Décès d’un titulaire de CELI et transfert au conjoint survivant

Par Yves Chartrand | 25 novembre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Martina Vaculikova / 123RF

Tranquillement mais sûrement (!!!), on commence à assister au décès de titulaires de CELI. Bien que les sommes en jeu ne soient pas encore colossales, des règles précises doivent être respectées afin de tirer avantage de certaines possibilités lorsque c’est le conjoint survivant qui « héritera » du CELI ou en sera le « bénéficiaire ».

Les participants à nos activités de formation sont bien au fait de ces règles que nous avons expliquées en détail dans le passé, incluant l’iniquité visant les CELI pour lesquels il n’est pas possible de nommer le conjoint comme titulaire remplaçant (en vertu du concept de rentier successeur).

Cette iniquité vise la très grande majorité des CELI au Québec et il s’agit généralement d’un problème propre à la province en vertu de notre droit civil différent de celui des autres provinces canadiennes.

Très brièvement, disons simplement que cette iniquité fait en sorte que les hausses de valeur et les rendements obtenus entre la date du décès d’un titulaire et la date du transfert des sommes dans le CELI d’un conjoint survivant ne sont pas exonérés d’impôt, contrairement à la situation visant les CELI offerts par les compagnies d’assurance (dans la mesure où le conjoint a été désigné comme bénéficiaire, soit « titulaire remplaçant »). Même les compagnies d’assurance offrant des CELI au Québec sont présentement confrontées à une difficulté à cet égard en raison d’une problématique technique. Nos discussions très récentes avec des spécialistes du milieu de l’assurance nous ont indiqué qu’ils cherchaient effectivement une solution dans certains cas spécifiques pour les CELI. Nous y reviendrons dans une future chronique, si des développements précis se profilent à ce sujet.

Yves Chartrand

Mais ce dont nous voulons traiter dans le présent article relève plutôt de la production du formulaire RC240 et des délais à respecter afin de tirer avantage des règles sur les « cotisations exclues » pour le conjoint survivant. Réglons immédiatement une chose. Les conjoints survivants qui sont « titulaires remplaçants » d’un CELI offert par une compagnie d’assurance vie ne seraient normalement pas visés par cette obligation de production du formulaire RC240. Mais tel que susmentionné, il y a présentement, semble-t-il, un problème technique au Québec dans certains cas. Le problème du formulaire à produire vise donc la grande majorité des CELI, comme ceux offerts par les banques, les caisses Desjardins, les firmes de courtage, les sociétés comme le Groupe Investors, etc. Ces CELI sont souvent appelés « CELI en fiducie ».

CONCEPT DE « COTISATION EXCLUE »

Pour les CELI visés par la production du formulaire RC240 (Désignation d’une cotisation exclue), il s’agit d’une étape importante à ne pas oublier, d’autant plus que les délais peuvent être plus serrés que dans le cas des REER légués au conjoint.

Bref, disons simplement que si un contribuable décède avec un CELI ayant une juste valeur marchande (JVM) de 30 000 $ en date du décès et que c’est son conjoint qui en hérite en vertu de son testament, le conjoint survivant pourra transférer une somme n’excédant pas la JVM du CELI en date du décès (soit 30 000 $), et ce, dans son propre CELI. En règle générale, le transfert des sommes du CELI « en fiducie » du conjoint décédé à celui du conjoint survivant doit s’effectuer au plus tard le 31 décembre de l’année civile qui suit l’année du décès. Il s’agira alors de ce qu’on appelle une « cotisation exclue », ce qui signifie que le conjoint survivant n’a pas besoin d’avoir des droits de cotisation inutilisés à un CELI pour effectuer le transfert dans son propre CELI. Toutefois, une des conditions essentielles à ce que ce soit considéré comme une cotisation exclue est que le conjoint survivant désigne la cotisation sur le formulaire prescrit RC240 dans les 30 jours suivant le versement de la cotisation à son propre CELI !… Il n’existait aucun délai de grâce (ni de choix tardif) à cet égard à la définition de « cotisation exclue » dans la Loi de l’impôt sur le revenu (au paragraphe 207.01(1) LIR), et ce, avant le dépôt de propositions législatives au fédéral le 21 décembre 2012.

Ainsi, si le formulaire RC240 n’est pas produit dans les délais prévus, le conjoint survivant peut se retrouver rapidement dans l’eau chaude, car il ne s’agit alors pas d’une « cotisation exclue », et une cotisation excédentaire à son CELI peut alors en résulter pour ledit conjoint survivant. La modification technique proposée à la définition de « cotisation exclue » annoncée le 21 décembre 2012 a eu pour effet de rajouter les mots « ou à tout moment postérieur que le ministre estime acceptable », et elle est rétroactive au 23 mars 2011.

Cela signifie donc qu’il existe désormais une discrétion ministérielle permettant d’accepter, sans pénalité, un retard de production du formulaire RC240. C’est une excellente nouvelle, mais comme il s’agit d’une décision qui est quand même liée à la discrétion des fonctionnaires, voici un bon conseil tout simple : produisez-le à temps!!!

Il semble que certaines institutions financières préparent le formulaire pour le conjoint survivant et lui font signer lors du transfert des sommes du CELI du conjoint décédé au CELI du conjoint survivant, mais cela varie d’une institution financière à l’autre. Ne prenez pas le risque, d’autant plus qu’après le décès de son conjoint, celui qui lui survit a bien d’autres soucis que la production du formulaire RC240!…

Quelques fiscalistes et planificateurs financiers nous ont déjà avisés du problème en pratique. Alors, portez attention à cette règle!


Yves Chartrand, M.Fisc., est fiscaliste au CQFF.

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