À l’heure des bas taux d’intérêt

Par Hélène Roulot-Ganzmann | 5 juin 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Comment maintenir les revenus des clients retraités alors que les taux d’intérêt persistent à vouloir rester bas ? Diversification des placements, stratégie globale et efficience fiscale, répondent vos confrères.

« À partir de 40 ans, on avait souvent tendance à rééquilibrer les REER en faveur des obligations, moins volatiles donc plus sécurisantes, explique Sophie Sylvain, planificatrice financière et gestionnaire de patrimoine au Mouvement Desjardins. De sorte qu’à la retraite, les économies étaient majoritairement composées de titres à revenus fixes. Mais avec les bas taux d’intérêt que nous connaissons, cette stratégie n’est pas très payante. Nous insistons de plus en plus sur l’importance d’une saine diversification des portefeuilles. »

Oui, les retraités devraient garder une proportion de leurs économies sur le marché obligataire afin de pouvoir payer leurs factures au jour le jour et mener à bien leurs projets à court terme sans se retrouver coincés par une baisse subite de valeur. Mais ils devraient aussi lorgner du côté de la Bourse, qui a de meilleurs rendements à long terme.

« L’impact des bas taux d’intérêt n’est pas catastrophique pour l’instant car l’inflation est basse elle aussi, constate Alexandre Legault, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Allard, Allard & Associés. Ce sera plus problématique lorsque ceux-ci vont commencer à remonter car l’inflation risque de faire pareil. Le rendement réel des obligations pourrait alors devenir négatif. Il ne faut pas faire l’erreur de croire que l’on ne peut pas perdre d’argent avec des obligations. L’histoire démontre que c’est tout à fait possible : le rendement réel des actions a été beaucoup plus stable dans le temps que celui des obligations. Sur les cent dernières années, le rendement réel des actions est supérieur de 6,5 % à l’inflation. »

RASSURER LA CLIENTÈLE

Or, même à la retraite, on peut avoir un horizon assez long. Une femme qui a 65 ans aujourd’hui a une espérance de vie de près de 25 ans.[1]

« Bien sûr, tout le monde n’a pas la même tolérance au risque, poursuit M. Legault. Mais on doit se demander si l’arrimage entre le risque que le client prend et le risque qu’il doit prendre pour atteindre ses objectifs est bon. Si la réponse est non, il doit peut-être revoir ses objectifs à la baisse, donc laisser tomber des projets ou se serrer la ceinture. »

Il est rare cependant que les clients aillent jusque-là. À force de tenir ce discours de la saine diversification, et alors que les taux d’intérêt qui demeurent mois après mois au plus bas leur donnent raison, les conseillers affirment parvenir de mieux en mieux à convaincre leurs clients.

Ce que vos clients ne doivent surtout pas faire

Martin Jalbert

Martin Jalbert : « Faire confiance à son beau-frère autour de la table de la cuisine le dimanche midi ! Aucune situation ne se ressemble, personne n’a le même portrait financier ni la même tolérance au risque. »


Sophie Sylvain

Sophie Sylvain : « Arrêter d’investir en attendant que les taux augmentent. Car à rester sur les lignes de côté trop longtemps, on perd des sous. »


Alexandre Legault

Alexandre Legault : « Acheter une rente viagère. Certes, à la retraite, le plus grand risque est de vivre plus vieux que ses épargnes. Mais si on achète une rente au moment où les taux sont bas, son taux d’actualisation va être bas lui aussi, et elle risque de perdre de la valeur lorsque l’inflation va se mettre à grimper. »


« Tout passe par l’éducation, estime Martin Jalbert, planificateur financier au groupe Mirador. Et par la confiance qu’ils nous accordent. Il faut les rassurer, leur montrer que l’on comprend leur situation, leur aversion plus ou moins grande au risque, leurs besoins à court terme. Leur prouver aussi qu’on connaît notre métier et qu’on peut leur proposer des produits qui, sans présenter des taux complètement garantis, ont une faible volatilité et ne leur font donc pas prendre de risques inutiles. »

Alexandre Legault rappelle quant à lui que les dividendes à la Bourse de Toronto tournent aujourd’hui autour de 2,5 %, ce qui est très proche des revenus garantis sur le marché obligataire à long terme. Et aux clients complètement réfractaires à toute forme de risque, il conseille d’acheter des obligations à court terme, de façon à ne pas se retrouver coincés avec elles lorsque les taux finiront par augmenter.

MAXIMISER LES ACTIFS HORS REER

Aussi, pour contourner les bas taux d’intérêt, les conseillers optent de plus en plus souvent pour des stratégies globales dépassant les seuls actifs détenus dans les REER.

« La fiscalité est souvent la clé, note M. Jalbert. Réfléchir à la meilleure façon de placer l’argent d’un immeuble à revenus, de la vente d’une maison ou d’un héritage, afin d’en améliorer l’efficience fiscale, peut augmenter le rendement moyen de l’ensemble des avoirs. En période de bas taux, il faut maximiser tous les actifs hors REER. »

Même piste du côté de Sophie Sylvain, qui conseille à tous une révision annuelle du plan de retraite afin d’anticiper les besoins et les fluctuations du marché.

« Le fractionnement des revenus peut être une bonne solution pour deux conjoints de 65 ans et plus ayant des situations financières très disparates, expose-t-elle. Ne pas oublier d’optimiser tous les crédits d’impôts pour les frais médicaux, les personnes handicapées, les aidants naturels, etc. Bref, la fiscalité peut vraiment faire toute la différence. Encore faut-il en avoir conscience. »


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


[1] Source : Statistique Canada

Hélène Roulot-Ganzmann