CELI : peu utile, injuste et coûteux?

Par Alexis Gagné, porte-parole de l’Institut des générations | 5 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) est un outil d’épargne peu utile, injuste et coûteux pour les générations futures.

Le gouvernement du Québec ne devrait pas emboîter le pas du gouvernement fédéral en faisant passer le plafond de cotisation de 5 500 dollars à 10 000 dollars par année. Il devrait même complètement annuler l’abri fiscal offert par le CELI au Québec.

Peu utile

À première vue, le CELI est un immense succès. D’après les dernières statistiques de l’Agence du revenu du Canada (ARC), 9,6 millions de Canadiens cotisaient à un CELI en 2012. C’est plus qu’un adulte sur trois !

Mais le CELI est peu utile, car il ne fait potentiellement que déplacer les épargnes. La recherche indique que les incitatifs fiscaux à l’épargne, dans une grande majorité des cas, ne font que déplacer l’épargne de comptes taxés vers des comptes placés à l’abri des taxes.

Dans une étude publiée par le National Bureau of Economic Research, Raj Chetty et ses coauteurs estiment que 85 % des contribuables sont passifs dans leurs décisions d’épargne, et qu’ils sont donc peu influencés par les incitatifs fiscaux. Ce 85 % est aussi typiquement celui qui économise le moins d’argent et qui doit être le plus influencé. L’autre 15 % — les épargnants plus « actifs » — sont aussi peu influencés, car ils économiseront beaucoup d’argent avec ou sans incitatifs.

Injuste

Le CELI est injuste, car il ne bénéficie qu’aux gagnants de la loterie boursière.

Pourquoi ? Parce qu’il ne permet d’éviter les impôts que sur les gains de capitaux et sur les revenus d’intérêt. Le malchanceux qui placera l’argent de son CELI dans des investissements à rendement nul ou négatif ne bénéficiera donc en rien de l’abri fiscal que suggère cet outil d’épargne.

Par contre, le chanceux qui réussit à faire quadrupler ses avoirs — en choisissant les bonnes actions ou les bons fonds de placement à acheter, par exemple — en bénéficiera beaucoup. Ce « fortuné » a, évidemment, moins besoin d’un abri fiscal que le malchanceux, ce qui rend le CELI injuste par construction.

Ensuite, les contribuables à revenu élevé font face à des taux d’imposition beaucoup plus considérables. Ils profitent alors beaucoup plus que les autres de cet abri fiscal que représente le CELI.

Coûteux pour les générations futures

Joe Oliver, le ministre des Finances, l’a dit lui-même : le CELI coûtera de plus en plus cher au fisc fédéral. D’après le gouvernement Harper, la hausse du plafond du CELI de 5 500 dollars à 10 000 dollars ne coûtera que 85 millions cette année… mais cette somme quadruplera d’ici quelques années et pourrait atteindre plusieurs milliards d’ici quelques décennies. Voilà donc un problème que devra régler la petite-fille de Stephen Harper, a illustré le ministre des Finances.

Bref, cette hausse du plafond est l’exemple parfait d’une politique injuste envers les générations futures, car ses vrais coûts ne seront ressentis que plus tard.

Québec devrait dire non au CELI

Le gouvernement de Philippe Couillard n’est pas obligé de suivre la décision du fédéral concernant la hausse du plafond de contribution.

Les libéraux ont fréquemment dit qu’ils équilibraient le budget pour les générations futures. Il ne serait donc pas très logique de leur part d’adopter un changement qui va dans le sens contraire.

Ils ont aussi refusé d’emboîter le pas aux conservateurs en ce qui a trait au fractionnement des revenus, ce qui était une très bonne décision.

Le problème est qu’un plafond de contribution qui n’est pas le même au provincial et au fédéral deviendrait rapidement compliqué à administrer pour Revenu Québec.

Je suggère donc que le gouvernement alloue une certaine période (peut-être 12 mois?) aux Québécois pour qu’ils puissent réaliser les gains de capitaux déjà promis et qu’ensuite, les gains de capitaux réalisés dans les CELI soient imposés normalement. Les CELI n’offriraient donc plus d’avantage fiscal du côté provincial.

Cette décision — malgré qu’elle soit politiquement courageuse — serait la meilleure, étant donné que le CELI est peu utile, injuste et coûteux pour les générations futures. Et cela tout autant avec un plafond de contribution de 5 500 dollars qu’avec un plafond de 10 000 dollars.

Ce texte est d’abord paru sur le blogue Économie de lactualite.com.

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Alexis Gagné, porte-parole de l’Institut des générations