9 méthodes efficaces pour perdre vos clients

Par Dominique Lamy | 8 avril 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
6 minutes de lecture
Fâché, plainte, mécontent

À chaque profession son cancre! Que faire pour être le pire conseiller qui soit? Manipulation, arrogance, cupidité… voici tout ce qu’il vous faut pour laisser un souvenir impérissable.

  • LA GROSSIÈRE INCOMPÉTENCE

D’emblée, oubliez ce que votre client d’un âge avancé vous a confié sur le formulaire d’ouverture de compte à l’étape « Bien connaître son client ». Il vous a dit qu’il a systématiquement la nausée avec les marchés en montagnes russes, qu’il a peur de mourir chaque fois qu’il prend l’autobus, que le journal télévisé lui donne des boutons. Qu’à cela ne tienne, misez les trois quarts de sa fortune sur des titres de sociétés aurifères et avec ce qu’il restera de ses actifs, faites-lui souscrire une police d’assurance-vie universelle pour des fins de placements tout en lui faisant croire à la volée que vous êtes comptable de formation. Quelques mois plus tard, ne revoyez surtout pas sa situation financière et personnelle, ni ses objectifs de placement même si la situation en question a manifestement changé et oubliez, on vous en prie, une nouvelle analyse de ses besoins, ce serait trop! Pour conclure, procédez avec diligence à une série exhaustive de transactions sans son autorisation. Vous verrez, ça fait un effet bœuf. Surtout auprès de la syndique de la Chambre…

  • PARESSE, QUAND TU NOUS TIENS…

15 h. « Pas encore un client! », soupire le désabusé de la profession. Avoir l’air de s’emmerder, bâiller à bouche que veux-tu, regarder sa montre aux cinq minutes et espérer secrètement le départ hâtif de son interlocuteur sont des comportements qui démontrent une grande démotivation. La paresse se dévoile aussi sous d’autres facettes du métier. « Il est très important de ne pas prendre de notes en présence d’un client! À défaut, et à chaque rencontre subséquente, comment ferais-je pour découvrir de nouveaux éléments sur lui? J’aime repartir à neuf! », ironise Philippe Ventura, CFA, président et conseiller en sécurité financière chez Chevalier, Meunier et Associés.

  • LE PROFESSIONNALISME, NON MERCI!

Pour faire fuir tous vos clients actuels et potentiels, nul besoin de vous raser. Le look « Brad Pitt et sa barbe de trois jours » vous donne un petit côté « expérimenté » nécessaire à l’exercice de votre profession. Aucune gêne, non plus, à vous vêtir de ce magnifique chandail jaune à col roulé sous votre traditionnel veston brun, pantalon assorti svp! Tant qu’à faire, cessez donc de désencombrer votre bureau. Effet assuré! Vous aurez l’air occupé – débordé, même – et foutrement mal organisé. Dans un autre ordre d’idées, pas nécessaire de faire imprimer des brochures de qualité, de bâtir un site Internet digne de ce nom et d’offrir des services à valeur ajoutée.

  • PROSPECTION : NUL BESOIN D’ÊTRE RÉFÉRÉ

Certains trucs existent pour vous assurer le moins de rendez-vous possible. D’abord, cessez de vous décarcasser pour obtenir des références de clients satisfaits. D’autre part, coupez court aux formalités et évitez de vous présenter en tant que conseiller. Le flou artistique, rien de tel! « Lorsqu’on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds toujours que je suis en affaires, que je fais de la business. En étant le moins spécifique possible, je ratisse plus large lorsque vient le moment de cumuler les rencontres de prospection », caricature Philippe Ventura.

  • L’INDÉNIABLE ÉGOCENTRISME

Allez-y, faites-vous plaisir, parlez de vous… et seulement de vous! À votre goût, ces vacances au Mexique ? Votre nouvelle voiture sport, ça roule? Votre chat vient de remporter un concours de beauté ? Le REEE de vos enfants déborde? Pauvre de vous! « Un autre café, Monsieur le conseiller? », insiste le client, bien embêté de voir que deux heures se sont écoulées à écouter vos histoires personnelles…

  • LA COURSE AU CASH!

