CRI, FRV et REER immobilisés : quelques points de planification

6 janvier 2014 | Dernière mise à jour le 6 janvier 2014
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Les comptes de retraite immobilisés (CRI), fonds de revenu viager (FRV) et REER immobilisés sont des régimes individuels dans lesquels des sommes provenant d’un régime de retraite ont été transférées. Dans le présent texte, nous explorons trois éléments de planification relatifs à la priorité de paiement au conjoint au décès pour ces instruments de transfert (IT).

Au décès du titulaire d’un IT, le conjoint a droit aux sommes ou valeurs que cet IT contient 1. S’il s’agit d’un IT de juridiction fédérale (REER immobilisé – REERI), RE immobilisé restreint – REIR), FRV fédéral et FRV restreint – FRVR), la priorité favorise le conjoint de fait après un an de vie commune ou, à défaut d’un conjoint remplissant ce critère, en faveur du conjoint marié. À l’inverse, s’il s’agit d’un outil de juridiction québécoise (CRI et FRV provincial), le conjoint marié a priorité ou, à défaut d’un conjoint marié, le conjoint de fait après trois ans de vie commune (ou un an de vie commune + un enfant). Quand cette priorité existe, elle contrecarre totalement une désignation de bénéficiaire (lorsqu’une telle désignation est possible), ainsi que toute volonté contraire dans le testament.

Cas 1 : Transférer ses CRI au conjoint lors d’une séparation pour contrecarrer la priorité de paiement au décès

À l’occasion d’un divorce, par exemple entre Monsieur et Madame X, il pourrait arriver que monsieur transfère en partie ou en totalité la propriété de ses IT en faveur de madame. L’objectif est de se débarrasser des IT de façon à ce que, au décès de monsieur, ce dernier ne possède que des REER qu’il peut léguer à qui il veut, ce qui n’aurait pas été le cas avec des IT. Il importe de savoir que les IT acquis par madame ne seraient pas soumis à la priorité de paiement au décès en faveur de son prochain conjoint, Monsieur Y.

Il serait possible de transférer 100 % des IT à Madame X, même si une lecture de la loi laisse penser à première vue qu’une limite de 50 % s’applique. Notez que madame a son mot à dire relativement au choix des actifs qui lui seraient transférés.

Cas 2 : Le conjoint ayant acquis un IT à l’occasion d’une rupture matrimoniale et qui participe au même régime que son ex-conjoint

Le contrat de CRI (les FRV québécois et les régimes fédéraux obéissent à d’autres textes de loi mais ils ont un effet semblable à celui qui suit) doit obligatoirement contenir la mention suivante, prévue à l’article 29 du Règlement sur les régimes complémentaires de retraite (RRCR) :

29. (…)

3° que, dans le cas où le constituant qui est un ancien participant ou un participant décède avant la conversion du solde du compte en rente, ce solde est versé à son conjoint ou, à défaut, à ses ayants cause; (…)

À la lecture de cet article, on pourrait penser que l’ex-conjoint qui acquiert un CRI du titulaire d’origine à l’occasion d’un divorce et qui est un participant au même régime de retraite (c.-à-d. Monsieur X cède à Madame X un CRI qui lui vient du RREGOP alors que madame est aussi une participante au RREGOP, par exemple) aurait pour effet de maintenir la priorité de paiement sur le CRI transféré. Bien qu’il n’existe pas de jurisprudence sur ce sujet et qu’aucune réponse certaine ne puisse être fournie à cette question, nous croyons que l’objectif de cet article est de protéger le conjoint (Madame X) et non pas le conjoint du conjoint (l’hypothétique futur conjoint de Madame X). Nous pensons humblement que dans la situation décrite, la priorité de paiement au décès cesserait d’exister après le transfert de propriété à Madame X.

Cas 3 : Le conjoint de fait de trois ans pour les IT provinciaux

Lorsque Monsieur Z, titulaire d’un CRI, décède alors qu’il est divorcé de Madame Z et qu’il vit maritalement (conjoint de fait) depuis trois ans avec Madame W, cette dernière bénéficie de la priorité de paiement au conjoint au décès de Monsieur Z. La lecture de la loi nous porte à penser que le point de départ du calcul des trois ans est le moment du début de la vie maritale, que le titulaire soit encore marié à Madame Z ou non. Autrement dit, pour que le conjoint de fait (Madame W) se qualifie, la période de trois ans pourrait s’être écoulée pendant que le titulaire était encore marié à Madame Z, pourvu qu’il ne le soit plus à l’instant précédant son décès. Encore une fois, la jurisprudence est muette à ce sujet et il ne s’agit que d’une opinion.

Tous ces éléments et bien d’autres sont à prendre en considération dans une planification concernant les IT.


1 Serge LESSARD, « Votre CRI est-il prioritaire ou non prioritaire? », (2011), vol. 16, no 1 Stratège 0-42. Voir aussi Serge LESSARD, « CRI, REER immobilisés et FRV au décès », (2009), Congrès APFF 2009


Serge Lessard, avocat, Pl. Fin., FLMI, est vice-président adjoint (Investissements), Fiscalité, retraite et planification successorale régionale, Marché des particuliers à Investissements Manuvie.