Déductibilité des honoraires de conseil : un réel avantage pour le client?

Par François Bernier | 11 janvier 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Avec le MRCC 2 et son obligation de divulgation, certains conseillers sont tentés de passer à une pratique dite « à honoraires ». Mais le jeu en vaut-il la chandelle?

Le Modèle de relation client-conseiller – phase 2 (MRCC 2) obligera la divulgation des frais de conseil et de placements pour les produits de fonds communs de placement. Ainsi, les clients sauront, à la fin de chaque année, le montant exact qu’ils auront payé en frais à leur conseiller.

Dans ce contexte, certains conseillers envisagent de changer leur mode de rémunération afin de passer à une pratique dite «à honoraires». Une telle transition permettrait à leurs clients de déduire les honoraires de conseil s’ils le souhaitent, ce qui n’est pas possible dans un modèle à tarification « intégré ».

Mais à quel moment les honoraires de conseil sont-ils déductibles? Y-a-t-il de réels avantages financiers à cette déductibilité?

L’ABC DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES HONORAIRES DE CONSEIL 

La Loi de l’impôt sur le revenu permet à un contribuable de déduire de son revenu les frais payés (autres que les commissions) à une firme ou un particulier dont l’activité principale consiste à donner des conseils sur l’achat ou la vente de valeurs mobilières appartenant au contribuable, ou pour la gestion de ses valeurs mobilières. Les montants déduits doivent être raisonnables, c’est-à-dire des sommes normalement perçues dans une relation sans lien de dépendance (particuliers qui ne sont pas unis par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption).

Au fédéral, les honoraires de conseil sont déductibles peu importe le type de revenu. Toutefois, le Québec possède ses propres règles en la matière : les honoraires de conseil ne peuvent être déduits que lorsqu’il s’agit de revenus de placement, tels le revenu d’intérêt, le revenu étranger, le revenu de dividende canadien et le gain en capital imposable. Si aucun revenu de placement n’est généré durant l’année, la déductibilité des honoraires de conseil ne sera pas possible.

Est-ce que cela signifie que le particulier perd totalement cette déductibilité si, durant l’année, il ne gagne aucun revenu de placement? Pas du tout. Les honoraires non déduits pourront être accumulés sur l’annexe N de la déclaration d’impôt du Québec. Les honoraires ainsi accumulés pourront être utilisés pour les revenus de placement gagnés au cours des trois années précédentes, ou utilisés à l’égard de tout revenu de placement qui sera généré à l’avenir (indéfiniment), incluant le gain en capital imposable lors de la revente d’une valeur mobilière. S’il reste des honoraires non déduits au décès du particulier, ils pourront être utilisés dans la déclaration finale d’impôt du particulier, peu importe le type de revenu. Les sommes versées pour d’autres types de conseil, par exemple la planification financière, ne sont pas déductibles.

Les commissions sont exclues de la définition des frais de conseil en placement. Elles ne sont donc généralement pas déductibles en vertu de l’alinéa 20 (1) (bb). Cependant, elles augmentent le prix de base rajusté du placement (PBR), réduisant ainsi le gain en capital (ou augmentant les pertes en capital) lorsque le placement est finalement vendu.

En raison de l’article 18 u), les frais facturés directement au rentier par le fiduciaire d’un régime d’épargne-retraite ne sont pas déductibles. Cela signifie qu’aucun honoraire n’est déductible s’il est payé relativement à un compte enregistré (REER, FERR, CELI, REEE, REEI).

VALEURS MOBILIÈRES OU PAS? 

L’article 20 (1) (bb) mentionne également que le conseil doit être relatif à une action ou une valeur mobilière. Qu’entend-on par là? Une action, une obligation, un fonds commun de placement, un fonds constitué en société, un fonds négocié en Bourse en sont tous et devraient normalement permettre la déductibilité des honoraires de conseil.

Mais est-ce que les fonds distincts constituent une «valeur mobilière» au sens de la loi? Il semble que non. Pour l’Agence du revenu du Canada (ARC), un contrat de fonds distincts en est un d’assurance et non une action ou une valeur mobilière. Par conséquent, l’alinéa 20 (1) (bb) ne s’applique pas aux frais de ce type de produit.

