À l’envers, les conseillers australiens

23 octobre 2014 | Dernière mise à jour le 23 octobre 2014
5 minutes de lecture
albund / 123RF

Depuis le début des discussions en 2010 sur l’élimination des commissions en Australie, les collègues de l’autre hémisphère, les lobbys et les organismes de réglementation sont engagés dans un bras de fer qui semble à l’avantage de ces derniers sans pour autant favoriser les consommateurs…

Une série de débâcles financières, la chute des marchés de 2008 et la perte de 3 G$ appartenant à quelque 3500 épargnants à la suite du scandale de Storm Financial (au nom évocateur !) ont incité le gouvernement australien à prendre des mesures draconiennes pour rassurer et sécuriser les contribuables.

Plus près de chez nous, presqu’au même moment, le scandale Bernard Madoff (60 G$) éclatait au grand jour. La solution américaine : 150 ans de prison ! Nos cousins du Commonwealth, eux, ont accouché d’une commission sur l’avenir des conseils financiers qui a débouché en 2010 sur une réforme en profondeur des services financiers dont la pierre angulaire est l’obligation de servir le meilleur intérêt du client. « Les objectifs, la situation financière et les besoins du client doivent être la préoccupation suprême dans le processus du conseil financier », indique le texte réglementaire du gouvernement australien. Vu sous cet angle, nul ne peut être contre la vertu…

Cette réforme, qui a franchi la première étape du processus législatif en 2012, s’appelle FoFA (Future of Financial advice). Introduite par le Labor Party, qui a perdu le pouvoir en 2013 aux mains de la coalition des Libéraux, FoFA est maintenant revue et amendée pour ramener à l’équilibre les appréhensions de toutes les parties impliquées dans cet exercice, incluant celles des consommateurs auxquels on a retiré, par exemple, la possibilité de choisir leur conseiller nonobstant son mode de rémunération.

En effet, l’objectif principal de la réforme FoFA est justement d’éliminer complètement toutes les commissions sur tous les produits financiers, produits d’assurance vie compris. L’objectif visé par les autorités, c’est de faire en sorte que les conseillers financiers australiens deviennent de gré ou de force des praticiens à honoraires, seule solution honorable pour l’avenir de la profession selon les tenants de l’abolition des commissions. Malheureusement, entre les principes fort méritoires soutenus par les associations de consommateurs, le gouvernement ainsi que les autorités réglementaires et la réalité vécue sur le terrain, il y a un fossé énorme. Selon Peter Intraligi, le président d’Invesco, présente en Australie, près du quart des conseillers d’expérience ont quitté la profession au lendemain de l’entrée en vigueur de la législation FoFA, laissant en plan des milliers d’épargnants, notamment beaucoup de retraités.

Cet exode a créé un vide impossible à combler pour de très nombreux épargnants qui sont aujourd’hui en colère contre cette réforme concoctée à la hâte par le gouvernement pour s’attirer des votes. Ce qui est aussi une forme de conflit d’intérêts.

SuperGuide, un groupe de défense de consommateurs qui fournit de l’information financière indépendante aux épargnants sur la « Superannuation », la version raffinée de notre malingre RVER, a lancé une campagne nationale en 2010 pour inciter les « nouveaux » conseillers à s’inscrire comme véritables indépendants sur son site. En date du 27 août dernier, dans un pays de 23,5 millions d’habitants, il n’y avait que 34 « independent advisers », selon SuperGuide. Risible ou révélateur du malaise ?

On soutient que le modèle australien du conseil financier a évolué de manière organique, comme ceux du Canada et des États-Unis. On constate partout depuis 25 ans que les conseillers à honoraires gagnent du terrain et de la clientèle. Mais pas toute la clientèle.

Un plan financier en Australie est évalué à environ 2 000 $AU. De fait, les panélistes de notre table ronde sur la valeur du conseil tenue l’an dernier ont confirmé qu’un plan financier coûte sensiblement la même chose ici. Le problème avec le conseil financier, c’est qu’il constitue un exercice coûteux pour l’épargnant. La question n’est pas de savoir s’il est trop cher par rapport à d’autres professions à honoraires, mais plutôt de comprendre pourquoi c’est cher et si le client en a pour son argent. Selon Invesco, pour un compte moyen de 85 000 $ de fonds communs de placement, il en coûte environ 1 % en frais de gestion pour rémunérer un conseiller. Le compte moyen d’un client à honoraires est de 100 000 $ et il paye 1,25 % de frais. On le voit, ce n’est pas tout noir, tout blanc.

Pourquoi gérer les épargnes d’une autre personne coûte si cher aujourd’hui ? Oui, il y a plusieurs intermédiaires à rémunérer dans la chaîne de distribution, mais le poste de dépenses qui a le plus augmenté depuis les dix dernières années, c’est la conformité et les coûts de la réglementation. Les grands groupes financiers les ont absorbés en les refilant bien sûr aux épargnants, tandis qu’au passage nombre de petits cabinets indépendants ont disparu, ont fusionné ou ont été absorbés par les géants financiers.

Ironiquement, la surréglementation a débouché sur un effet qui semble pervers aux yeux de plusieurs. Différentes recherches démontrent que près de 80 % des investisseurs préfèrent que les coûts d’une consultation financière soient intégrés à leur investissement. Mais dans les faits, la réglementation en matière de conseil financier crée une spirale affolante de coûts pour tous les joueurs de l’industrie. Ces derniers les répercutent ensuite sur les consommateurs en rehaussant constamment les frais de gestion et cela finit par générer de nouveaux impératifs de réglementation de la part des autorités. En verra-t-on jamais la fin ? Australie ou Canada, même débat…