Cannabis : vague d’investissements mystères

Par La rédaction | 14 février 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Au cours des trois derniers mois, un fonds canadien basé aux îles Caïmans a investi plus de 250 millions de dollars dans des entreprises de cannabis médical au pays, dont l’une a été fondée par un ancien chef des finances du Parti libéral du Canada (PLC). Qui se cache derrière les fabricants de cannabis au pays?

« Cette vague d’investissements extraterritoriaux (offshore), qui a commencé en novembre dernier, constitue un des plus gros investissements privés dans le pot légal », souligne La Presse.

Celui-ci indique que la société Aurora Cannabis, qui a récemment ouvert une vaste usine à Pointe-Claire, dans l’ouest de Montréal, a reçu en novembre 104 millions en provenance du fonds offshore MMCap International Inc. SPC dans le cadre d’une ronde de financement qui a récolté un total de 115 millions.

QUELQUE 290 M$ VIENNENT DE PARADIS FISCAUX

Fondée par l’ex-chef des finances du PLC Chuck Rifici, Cannabis Wheaton Income a pour sa part perçu 68 millions du même fonds, tandis que la compagnie québécoise Hydropothecary, dont l’un des fondateurs, Adam Miron, est lui aussi un ancien responsable national du Parti libéral, a bénéficié d’un financement de 15 millions provenant toujours de MMCap International Inc. SPC. Selon La Presse, ce fonds non traditionnel aurait par ailleurs investi un total de 90 millions dans les sociétés canadiennes Harvest One Cannabis, Weed MD, Invictus MD, AbCann, Terrascend, Emblem corporation et Maricann, toutes inscrites en Bourse.

Établi aux îles Caïmans depuis une quinzaine d’années, MMCap contrôle déjà discrètement plusieurs sociétés minières canadiennes dans lesquelles il a investi, explique La Presse, qui note qu’un de ses gestionnaires, le Canadien Matthew MacIsaac, a été arrêté en 2008 pour possession de cocaïne, une information révélée à l’époque par le Globe and Mail.

Selon les calculs de La Presse, les producteurs « légaux » aujourd’hui en activité au pays ont reçu « au minimum » 293 millions de dollars provenant des seuls paradis fiscaux établis dans les Bermudes. Cela « sans compter les sommes versées à des producteurs en attente de permis et celles provenant d’États européens et asiatiques fortement avantageux, comme Monaco, la Suisse, les Émirats arabes unis et Singapour ».

« LE CRIME ORGANISÉ PEUT REVENIR PAR EN ARRIÈRE »

Interrogé par le quotidien montréalais, André Lareau, spécialiste en fiscalité internationale à l’Université Laval, estime que les investisseurs étrangers qui placent ainsi des fonds dans le pot légal au pays peuvent espérer en retirer « un gros avantage, parce qu’en revendant les actions, il n’y aura pas d’impôt, ni canadien ni là-bas ».

De son côté, le sénateur libéral de Kennebec Serge Joyal, partisan d’un « resserrement » du projet de légalisation du gouvernement Trudeau, s’inquiète lui aussi de l’opacité des transactions réalisées à partir des îles Caïmans, l’un des pays dont le secret bancaire est le plus secret. « La légalisation vise à éliminer le crime organisé, mais on se rend compte qu’il peut facilement revenir par en arrière sous forme de sociétés-écrans pour faire du blanchiment d’argent », redoute l’élu, qui admet que « les paradis fiscaux sont la voie royale pour dissimuler l’identité des investisseurs ».

Pour limiter les risques, Serge Joyal croit qu’Ottawa devrait inclure dans sa loi légalisant le cannabis une disposition obligeant les personnes qui investissent dans cette industrie à s’identifier clairement. « Il n’y a rien qui empêcherait le Parlement de légiférer en ce sens. C’est légitime et ça m’apparaît être l’enfance de l’art », conclut-il.

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