Comment gérer les clients difficiles

28 juillet 2010 | Dernière mise à jour le 27 février 2024
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« Vous m’avez fait perdre un tas d’argent. Qu’est-ce que je regrette de faire affaire avec vous ! »

Sur le coup, Betty-Anne Howard était complètement désemparée lorsque sa cliente, furieuse de s’être fait lessiver à la Bourse, lui a lancé ses quatre vérités. Son premier réflexe a été de rétorquer qu’elle n’avait aucun contrôle sur la volatilité des marchés. Mais plutôt que d’essayer de blâmer quelqu’un d’autre, cette planificatrice financière de Kingston, en Ontario, a opté pour une autre approche.

« J’ai dit à ma cliente que j’étais sincèrement désolée ce qui lui arrivait, et qu’il fallait maintenant retrousser nos manches pour organiser la suite des choses », relate Betty-Anne Howard. Aujourd’hui, elle se félicite d’avoir gardé son sang-froid – et d’avoir tenu ses dossiers de manière impeccable.

En effet, la conseillère avait conservé précieusement tous les comptes rendus des rencontres qu’elle a eues avec cette cliente. Elle pouvait ainsi justifier chacune des décisions qu’elle a prises et démontrer qu’elles répondaient précisément aux objectifs financiers de sa cliente.

Avant de devenir planificatrice financière, Betty-Anne Howard a oeuvré pendant 17 ans dans le secteur de la santé et des services sociaux. On l’a formée à côtoyer des bénéficiaires émotifs, colériques et imprévisibles. Son expérience l’a servie sur-le-champ lorsque sa cliente l’a apostrophée.

Face à une personne agressive, il importe de faire preuve d’empathie. « Dites-leur que vous appréciez qu’elle exprime ses inquiétudes et que vous serez heureux de les dissiper », recommande-t-elle. Consciente que tous les conseillers n’ont pas une expertise en relations humaines comme la sienne, elle les invite à suivre des formations dans ce domaine.

De manière générale, les conseillers qui se sentent attaqués ne doivent pas se mettre sur la défensive, car ils réagiront avec émotivité, ce qu’il faut éviter dans de telles circonstances. Au contraire, ils doivent garder leur calme et prendre du recul afin de saisir ce qui se passe réellement. Certes, cette qualité n’est pas innée, mais elle s’acquiert, dit Betty-Anne Howard.

Elle a encouragé sa cliente mécontente à consulter d’autres conseillers, mais en lui demandant de la tenir au courant de ses démarches. Finalement, sa cliente s’est calmée, a accepté l’offre de collaboration que lui proposait Betty-Anne Howard et a choisi de continuer de faire affaire avec elle.

« Quand une situation tendue se présente, je m’arrange pour traiter mon client avec respect. En contrepartie, j’exige qu’il fasse preuve de respect à mon endroit », souligne la planificatrice financière.

SÉPARER AU DÉPART LE BON GRAIN DE L’IVRAIE

« Je n’ai pas de clients difficiles, car je peux les repérer dès le départ. Je refuse alors de faire affaire avec eux. » Marjorie Matthews ne s’estime pas chanceuse d’avoir une clientèle en or. Elle affirme que cela se gagne. C’est que, au fil du temps, elle a appris parfois à la dure comment séparer le bon grain de l’ivraie.

La première rencontre est cruciale, croit cette planificatrice financière de Belleville, en Ontario, car c’est à ce moment qu’elle jauge les types qu’elle a devant elle. « Je leur pose de nombreuses questions afin de les faire parler. » Elle porte son attention principalement sur les rêves financiers qu’ils entretiennent. Elle leur demande notamment où ils pensent en être rendus dans trois ou cinq ans. Si leurs attentes sont réalistes, c’est un bon point. Sinon, un feu rouge apparaît sur le radar de Marjorie Matthews.

