188 : avez-vous voix au chapitre?

Par Yves Bonneau | 21 septembre 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Toute campagne électorale nous donne une formidable occasion de nous rendre compte que la démocratie élective est un concept démagogique où les élections donnent l’illusion à la population de participer au pouvoir…

Pour faire bouger les choses, pour renverser la vapeur dans les affaires de l’État, il faut avoir soit de l’influence, soit beaucoup d’argent, soit un poids électoral certain, ou les trois à la fois.

Faute de détenir les deux premières conditions, les conseillers tentent leur chance par le nombre auprès du sous-ministre adjoint depuis la mi-septembre. Ma boîte courriel déborde littéralement de messages portant sur la révision de la loi 188. Des conseillers du réseau MICA se sont mis d’accord pour envoyer au sous-ministre adjoint au ministère des Finances, Richard Boivin, la copie du même mémoire disant essentiellement qu’ils sont d’accord pour dépoussiérer la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) mais pas si cela passe par la vente de produits d’assurance sur Internet, ni au détriment de la protection des consommateurs. Le temps nous dira si la stratégie fera bouger le patron de M. Boivin, le ministre Leitão.

Il est évidemment minuit moins une pour les conseillers. Sous-représentés lors des discussions portant sur l’industrie, ils se font rarement demander leur avis autrement que par mémoires interposés. Disons que les conseillers, ou leurs représentants, ne bénéficient pas du même degré d’écoute que certains autres puissants lobbys. Il serait peut-être judicieux d’ailleurs d’envisager de créer un lobby en bonne et due forme. Même s’il existe depuis une dizaine d’années des associations de conseillers financiers qui défendent les intérêts de leurs pairs en même temps que ceux des consommateurs, on ne semble pas, à ce jour, leur donner beaucoup de crédibilité ou d’écoute.

La révision précipitée de la loi 188 par le ministère des Finances est un bel exemple.

Regardons les cinq recommandations du Rapport d’application de la LDPSF :

  • S’inspirer des recommandations du Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) pour réaménager la Loi de manière à permettre aux assureurs d’offrir leurs produits par Internet;
  • Arranger la Loi pour permettre aux assureurs de vendre des produits d’assurances sans représentant;
  • Trouver tous les moyens d’alléger la réglementation et les coûts afférents pour les assujettis en maintenant un encadrement adéquat (lire éliminer la CSF);
  • Instaurer l’indemnisation d’un consommateur victime de fraude commise par un représentant certifié, même si la réclamation concerne la vente de produits non autorisés par ledit représentant;

Et comme pour faire un minuscule compromis à la faveur des conseillers :

  • Faire participer des représentants de l’industrie au processus décisionnel du Fonds d’indemnisation des services financiers. (Attention, il est écrit représentants, pas spécifiquement conseillers !)

Difficile de ne pas voir un certain biais à la faveur des manufacturiers dans ces recommandations. Il faut néanmoins comprendre que tout n’est pas rose non plus pour ces derniers en matière de distribution.

La situation démographique combinée au fait que la profession de conseiller attire peu a pour conséquence de faire craindre le pire aux manufacturiers qui, pour la plupart, se sont démutualisés au tournant du millénaire et ont maintenant des actionnaires affamés qui s’attendent à des résultats trimestriels à la hausse. Conclusion, et vous le savez mieux que quiconque : il faut vendre ! Et si le réseau de distribution s’amenuise, il faut trouver d’autres canaux, comme Internet. Mais faut-il vendre à tout prix ?

Si les assureurs de dommages peuvent assez facilement convaincre le gouvernement qu’il n’y a pas grand risque pour le consommateur à acheter par l’intermédiaire d’Internet des protections pour ses biens, il en va tout autrement pour l’assurance de personnes. Pourtant, la révision de la LDPSF et les recommandations ne font aucune distinction entre l’assurance vie et l’assurance de dommages. Faut-il rappeler que l’actif des assureurs de personnes à charte du Québec (sans les fonds distincts) est presque cinq fois plus élevé que celui des compagnies d’assurance de dommages ?

Le montant des cotisations souscrites sur le marché québécois a augmenté d’environ 80 % depuis 2000 pour les assureurs vie comparativement à une augmentation de 50 % pour les assureurs de dommages. Ces performances exceptionnelles sont en majeure partie le fruit du travail acharné des conseillers sur le terrain.

Or voilà, une énorme cohorte va prendre sa retraite dans les cinq prochaines années et il faut continuer de soutenir le rythme.

Toutefois, il y a autre chose qui se trame en parallèle : la révision de la Loi sur les assurances, entamée en 2012 par le gouvernement du PQ. Un rapport d’application a été soumis en mars 2013. Voici ce que disait sa conclusion : « Les propositions de ce rapport visent essentiellement à renforcer la protection des épargnants et des assurés tout en minimisant le fardeau administratif des institutions financières. »

Avez-vous une impression de déjà vu tout à coup? On dit aussi en coulisse que des représentations insistantes auraient été faites pour changer le nom de cette loi pour « Loi sur les assureurs ». Si le ministère des Finances va de l’avant avec tous ces changements législatifs simultanément, et ce ne serait pas un hasard, je ne donne pas cher de la représentativité du réseau de distribution après le passage du rouleau compresseur ! Il est grand temps de vous mobiliser.

Pour en savoir plus, consultez notre dossier complet sur la révision de la loi 188.


Yves Bonneau, rédacteur en chef yves.bonneau@objectifconseiller.rogers.com


• Ce texte est paru dans l’édition de septembre 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

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