Certains conseillers commencent l’entretien usuel en présentant le plus récent produit financier en lice, sans même procéder à la cueillette de données nécessaire à l’évaluation des besoins et sans donner la chance aux clients de mettre à jour leur profil d’investisseur. Rien d’anormal, évidemment. Le temps, c’est de l’argent. Qui plus est, la campagne marketing associée au dit produit est fumante. « Un bon conseiller devrait toujours proposer une brochette complète des produits financiers disponibles dès le début de la première rencontre. Le client risque ainsi assurément d’en acheter un. C’est la loi des grands nombres dont on me parle tant », raille M. Ventura.

Dans la même veine, et alors que bat la traditionnelle campagne REER, certains types de clients moins bien avisés sont invités à investir coûte que coûte dans leur REER. Le client court après sa déduction fiscale, sans trop poser de questions, pendant que le conseiller inapte, lui, court après son éventuelle commission. « Souvent, les formulaires sont préremplis, campés dans le tiroir du représentant, en attente de la signature du client », dévoile Normand Caron, du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), qui s’interroge sur le fait que l’intérêt de ce dernier ne prime pas nécessairement comme il se devrait.

La course au cash ne s’arrête pas là. La fin du versement des commissions de suivi annuelles pose aussi parfois problème. M. Caron raconte l’histoire d’une cliente qui n’était plus capable de rejoindre son conseiller à la suite de sa décision de ne plus rester investie avec celui-ci. Ce dernier retardait la complétion des documents pour bénéficier une dernière fois de sa ristourne annuelle. « C’est un appel effectué par notre président, Yves Michaud, auprès de l’institution bancaire en question qui a dénoué l’impasse », se souvient-il.

  • LA MANIPULATION POUR ARRIVER À SES FINS

« Certains conseillers sont passés maîtres dans l’art de faire comprendre au client que c’est ce dernier qui bénéficie d’une faveur en obtenant un rendez-vous », dit le représentant du MÉDAC. Rien de tel qu’un conseiller qui arrive systématiquement une dizaine de minutes en retard à chaque entretien pour démontrer à son client que celui-ci n’est qu’un parmi tant d’autres. Autre astuce qui pourrait vous perdre : répondre à son téléphone qui sonne bruyamment au milieu de la rencontre et s’adonner à une discussion avec son mystérieux interlocuteur comme si le client devant soi était disparu.

  • PAS DE NOUVELLES, BONNES NOUVELLES

Les tumultes boursiers des dernières années ont assurément semé l’inquiétude chez plusieurs investisseurs, angoissés à l’idée de voir le marché se replier à la suite de la hausse vertigineuse enregistrée depuis 2009. Inévitablement, ils ont besoin d’échanger avec leur conseiller… La meilleure chose à faire pour ne pas troubler votre quiétude : éclipsez-vous durant les périodes difficiles. De toute façon, le rôle des conseillers n’est pas de recommander aux clients ce qui leur convient le mieux, mais plutôt de leur dire ce qu’ils ont envie d’entendre. Ah oui, par le fait même, oubliez donc la rencontre périodique annuelle. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, non ?

  • CHARMANTE FLAGORNERIE

Un compliment par-ci, une louange par-là… À défaut d’empathie et de sincérité, flattez, flattez dans le sens du poil. Le client sera ainsi plus enclin à vous confier sa fortune. Dans la même veine, un conseiller qui se respecte doit avoir réponse à tout, c’est connu! Il ne doit surtout pas admettre qu’il ne comprend pas l’histoire compliquée qu’il vient d’entendre. Faites semblant, bon sang! Rajoutez-en une couche avec un rire forcé, c’est tellement sympathique!

Blague à part…

Le conseiller doit être irréprochable dans la relation d’affaires qu’il entretient avec sa clientèle. Parce qu’un niveau de service « acceptable » ne laisse jamais une empreinte permanente dans l’esprit de toute clientèle, le professionnel de la finance se doit d’offrir une expérience à valeur ajoutée pour se démarquer du lot. C’est ainsi que les clients actuels permettront d’obtenir les clients de demain.

Dominique Lamy