Bourse : l’« effet Trump » en train de s’évaporer

Par La rédaction | 2 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les relations entre Donald Trump et une partie du milieu des affaires ont viré à l’aigre en début de la semaine à la suite du décret du nouveau président sur l’immigration, rapportent plusieurs agences de presse.

Ce texte, qui interdit provisoirement aux réfugiés et ressortissants de sept pays musulmans d’Afrique et du Moyen-Orient (Libye, Somalie, Soudan, Irak, Iran, Syrie et Yémen) de se rendre aux États-Unis, a créé un climat d’incertitude, en particulier sur les marchés des actions, indique Reuters, qui précise que les trois indices de référence ont vécu lundi leur pire séance depuis le début de l’année.

Mardi et mercredi, la tendance ne s’était pas améliorée, puisque les principaux indices nord-américains ont de nouveau reculé « en raison de la nervosité entourant l’influence du président américain sur les marchés », selon l’Agence France-Presse.

LES RISQUES D’UNE POLITIQUE PROTECTIONNISTE

Colum McKinley, vice-président à CIBC Gestion de placements, estime « probable » que les marchés demeurent volatils le temps que Donald Trump clarifie les politiques de son administration, rapportait mardi La Presse canadienne. En dépit de cette volatilité, l’analyste souligne que plusieurs signes démontrent que les économies du Canada et des États-Unis sont actuellement sur la bonne voie.

Après avoir bondi dans la foulée de l’élection, puis de l’investiture du multimilliardaire républicain, Wall Street est restée en retrait depuis le début de la semaine « face à la combinaison de craintes sur les mesures de Trump, de résultats décevants d’entreprises et de données macroéconomiques peu brillantes », détaille dans une note de conjoncture l’économiste en chef de First Standard Financial. « Ce sont trois choses qui mettent le marché sous pression. […] Les investisseurs sont sur la défensive », y affirme notamment Peter Cardillo.

« On dirait que les investisseurs vont devoir accepter que le pire vienne avec le meilleur : tout ne va pas se résumer à un plan de relance budgétaire », prévoit pour sa part Jack Ablin, de BMO Private Bank.

Tout cela n’a pas coupé l’appétit de Warren Buffett, qui a annoncé que sa société de portefeuille, Berkshire Hathaway, a acquis pour plusieurs milliards de dollars d’actions depuis l’élection de Donald Trump le 8 novembre dernier, rapporte Reuters. Ce montant est de beaucoup supérieur au rythme habituel des investissements de la société. « Nous avons, en net, acheté 12 milliards de dollars d’actions depuis l’élection. Les gars qui travaillent avec moi, les deux copains [Todd Combs et Ted Weschler], en ont probablement acheté un peu plus, et vendu un peu aussi », a précisé l’oracle d’Omaha dans un entretien télévisé diffusé vendredi.

« Les observateurs ont largement attribué la flambée de Wall Street aux intentions économiques de Donald Trump, dont des baisses d’impôts et de vastes dépenses budgétaires. Mais sur le plan extérieur, les velléités anti-immigration et protectionnistes du chef d’État cadrent a priori bien moins avec les souhaits des investisseurs », résume l’AFP.

DES COMPAGNIES PRÉPARENT UNE ACTION JUDICIAIRE

Le décret sur l’immigration signé vendredi par le magnat de l’immobilier a suscité une vague d’indignation dans le monde, occasionnant notamment de nombreuses perturbations dans les aéroports, rapporte Reuters. Il a aussi conduit plusieurs dirigeants de grandes compagnies américaines, comme Google, Microsoft, Facebook, Apple, Amazon et Netflix, à prendre officiellement position contre les effets d’une telle mesure. D’autres sociétés importantes du monde de la finance, telles Bank of America et Wells Fargo, ont elles aussi fait part de leurs inquiétudes, tandis que Axa et Aviva ont annoncé leur intention d’étendre la couverture d’assurance des personnes touchées par le décret.

Une coalition d’entreprises du domaine des technologies se prépare d’ailleurs à entamer une action judiciaire commune pour contester la décision de Donald Trump, indique l’AFP. Au total, une vingtaine d’entre elles, dont Alphabet, la maison mère de Google, Netflix, Airbnb et Twitter, ont ainsi décidé de discuter des options dont elles disposent pour contester le décret présidentiel, qui risque d’avoir des conséquences importantes pour ce secteur employant de nombreux travailleurs immigrés et étrangers.

Les mesures résultant du décret « créent une incertitude considérable autour du système d’immigration de notre nation et auront un impact négatif sur les travailleurs du secteur technologique qui vivent et travaillent dans notre nation », a notamment mis en garde Linda Moore, présidente de l’organisation TechNet. Plusieurs procédures judiciaires ont été lancées au cours des derniers jours contre le décret, tandis que des juges fédéraux en ont bloqué certains éléments, relève l’AFP.

LE CANADA RISQUE D’ÊTRE TOUCHÉ

La décision de Donald Trump a également provoqué de nombreuses réactions au pays et plusieurs représentants du milieu des affaires affirment que le fait de restreindre l’immigration risque de nuire à l’économie, rapporte TVA. La chaîne d’information cite par exemple le cas de Bombardier, qui emploie des personnes provenant d’une centaine de pays et ne pourrait pas se passer des immigrants, car elle a besoin de main-d’œuvre spécialisée.

« Les immigrants arrivent de l’extérieur, ils ont connu d’autres milieux, donc ça facilite les choses. Ils ont des capacités et des connaissances d’exportation, par exemple, qui nous aident », soutient le PDG du Conseil du patronat, Yves-Thomas Dorval.

En revanche, le président de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Stéphane Forget, semble plutôt voir des avantages à la situation actuelle. « Si un pays aussi important que les États-Unis ferme ses frontières, c’est certain que ça peut vouloir dire plus de travailleurs disponibles pour les entreprises canadiennes », explique-t-il.

Jouer en Bourse avec les tweets de Donald Trump

Les gazouillis que le nouveau président distille sur Twitter peuvent avoir un impact important sur le cours des actions, que ce soit à la hausse ou à la baisse, comme l’ont récemment expérimenté les actionnaires de Boeing, Lockheed Martin, Toyota, General Motors ou Ford.

La valeur des actions des sociétés cotées en Bourse a « tendance à fluctuer rapidement dès que Trump y va de quelque 140 caractères à leur sujet ». Il n’en fallait pas plus pour que « des programmeurs rusés flairent la bonne affaire » et créent un robot baptisé Trump and Dump, rapportent Les Affaires.

Ce programme informatique « suit de près le compte Twitter de Donald Trump et l’information plus globale de sources comme Indico, Clearbit et Google Finance », précise le journal. Résultat : « en moins de 20 millisecondes, il peut [échanger], via la plateforme E-Trade, et vendre à découvert l’action ciblée, et ainsi tirer profit de la spontanéité de cet influenceur hors normes ».

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