Courtiser les nouveaux arrivants

Par Bruno Geoffroy | 17 février 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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« Quand une communauté brésilienne s’est installée dans la ville de Québec, nous avons approché leurs membres par l’entremise de conseillers qui parlent la langue et qui sont issus de la même culture. De façon semblable, nous avons abordé la communauté moldave dans l’est de Montréal », explique Annie Laurin, première partenaire d’affaires ressources humaines pour RBC Banque Royale, Direction du Québec.

Si la plupart des institutions financières offrent aujourd’hui des services destinés exclusivement à cette clientèle de nouveaux arrivants (cartes de crédit, frais de service gratuits pendant un an, informations sur le système bancaire canadien, etc.), elles souhaitent aussi refléter dans leurs effectifs la diversité de la population qu’elles desservent au quotidien. Une population aux mille facettes.

Selon le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, le Québec a accueilli en 2011 près de 52 000 immigrants en provenance du monde entier (Afrique : 33,0 %, dont 17,9 % proviennent du Maghreb, Asie : 28,1 %, Amériques : 23,4 % et Europe : 15,3 %). Des néo-Québécois jeunes, dont 70 % ont moins de 35 ans, et très scolarisés, pour la majorité.

Pour s’adapter à cette réalité démographique et combler leurs besoins de main-d’œuvre, les institutions financières ne lésinent pas sur les moyens.

Déployer ses antennes

« C’est certain que l’on s’intéresse à ce bassin de main-d’œuvre reconnue et compétente. Les besoins sont là. Les postes de conseillers services aux particuliers et de planificateurs financiers sont toujours en demande. Partout. Les banques ont des besoins grandissants en main-d’œuvre pour répondre à ceux de la population liés à l’épargne. Rien qu’aujourd’hui (NDLR : en novembre 2013), nous offrons 125 postes dont quatre de conseillers en services financiers », dit Benoit Pouliot, vice-président des ressources humaines à la Banque Laurentienne.

À la Banque Nationale du Canada, même son de cloche. « Nous pourvoyons 3 500 postes par an au Québec, dont plusieurs de conseillers en placement », confie Dimitri Girier, CRHA, conseiller senior – Diversité et inclusion au service Attraction des talents et diversité de la Banque Nationale du Canada.

Pour rejoindre les immigrants, la Banque Laurentienne ne se contente pas de recruter de façon traditionnelle. « Localement, on organise des journées portes ouvertes avec la FTQ (NDLR : l’institution est syndiquée) pour leur présenter nos deux organisations et nos occasions de carrière », explique Benoit Pouliot.

Toutes les institutions jointes pour cet article développent des partenariats avec des organismes communautaires. Une manière de « travailler à l’employabilité des nouveaux arrivants et des communautés culturelles », selon l’équipe des ressources humaines du Mouvement Desjardins. « Nouer des liens étroits avec des organismes comme Cari St-Laurent est très efficace, explique M. Pouliot. Ils agissent comme une courroie de transmission en mettant en adéquation un employé potentiel et un poste à la banque. »

Dimitri Girier croit aussi que c’est ce qui fonctionne le mieux. Chaque année, il organise une vingtaine d’événements pour faire connaître les besoins de la Banque Nationale, expliquer le processus de recrutement et récolter des CV. Des recruteurs sont même présents pour préparer les immigrants aux futures entrevues d’embauche et maximiser leurs chances de décrocher un emploi.

Porté par la Conférence régionale des élus de Montréal, le projet Alliés Montréal vise aussi à favoriser l’embauche de personnes immigrantes. Partenaires du projet à différents niveaux, des employeurs comme RBC Banque Royale, la Banque Nationale, Desjardins et la Banque Laurentienne, entre autres, échangent sur leurs meilleures pratiques pour intégrer et maintenir en emploi cette main-d’œuvre. « À la blague, on dit souvent que nous sommes des alliés dans la diversité et des concurrents sur le terrain », précise Benoit Pouliot.

Bâtir son réseau

Mis en œuvre par Alliés Montréal, le programme Mentorat Montréal permet par exemple à des immigrants d’être jumelés avec du personnel issu d’entreprises du secteur. Une façon de partager son expertise, d’échanger sur la culture du travail au Québec et de repérer les nouveaux arrivants qualifiés. « L’an dernier, une dizaine de nos employés ont servi bénévolement de coachs à des nouveaux arrivants pour les aider à réseauter et à se trouver un emploi », dit Dimitri Girier.

Le réseau, c’est souvent le sésame qui ouvre des portes pour les nouveaux arrivants. Et, quand on n’en a pas, on peut le bâtir de toutes pièces. C’est ce qu’a fait à grande échelle Christophe Berthet, un Français arrivé à Montréal en 2009 avec son expérience de responsable régional d’agences de financement.

Sa première expérience chez Allstate Insurance comme agent d’assurances, développement des affaires responsable de la clientèle immigrante, lui fait réaliser qu’il n’existe aucun réseau de professionnels qui touche à l’immigration. Pour pallier ce manque, il cofonde en 2012 le Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec. « J’ai bâti ma crédibilité professionnelle et mon réseau à partir de cela bien avant que Desjardins ne m’embauche. »

Depuis mars 2011, Christophe Berthet est directeur développement des affaires, nouveaux arrivants et communautés culturelles chez Desjardins, partenaire principal du Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec depuis le départ. Cette année, la 2e édition a attiré 9 000 visiteurs. Et des institutions comme RBC Banque Royale et la Banque Nationale y étaient présentes pour recruter.

Signe des temps, le réseautage se déplace aussi vers les médias sociaux. À la RBC, Giulia Vizioli, directrice du service du recrutement pour le Québec, explique qu’elle utilise LinkedIn comme outil pour rejoindre les nouveaux arrivants. Chez Desjardins, on mise en plus sur « un programme de recommandation qui permet aux employés de promouvoir, auprès de leur entourage, les possibilités de carrière ».

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Bruno Geoffroy