Pour être déductibles, les frais de conseil doivent être payés par le contribuable pour des conseils ou des services se rapportant à des actions ou des valeurs mobilières détenues directement par ce dernier. Ces exigences, inscrites dans l’article 20 (1) (bb), créent plusieurs scénarios possibles. Comme les frais de conseil inclus dans le ratio de frais de gestion (RFG) d’un fonds de type « intégré » sont normalement payés par le fonds et non par le particulier lui-même, les honoraires de conseil ne seront pas déductibles pour le client dans une telle situation.

Si les honoraires de conseil sont facturés directement au client dans un fonds commun de placement « à honoraires », ils seront déductibles si les autres critères sont respectés. Toutefois, les frais de gestion liés aux fonds communs de placement, même s’ils sont payés directement par le client, ne le seront pas. Pourquoi? Encore une fois, l’article 20 (1) (bb) précise que les actions ou les titres doivent être détenus directement par le particulier – et non par le fonds lui-même – pour que la déductibilité soit possible. L’ARC a d’ailleurs soutenu cette position dans plusieurs interprétations techniques.

Ces règles semblent donner un avantage important au modèle de tarification à honoraires mais cet avantage n’est pas aussi considérable qu’il n’y paraît à première vue.

QUEL AVANTAGE?

Y a-t-il un réel avantage à ce que le client puisse déduire les frais de service du conseiller directement (par rapport à un modèle de tarification intégré)? Le fait de détenir directement des titres, plutôt que d’investir dans un fonds commun de placement de type « intégré », confère-t-il un avantage fiscal au particulier en lui permettant de déduire un montant plus élevé?

Pour répondre à ces questions, examinons trois scénarios (voir tableau) :

  • La première colonne illustre la situation d’un client qui détient un fonds commun de placement de type traditionnel, dans lequel les frais de gestion et honoraires de conseil ont été entièrement « intégrés » (les honoraires de conseil sont versés par le fonds au conseiller). Le RFG du fonds est de 2,0 % et les frais ne sont pas déductibles par le particulier dans sa déclaration d’impôt.
  • La deuxième colonne donne l’exemple d’un client qui détient une version « à honoraires » du même fonds, ce qui signifie que la rémunération de conseil est payée directement par le particulier. Le RFG de ce fonds est plus faible (1,0 %), reflétant le fait que le client est facturé directement pour des honoraires de conseil de 1,0 %, ce qui lui permet de déduire les frais de conseil sur sa déclaration d’impôt.
  • La troisième colonne expose finalement la situation hypothétique d’un client qui possède directement les titres et investit avec un courtier de plein exercice, ce dernier lui facturant des frais de conseils de 2,0 %. Comme le particulier possède les titres personnellement, il sera en mesure de déduire la totalité des frais de 2,0 %. Les courtiers plein exercice ne facturent habituellement pas de frais de l’ordre de 2,0 %, mais pour les fins de cet exercice, nous avons employé des frais totaux de 2,0 % dans chacun des trois scénarios afin de démontrer l’effet fiscal net de la déduction des honoraires de conseil.

Par souci de comparaison et de simplification, nous avons supposé dans ces trois scénarios que le client détenait un portefeuille équilibré qui produit un revenu d’intérêt durant une année, pour être vendu après une période de détention d’un an, générant ainsi des gains de capital à la disposition :

Que le client investisse dans un fonds commun de placement de type « intégré », où les frais de conseil sont déduits du revenu généré au sein de la structure du fonds, ou qu’il opte plutôt pour un fonds commun de placement de type « à honoraires », dans lequel les frais de conseil lui sont prélevés directement, le résultat net après impôt est le même.

Même lorsque les titres sont détenus directement – et qu’il devient alors possible d’obtenir une déduction complète des honoraires de conseil – le résultat après impôt est identique. Dans ce cas, la détention directe des titres ne confère pas un avantage après impôt pour le particulier.

La conclusion serait la même si le portefeuille n’était pas vendu au bout d’un an ou si le client ne désirait pas disposer des titres de croissance détenus dans le portefeuille.

Ainsi, alors que la déductibilité des honoraires de conseil peut sembler, au premier abord, procurer au client une plus-value, en réalité, elle ne lui confère pas toujours un avantage fiscal important.

François Bernier

François Bernier est notaire. Il occupe le poste de directeur, techniques de planification avancées à la Financière Sun Life.