Assurance : 80 % des Québécois ne lisent pas leur contrat

Par La rédaction | 23 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un consommateur sur deux ignore les exclusions à ses contrats d’assurance et à peine 20 % lisent intégralement leurs polices, selon un sondage publié hier par la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) et la Chambre de la sécurité financière (CSF).

Rappelant que le PL 141 « soulève d’importantes inquiétudes pour la protection des consommateurs de produits d’assurance », les deux organismes relèvent que « les Québécois peinent à se retrouver parmi les spécificités de leurs contrats et oublient trop souvent de modifier leurs couvertures pour refléter l’évolution de leur situation personnelle », ce qui confirme le fait qu’ils ont « besoin d’accompagnement pour faire des choix éclairés ».

Concrètement, le sondage révèle que près d’un Québécois sur deux (47 %) n’a aucune idée de l’ensemble des exclusions qui sont mentionnées dans ses contrats d’assurance, sans compter le fait qu’une forte proportion d’entre eux est incapable d’identifier ce que recouvre ce terme technique. Et du côté de l’assurance vie, l’enquête d’opinion constate que 80 % des répondants ne lisent pas leurs contrats ou le font seulement en partie.

« LE PL 141 FERA DISPARAÎTRE UN REMPART DE PROTECTION »

Interrogée par Conseiller, la présidente et chef de la direction de la CSF estime que ces résultats prouvent que le projet de loi 141 fait fausse route. « L’un des grands problèmes du PL 141, c’est que ses promoteurs tiennent pour acquis que les consommateurs seront capables de faire les bons choix tout seuls, sans conseils, alors que la moitié d’entre eux admettent ne pas comprendre en quoi consistent les exclusions, par exemple. De plus, en l’état, ce projet fera disparaître un rempart de protection du public en éliminant la CSF, dont le mandat est justement de s’occuper de l’encadrement des personnes chargées de dispenser les conseils et de veiller à ce que leurs clients comprennent bien toutes les clauses figurant dans les documents qu’ils signent », explique Marie Elaine Farley.

« Le principal risque avec le PL 141, c’est que s’il est adopté sans changement, il ouvrira la porte à l’achat d’assurances en ligne sans l’intervention obligatoire d’un professionnel certifié, formé et encadré ayant l’obligation de bien conseiller son client. N’importe qui pourra donc désormais donner des conseils, avec les conséquences qu’on imagine facilement au vu des résultats du sondage. D’ailleurs, les consommateurs en sont bien conscients, puisque 72 % d’entre eux affirment vouloir être conseillés par des professionnels certifiés plutôt que par un robot utilisant l’intelligence artificielle [2 %] ou un agent de télémarketing [1 %] », poursuit la dirigeante.

Abordant la question des nombreux Québécois qui disent vouloir magasiner leur assurance sur Internet, la patronne de la CSF se montre catégorique : « Il n’y a aucune raison d’être moins bien protégé sur le Web que lorsqu’on bénéficie de conseils certifiés en consultant un professionnel. Nous affirmons donc que le conseil devrait être obligatoire, et ce, quelle que soit la plate-forme utilisée par le consommateur. Donc, il faut trouver des solutions qui pourront répondre à tous les besoins, mais en s’assurant que le public soit bien protégé dans tous les cas. C’est pour cela qu’il est très important que l’intervention d’un représentant en assurance certifié soit obligatoire sur le Web aussi. Tout le monde doit bénéficier du même niveau de conseil et de sécurité. »

« IL N’Y AURA PLUS DU TOUT LA MÊME SURVEILLANCE »

Marie Elaine Farley se dit par ailleurs surprise de l’argument avancé par certains partisans du PL 141 selon lequel celui-ci permettrait de réduire les coûts en mettant fin à un double encadrement au sein de l’industrie. « Il n’y a pas de double encadrement! On a actuellement une structure bicéphale. D’un côté, il y a la Chambre, qui surveille les individus et s’occupe de leur formation et des questions de discipline, comme le ferait un ordre professionnel, et puis de l’autre, il y a l’Autorité des marchés financiers, qui surveille les cabinets. Ces deux missions sont complémentaires et personne ne peut contester que le système actuel protège adéquatement le public. Donc prétendre que le PL 141 supprimera un double encadrement est un faux argument. »

Soulignant le fait que « la Chambre est une structure démocratique, c’est-à-dire qu’elle fait participer ses membres aux décisions disciplinaires qu’elle prend », la patronne de la CSF soutient qu’« en la supprimant, on fera disparaître tout cet encadrement-là ». Et elle dit ne pas avoir d’information au sujet de la place qui lui sera dévolue au sein de l’AMF si le projet de loi est adopté tel quel. « Il y est écrit noir sur blanc que la Chambre sera abolie et liquidée. Alors pour l’instant, on n’en sait guère plus, mais ce que je peux lire, c’est que toute l’organisation sera abolie. Donc, il n’y aura plus cette structure démocratique, il n’y aura plus de décisions prises par les pairs, plus de participations aux assemblées générales des membres. Alors, il y aura certainement des formes de surveillance si nous disparaissons, mais il ne s’agira pas du tout de la même surveillance ni du même encadrement. Pour l’instant, je constate d’ailleurs que rien n’est prévu dans ce domaine. »

Enfin, Marie Elaine Farley rappelle que la CSF et la ChAD appuient la récente demande de la Coalition des associations de consommateurs du Québec, d’Option consommateurs et de l’Union des consommateurs en faveur d’un retrait du PL 141. « Il ne s’agit pas juste d’une question de timing, mais du fait qu’il n’y a pas assez de temps pour étudier un projet de cette ampleur. De plus, il faut souligner que les conseillers n’ont pas été consultés par le ministre alors qu’ils sont les premiers intéressés par ce dossier. Beaucoup de questions demeurent pour l’instant sans réponse. »

« LES PRÉMISSES DU PL 141 N’ONT JAMAIS ÉTÉ VÉRIFIÉES »

« Comme les associations de protection des consommateurs, nous pensons qu’il faut prendre le temps de bien analyser la situation pour être en mesure de faire les bons choix, insiste la dirigeante. Et avec le peu de temps qui reste avant la fin de la session parlementaire, cela n’est pas possible. Dans le dernier numéro du magazine de la CSF, nous donnons d’ailleurs la parole à plusieurs intervenants, dont Yvan Allaire, président exécutif du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques. Tous estiment qu’il ne serait pas approprié d’adopter le PL 141 en l’état. »

« Il est important de rappeler que les prémisses du projet, c’est-à-dire que les particuliers seraient capables de faire les bons choix tout seuls, n’ont jamais été vérifiées. L’une des raisons pour lesquelles la ChAD et la CSF ont fait réaliser le sondage était justement de mesurer le degré de connaissances des consommateurs dans ce domaine. Ses résultats prouvent que beaucoup d’entre eux, ceux qui ne comprennent pas certaines clauses des contrats, seront perdants si la nouvelle loi entre en vigueur, et que, dans l’ensemble, tous les Québécois sont attachés au conseil professionnel », conclut Marie Elaine Farley.

La rédaction