Assurances soins de longue durée : les définitions clarifiées

Par Nicolas Ritoux | 5 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Mme Denise Liston (photo: Nicolas Ritoux)

On quitte parfois la vie en rebroussant chemin, en régressant. D’abord on ne parvient plus à se laver, puis à s’habiller, se toiletter, contrôler sa continence, se déplacer et enfin se nourrir.

Les activités de la vie quotidienne (AVQ) se perdent souvent dans le sens inverse où on les acquiert, ont expliqué les conférenciers du deuxième congrès sur l’assurance en soin de longue durée (SLD) organisée par l’assureur la Munich à l’hôtel Windsor de Montréal, le 30 septembre dernier.

Pour réclamer une assurance SLD, il faut soit présenter des problèmes cognitifs non liés à des troubles psychologiques, comme la démence ou l’alzheimer, soit avoir un « besoin d’aide substantielle » dans au moins deux AVQ.

Mais comment détermine-t-on un besoin d’aide substantielle ? C’est ce qu’est venu expliquer Charles Tremblay, assistant vice-président aux réclamations de la Munich.

« Si les primes d’assurance en soins de longue durée soint bien moins élevées qu’en invalidité, c’est parce que les les conditions sont plus restrictives », a-t-il expliqué devant plus d’une centaine de professionnels, avant de passer en revue les définitions acceptables pour chaque AVQ.

Ramper pour être assuré Évidemment, le bain et l’habillement retiennent toute l’attention puisque ce sont ces deux AVQ qui font défaut généralement les premières. Les deux cas ont fait l’objet de jugements devant les tribunaux, ce qui permet d’établir des définitions plus claires.

Le bain, tout d’abord : une personne en besoin d’« aide substantielle » doit être dans l’incapacité de prendre son bain même avec une « aide fonctionnelle » comme des poignées de soutien.

« Si la personne peut prendre son bain mais est obligée de ramper pour s’y rendre, le tribunal a établi qu’il s’agissait d’un besoin d’aide substantielle. Substantielle, c’est le mot-clé ici », a expliqué M. Tremblay.

Pour l’habillement, c’est plus subtil. Dans un cas vécu, une dame n’arrivait plus à se boutonner, mais était capable d’utiliser une fermeture-éclair ou des vêtements sans fermeture. Cependant, parce qu’elle s’était habillée avec des boutons toute sa vie, la Cour a reconnu son besoin d’aide substantielle.

M. Tremblay a évoqué un autre cas problématique, concernant cette fois-ci la continence, quatrième des six AVQ. Mais son équipe n’a pas cherché à explorer le sujet : « on est allé en faveur du client parce qu’on ne se voyait pas aller en Cour pour parler de ça. »

Les définitions des AVQ en besoin d’aide substantielle se préciseront dans l’avenir à la lumière de la jurisprudence, encore maigre en raison de la jeunesse de ce type d’assurances.

« Les tribunaux ont commencé un ersatz d’interprétation au Canada. Trois causes tout au plus ont été jugées à ce jour », a précisé M. Tremblay, qui est diplômé en droit et en littérature française.

Un produit jeune… pour les plus vieux En tête des réclamations de SLD, on trouve les problèmes musculo-squelettiques (en conséquence d’accidents, le plus souvent) avec 36 % des cas, suivis par le cancer (22 %) et les troubles neurologiques (19 %), selon un diagramme présenté par M. Tremblay.

« Mais les troubles neurologiques comme l’alzheimer et la démence vont sûrement prendre beaucoup de place. Le cancer devrait conserver la même position », a-t-il indiqué, histoire d’anticiper l’avenir.

Chiffres plus joyeux : 49 % des réclamations s’achèvent en raison d’un rétablissement, avec une durée moyenne de 135 jours à domicile et 418 en établissement.

Pour le moment, l’âge moyen de réclamation au Canada est de 78,7 ans, contre 61,6 ans pour l’assurance invalidité, ce qui démontre la jeunesse du produit au pays, selon M. Tremblay.

Une expertise utile aux conseillers « Je lève mon chapeau aux conseillers qui ont pris le temps de se bâtir une expertise en assurance SLD », se réjouit Nathalie Tremblay, chef de produit santé chez Desjardins Sécurité Financière, rencontrée parmi les participants à la conférence.

« Ce congrès a aidé les conseillers à bien comprendre comment appliquer les définitions, et c’est rassurant de voir que c’est surtout une question de gros bon sens. Si j’étais conseillère, ça me réconforterait dans mon rôle parce que je saurais exactement à quel moment ce produit paye; les choses sont claires », juge Mme Tremblay.

Pour vendre la SLD, le silence est d’or Plus tôt dans la journée, Denise Liston de LifePlans a expliqué comment évaluer l’admissibilité à une assurance SLD lorsqu’on la vend à un client apparemment en bonne santé.

Outre les lignes directrices concernant le poids et la taille, il est difficile pour le vendeur de déceler des conditions de santé ou des problèmes cognitifs déjà existants.

« Vos meilleurs outils sont vos yeux, votre nez et vos oreilles », a lâché Mme Liston, avant de donner une foule de trucs et astuces pour évaluer discrètement la santé actuelle d’un client.

M. Charles Tremblay (photo: Nicolas Ritoux)

M. Charles Tremblay (photo: Nicolas Ritoux)

Exemple : « S’ils utilisent une aide fonctionnelle comme une femme de ménage, demandez-leur ce qu’ils feraient s’il n’y avaient plus accès pendant six mois. Pas deux semaines, mais bien six mois ! Certains vous répondront qu’ils ne se voient pas faire le ménage, et vous apprendrez qu’ils ont des problèmes de dos. »

« Posez simplement des questions ouvertes et écoutez les réponses. Le silence est d’or : les gens parlent davantage quand on se tait », a rappelé Mme Liston aux congressistes.

Un avenir prometteur Des occasions de vendre l’assurance SLD, les conseillers n’en manquent pas, selon Greg Pearson, de la firme albertaine Living Benefits Solutions.

Lors de sa conférence très vivante, M. Pearson a rappelé que seulement 500 conseillers indépendants vendaient ce produit au pays, pour une clientèle de 63 000 personnes représentant 80 M$.

« 250 000 Canadiens fêtent chaque année leurs 65 ans. Pour la première fois, on va avoir 4 millions d’aînés. En 2031, un quart des Québécois auront plus de 65 ans et leur espérance d’âge sera de 82 ans pour les hommes et 86 pour les femmes », a indiqué M. Pearson.

« La différence se réduit entre hommes et femmes non pas en raison d’un mode de vie plus sain chez les hommes, mais parce que les femmes très actives de cette génération auront accumulé le même stress que les hommes dans leur vie ! »

Pince-sans-rire, Greg Pearson a rappelé l’importance d’une assurance SLD dans un monde où les enfants ne prennent plus soin de leurs parents comme autrefois. « Mon propre fils préférerait refuser mon héritage que d’aller changer mes couches quand j’aurai 86 ans ! Notre génération, qui sont vos clients, aura besoin d’une assistance supplémentaire, surtout si nous voulons recevoir des soins à domicile, et ça ne viendra sûrement pas du gouvernement. »

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.