investissent pour la retraite. Ceux-ci doivent déjà avoir été secoués par le repli boursier extraordinaire de 2008 et du début 2009. Le redressement qui a eu lieu au cours de 2009 pourrait les avoir presque convaincus que les choses étaient plus ou moins de retour à la normale, mais, lorsque les déficits et les problèmes de dettes ont fait surface en Europe, leurs émotions doivent de nouveau être à fleur de peau. Que faut-il faire?

Évidemment, il est inutile de suggérer à vos clients d’arrêter de lire ou d’écouter les informations financières. Elles sont omniprésentes. Vous pouvez toutefois leur suggérer de porter attention à certaines sources particulières afin qu’ils aient un aperçu plus équilibré de la situation. Vous pourriez suivre votre propre conseil et développer un point de vue aussi équilibré que possible et le partager avec vos clients. Rappelez à vos clients que les notions de base du placement n’ont pas changé : il faut avoir un plan écrit; une répartition de l’actif spécifique qui répond le mieux aux besoins particuliers de votre client; un taux de dépenses/d’épargne prudent; et il faut être patient et réaliste. Vous pourriez peut-être leur raconter la véritable histoire de la crise de l’endettement en Europe. Expliquez que celle-ci a frappé parce que les gouvernements ont dépensé, année après année, plus qu’ils n’ont amassé. Et puis, ils ont essayé de prendre des raccourcis pour résoudre le problème. Cela n’a pas fonctionné! Et, les problèmes ne seront résolus que de façon traditionnelle : en dépensant moins et en ramassant plus d’impôts. Une solution lente peut-être, et parfois douloureuse, mais dont la réussite est presque assurée.

Les technologies de l’information ont démocratisé la création et la distribution des informations. En général, la démocratisation est une bonne chose. Permettre à chacun de dire ce qu’il a à dire sur n’importe quel sujet et être entendu, voilà un point fondamental de la démocratie. Nous devrions adopter les technologies de l’information et continuer à promouvoir ce potentiel incroyable. Mais, dans un même temps, il faut être prudent et ne pas laisser l’information et son contenu prendre la place des bases fondamentales de l’économie de la retraite. Les règles fondamentales de l’épargne et du placement pour la retraite ne sont pas touchées par les changements technologiques.

Peter Drake est vice-président, Retraite et recherches économiques, auprès de Fidelity Investments Canada. Fort de plus de 35 années d’expérience à titre d’économiste, il dirige les initiatives de recherche de Fidelity axées sur la retraite au Canada à notre époque.

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