Chérie, j’ai réduit notre régime de retraite

Par Pierre Saint-Laurent | 6 août 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

Que va-t-il vraiment nous arriver après le travail?

Vous vous souvenez peut-être de ce slogan de l’une des plus importantes sociétés de fonds communs de placement canadiennes : « Que faites-vous après le travail? » On voulait bien sûr dire ici : que faites-vous après avoir fini de travailler… pour de bon? Avez-vous des plans de retraite? Les atteindrez-vous? En êtes-vous sûr ? En avez-vous une quelconque idée? (Ces dernières interprétations sont évidemment les miennes.)

De plus en plus de Canadiens en ont une idée, en fait… et l’image n’est pas bonne. Les manques à pourvoir des retraites sont endémiques. Les caisses de retraite vivent des déficits actuariels réels et significatifs, vu l’important gonflement des passifs actuariels sur fond de taux sans risque qui frisent le zéro. Or, les taux pourraient rester très, très bas pendant très, très longtemps. Que faire alors? Trouver des actifs plus performants : immobilier, placements privés et, dans une certaine mesure, fonds de couverture. Pourvu que ces « nouveaux placements » continuent de livrer des rendements importants dans l’avenir!

Qu’en est-il des épargnes des particuliers? Les Canadiens sont fortement endettés; ils sont loin d’être en voie d’accumuler les actifs nécessaires au maintien d’un train de vie correspondant à 70 % de leurs revenus de vie active; la majorité des Canadiens, depuis toujours, ne cotisent pas ou peu à leurs REER ou autres programmes d’épargne encouragée; un très grand nombre compte sur les programmes sociaux, tels que la pension de la Sécurité de la vieillesse, etc. Vite, une aspirine!

Pierre Saint-Laurent

Malheureusement, le vrai problème est démographique. Un de mes maîtres à penser, le professeur François Leroux, m’a convaincu que les facteurs démographiques comptaient pour beaucoup. Il a une fois de plus raison. La démographie coulera-t-elle la Chine, qui, avec sa politique de l’enfant unique, s’est piégée en assurant un vieillissement « garanti » et rapide de sa population? On sait déjà que le Japon est une « gérontonomie ». Mais si la Chine coule, qui nous renflouera? Et nous? Nous ne sommes pas mieux que ces nations en déclin démographique séculaire. En matière de démographie, on ne revient pas en arrière. Sans être irréversibles, ces mouvements de glaciers prennent un temps phénoménal à changer de trajectoire.

Explosion des dépenses de soins de santé, carences des retraites, transitions géopolitiques, contraintes dans plusieurs autres domaines (changements climatiques, disponibilité de l’eau potable, défis énergétiques, etc.) : on fait quoi?

À lire : L’illusion de la sécurité des placements à la retraite

Pour l’instant, il semble que nous « pelletions en avant », déplaçant le problème vers un avenir somme toute très rapproché. Plusieurs croient que les rondes de QE (« quantitative easing ») – les rondes d’assouplissement monétaire aux États-Unis – mettent la table pour des problèmes futurs considérables si une autre récession devait frapper, les cartouches ayant été toutes brûlées. L’état fiscal du monde est en ce moment assez inquiétant, et si l’on y ajoute l’endettement personnel mentionné ci-haut (la manière pour les particuliers de « pelleter en avant » en maintenant un certain niveau de vie malgré un contexte défavorable), une fragilisation significative semble s’être installée.

Quand va-t-on en arriver à devoir réévaluer nos attentes en matière de niveau de vie à la retraite, pour nous, sinon pour nos enfants? Que pouvons-nous faire sinon réduire nos dépenses, travailler plus longtemps ou épargner plus, de façon forcée ou non, par l’entremise de l’État ou non? Qui plus est, on constate la pérennité des résistances sur ces questions, l’État étant considéré par certains comme l’organisme devant pourvoir d’office aux besoins, considéré par d’autres comme étant débordé par la situation.

Le 20e siècle a, de plusieurs façons, été défini par sa capacité à identifier des solutions à des problèmes sociaux, médicaux et économiques importants. Dans l’équation, on oubliait pourtant des éléments importants, comme le coût environnemental et en ressources, qui nous rattrapent maintenant. Tout comme la démographie.

Deux dernières questions : au fond, ne connaissons-nous pas déjà les problèmes? Veut-on vraiment les régler?


Pierre Saint-Laurent, CFA, CAIA, FRM, CFE, est maître d’enseignement et responsable du DESS en professions financières à HEC Montréal. On peut le joindre à Pierre.Saint-Laurent@hec.ca

À lire : User de psychologie pour encourager l’épargne

Pierre Saint-Laurent