« Je dois savoir rapidement si nos personnalités respectives s’accorderont, sinon ça ne marchera jamais entre nous. En ce sens, je suis directe avec mes clients. Je leur explique comment fonctionnera notre relation d’affaire. C’est moi qui établis les modalités, pas eux », indique-t-elle.

Marjorie Matthews explique que le langage corporel des clients recèle de précieuses informations. Lorsqu’ils lui parlent, la fixent-ils dans les yeux ? Si oui, c’est bon signe. Au contraire, ont-ils le regard fuyant ? Posent-ils des gestes nerveux ? Se tiennent-ils les bras croisés durant toute la rencontre ? Si c’est le cas, d’autres feux rouges clignoteront sur son radar. Pour Marjorie Matthews, ces détails du comportement peuvent être suffisants pour qu’elle refuse de les prendre comme client, et ce, au tout premier rendez-vous.

Une fois que Marjorie Matthews a accepté de faire affaire avec un client, elle s’assure de lui faire comprendre qu’il doit avoir des attentes réalistes quant à ses objectifs financiers et de communiquer efficacement avec lui. Sur une base régulière, elle lui envoie des bulletins d’information. Durent les rencontres, elle note systématiquement tout ce qui se dit et lui fait parvenir un résumé écrit du contenu de leurs discussions.

De cette façon, indique-t-elle, les clients compliqués qu’elle n’aurait pas réussi à identifier lors de la première rencontre ne tarderont pas à se manifester. Elle sera alors en mesure de réagir à temps avant que la situation ne se dégrade.

LAISSER TOMBER LES CAS PROBLÈME

Lorsque Clay Gillespie a « congédié » son premier mauvais client, un sentiment de bien-être l’a envahi. Il en a profité pour en laisser tomber quatre autres qui lui donnaient des maux de tête. « Après, ma vie au travail s’est améliorée de 50 % », estime ce conseiller et gestionnaire de portefeuille de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Chaque fois qu’il devait appeler ces cinq clients difficiles, Clay Gillespie devenait presque malade tant il devenait stressé. « Il y a une différence entre un client de mauvais poil et un autre avec qui vous n’aurez jamais d’atomes crochus. Il ne vaut pas la peine de développer une relation d’affaire avec ces derniers », dit-il. Et ce, même s’ils sont fortunés.

Clay Gillespie est prêt à laisser la chance au coureur, c’est-à-dire de prendre le temps qu’il faut pour apprivoiser un client qui semble compliqué au premier abord. Habituellement, les choses finissent par se tasser. Chaque partie apprend à travailler avec l’autre au meilleur intérêt des deux.

Mais il arrive que rien ne fonctionne. Dans ce cas, Clay Gillespie ne lambine pas. Il signifie tout de go à ces personnes qu’elles seraient mieux servies par un autre conseiller. Et il les incite à partir.

L’expérience aidant, Clay Gillespie a élaboré une méthode simple et éprouvée pour savoir à qui il a affaire. À la première rencontre, il dit à ses clients potentiels qu’il les facturera pour mettre en place un plan financier. « Leur réaction m’en dit long sur leur personnalité. Dans la majorité des cas, les clients à problème rechignent à devoir payer pour ce travail. Cette méthode fonctionne très bien. »

Clay Gillespie affirme qu’il vaut la peine de laisser tomber les clients compliqués. Certes, les conseillers qui prennent cette décision risquent de subir une perte de revenu, mais ce recul n’est souvent que temporaire. Ce qu’ils perdent à gauche, ils le récupèrent à droite. En effet, il faut consacrer beaucoup d’heures pour essayer de satisfaire les clients problématiques, sans garantie de résultat. « Pendant ce temps, vous ne pouvez pas accomplir du travail qui serait rentable par ailleurs. Cet aspect doit peser dans la balance », note-t-il.

Évidemment, il n’est jamais agréable de mettre fin à une relation d’affaire. Mais les conseillers qui désirent progresser ne doivent pas hésiter à poser des gestes courageux, sinon tout le monde en sortira perdant et aigri.