Changements démographiques : de lourdes conséquences pour les marchés

Par Denis Méthot | 7 octobre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Pascal Duquette, ancien responsable des actions mondiales à la division des Investissements Canadien National, aujourd’hui retraité. Photo : Denis Méthot

La retraite à 65 ans constituera une exception, les prestations déterminées deviendront un luxe, le maintien du niveau de vie s’avérera difficile. La démographie aura de lourdes conséquences dans plusieurs secteurs et les marchés financiers ne seront pas épargnés, affirmait jeudi l’un des conférenciers au colloque Question Retraite 2014, Pascal Duquette.

Directeur général de la Fondation HEC, ce jeune retraité de 53 ans a autrefois été en charge des actions mondiales à la division des Investissements Canadien National. Il est engagé aujourd’hui dans plusieurs causes et s’intéresse aux effets démographiques sur la société et l’économie.

Le portrait de l’avenir qu’il a tracé semble a priori plutôt sombre. La démographie annonce une ère de grands bouleversements à l’échelle planétaire. Il cite en exemple la Chine. En raison de sa politique de natalité qui limitait le nombre de naissances à un enfant par famille, le pays le plus populeux du monde sera un jour celui qui vieillira le plus rapidement. Pour l’instant, c’est le Japon qui est en tête, suivi d’une province canadienne, le Québec.

Fin de la période dorée

Depuis la Deuxième guerre mondiale, la planète a vécu une série de chocs qui ont fait augmenter la croissance de façon importante. Il a énuméré le baby boom, l’augmentation de l’espérance de vie, la chute du mur de Berlin qui marquait la « victoire » du capitalisme par le libre-échange, le développement du processeur et de la communication grâce au sans-fil et Internet. Ces phénomènes conjugués ont bénéficié aux citoyens d’un très grand nombre de pays.

Mais cette ère d’enrichissement facile tire à sa fin. On assiste à une série de phénomènes inverses. Nous sommes entrés dans une période de baby bust, sauf dans certains pays émergents, de vieillissement de plusieurs populations, la participation des femmes au marché du travail est maintenant plafonnée, l’impact des pays émergents et l’impact marginal de la technologie sont en diminution.

Les effets sont observables dans plusieurs pays industrialisés. Le taux de croissance potentielle de l’économie diminue, la croissance du PNB est plus faible, les revenus des gouvernements sont en baisse alors que les dépenses continuent de croître rapidement, notamment en matière de santé et de retraite des employés de l’État. Les effets de ce déclin se traduisent par un régime de taux d’intérêt plus bas, car la croissance est moindre. La politique économique actuelle est de maintenir les taux les plus bas possible afin de relancer l’investissement, l’emploi et la demande.

« Artificiellement, on tente de contrecarrer l’effet de long terme de la tendance démographique pour gagner du temps, analyse Pascal Duquette. La période dorée où il suffisait de tendre la main pour cueillir une pomme est passée. »

Impact sur les retraités

L’impact des effets démographiques sur la retraite se fera de plus en plus sentir, car il y aura de moins en moins de gens au travail pour le nombre de retraités. Selon lui, la retraite à 65 ans va devenir une exception en raison des revenus insuffisants et des bénéfices qui disparaissent. Pour leur part, les régimes à prestations déterminées seront bientôt rares. La plupart des entreprises qui les offraient les ont abandonnés et le gouvernement québécois prévoit revoir les ententes passées.

Maintenir son niveau de vie deviendra chose difficile. Pascal Duquette entrevoit aussi un risque fiscal accru. L’histoire a démontré qu’en cas de crise, certains gouvernements n’hésitaient pas à s’approprier la richesse de son peuple ou des peuples voisins, à taxer les richesses, à nationaliser certains secteurs et à développer de nouvelles sources de revenus.

« Si la cigale ne peut payer, il faudra peut-être exploiter la fourmi, qui était restée sage », craint-il.

Un risque pour la stabilité sociale subsiste aussi en raison de la remise en cause de l’État providence, un mouvement que l’on peut déjà commencer à observer au Québec, note-t-il.

Des effets positifs

Les changements apportés par l’évolution démographique ne seront cependant pas tous négatifs. Toutes les activités économiques qui généreront de la productivité seront gagnantes, anticipe-t-il. La vraie valeur ajoutée créée par l’éducation et les travailleurs du savoir (knowledge workers) augmentera en importance. De leur côté, les organisations sociales seront forcées d’adapter leurs stratégies par le travail à domicile, le travail partagé et le travail à temps partiel.

Au chapitre des marchés, sa boule de cristal lui dit que d’autres outils de rendement courants pourraient devenir plus alléchants. Il cite les actions privilégiées, les dividendes et les actifs privés par un accès aux liquidités. Il pense aussi que la dette de haute qualité d’entreprises multinationales pourrait devenir plus attrayante que la dette de certains États susceptibles de s’effondrer. Son expertise dans les placements lui fait dire que les titres boursiers qui génèrent de la croissance réelle à long terme demeurent une excellente affaire.

Une constante : le changement

Même si son discours peut sembler sombre par moments, Pascal Duquette ne voit pas tout en noir. Personne ne sait exactement ce qui se passera. La constante qui nous attend, c’est le changement, soutient-il, et comme l’avait dit Darwin, seul celui qui s’adapte survivra. La seule certitude qu’il a, c’est que cette période de bouleversements amènera de grands gagnants.

« Je demeure positif, conclut-il. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’opportunités, bien au contraire. Les plus belles occasions se produisent quand les choses changent. »

Conseiller au colloque Question Retraite :

Denis Méthot