Cercle, chapelle ou clocher ?

Par Yves Bonneau | 10 novembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’an dernier, à pareille date, nous avions en couverture le président du RICIFQ, Flavio Vani, qui nous expliquait sa vision d’avenir pour le regroupement, devenu depuis l’APCSF. Puis en début d’année 2014, Mario Grégoire, qui a déjà été membre du RICIFQ, nous annonçait son intention de former une nouvelle association de conseillers avec tous les membres de la Chambre.

Il y a maintenant presque neuf ans que le RICIFQ a été lancé par un groupe de six ou sept conseillers mené par Larry Bathurst. Le travail accompli par cette petite équipe bénévole a été remarquable et mérite toujours d’être souligné. Chacun y a investi beaucoup de temps, en mettant parfois en veilleuse le développement de ses propres affaires pour le bien de la cause, pour faire avancer cette idée que les conseillers en services financiers ont besoin d’une voix au chapitre.

De Léon Lemoine à Flavio Vani – en passant par un changement de nom – la philosophie du regroupement est demeurée la même. Il s’agit toujours d’une petite équipe de bénévoles qui s’est donné comme mission de prendre le parti des conseillers indépendants, de les soutenir.

Yves Bonneau, rédacteur en chef du magazine Conseiller

D’ailleurs, l’assemblée annuelle de mai dernier a été l’occasion de réunir une très belle brochette de conférenciers qui ont entretenu l’assistance de sujets des plus pertinents pour tous les conseillers, comme la réforme du règlement 31-103 sur le MRCC 2 (le Modèle de relation client-conseiller – phase 2). Il y a eu aussi quelques moments où l’on s’est dispersé quand on a discuté de la possibilité pour les conseillers de former un ordre professionnel. Il s’agit pour plusieurs d’une bouchée un peu trop grande pour l’association. Pour l’Office des professions, il est très difficile de former un ordre avec un contingent de praticiens aussi bigarré que les conseillers en services financiers. Il y a très loin de la coupe aux lèvres, comme en témoignent les nombreuses tentatives de l’IQPF à cet effet. L’intention était noble, néanmoins.

Bon an, mal an, le RICFIQ ou l’APCSF réussit à attirer quelque 400 conseillers, le record ayant été d’environ 800.

Pourquoi ? Était-ce le vocable « indépendant », est-ce le ton revendicateur ou est-ce simplement la nature entrepreneuriale des conseillers qui veulent maintenir une certaine distance avec leurs concurrents ? C’est peut-être un peu tout cela, nous disent ceux qui ont été impliqués dans le mouvement depuis tout ce temps.

Le constat est un peu affligeant, parce qu’on aimerait croire que tous les intermédiaires en services financiers voient l’utilité de se regrouper et se donner une voix. Il y a peut-être un problème de perception auquel il faudrait s’attaquer, mais 1,25 % de tout le contingent, est-ce bien représentatif ? Si vous y croyez, qu’attendez-vous pour vous impliquer, une nouvelle offre ?

Vos désirs pourraient être exaucés.

Depuis quelques mois, le groupe de Mario Grégoire, qui a bénéficié de l’infrastructure de la Chambre pour établir ses bases, a soudainement modifié le paysage en matière d’association de conseillers. À travers le découplage et la fusion des 20 sections régionales, les 32 000 membres de la Chambre sont désormais la cible de la Corporation des professionnels en services financiers, qui désire les attirer tous dans son giron. Y arrivera-t-elle ?

Comme l’explique lui-même M. Grégoire, ce n’est pas simple. « Même si nous avons notre propre liste, nous comptons néanmoins sur la formation en salle, qui attire annuellement quelque 10 000 conseillers. Nous offrons à tous ceux qui deviennent membres, et c’est gratuit, un rabais sur leurs frais de formation continue. »

Du côté professionnel, M. Grégoire affirme avoir négligé son entreprise depuis un an. Comme tous ceux qui s’impliquent dans ce genre d’entreprise, il y a une grande part d’altruisme. Il a agi comme bénévole pour lancer l’affaire. Ensuite, à mesure que les tâches se multipliaient, il a pris les commandes du dossier à titre de consultant en contrepartie d’une compensation mensuelle. « Malgré l’ampleur du mandat, on s’est assuré que ma compensation serait des plus modestes. Et même si j’agis depuis juin dernier à titre de président du conseil d’administration et directeur général de la CDPSF, nous n’avons apporté aucune hausse de rémunération, en dépit de ce qui était prévu à l’origine dans le plan d’affaires », souligne-t-il fièrement.

Il maintient que c’est une cause qui lui tient à cœur et c’est pourquoi chaque dépense pour la Corporation est soupesée dans l’intérêt de ses membres.

Les conseillers seront-ils au rendez-vous ? Il y croit sincèrement. Le protocole d’entente signé il y a quelques semaines entre la Chambre et la Corporation permet à cette dernière de voler de ses propres ailes. Ce qui veut dire offrir de la formation continue et maintenir des activités de réseautage hors du cadre de gouvernance de la Chambre.

Vous voilà donc avec deux associations pour défendre et servir votre profession. Vous n’en demandiez peut-être pas tant. La première se maintient grâce à la fougue et la passion de son CA, et continue de faire son travail de terrain; la seconde, qui a bénéficié d’un avantage de départ considérable, doit continuer de faire ses preuves, se rendre indispensable, être à l’écoute et répondre aux attentes, au-delà des bonnes intentions.

Pour ajouter à la difficulté, et il fallait s’y attendre un peu, le courant ne passe pas entre les deux groupes. Les événements récents, qui ont débouché sur des avocasseries, gênent les conseillers, qui ont tendance déjà à se tenir loin du tapage et des controverses. Résultat : personne n’y gagne et l’homo conseillus prendra plutôt la fuite. De toute évidence, l’esprit de clocher ne donne pas l’effet rêvé ! Il nous semble que ceux qui disent avoir à cœur le bien de la profession devraient aussi pouvoir s’entendre pour le bien collectif.

Yves Bonneau, rédacteur en chef yves.bonneau@objectifconseiller.rogers.com

Yves Bonneau