Des investisseurs hyper convaincus + Des sociétés-écrans en cascade

Par Didier Bert | 10 juin 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Fait no 9 : des investisseurs hyper convaincus

« Les gens deviennent emballés, observe Pierre Rochon. Quand tu as mis de l’argent, tu continues. »

« Aujourd’hui, j’ai pour facilement au-dessus d’un million en actions, confie un investisseur. J’en ai racheté après, à plusieurs occasions. Tout a été mis en branle pour vendre la compagnie. » Mais la vente n’a toujours pas eu lieu. Pourtant, plusieurs investisseurs ont cru faire l’affaire du siècle en entendant Jacques-André Thibault leur affirmer que les actions seraient vendues 10 $ chacune dans les six prochains mois, indiquent-ils aujourd’hui.

« L’invention est de très grande valeur, certifie un autre. Si on trouve un investisseur solide, capable de forcer la compagnie à se mettre sur un mode de travail transparent, et détaché de l’inventeur, ça pourrait marcher. C’est de quelques millions dont on a besoin. »

« J’y crois encore dans cette compagnie, affirme un autre. Il y a eu beaucoup de malchance. Il y avait des promesses d’achat de la part de compagnies. On pense que c’est la plainte à l’AMF qui a nui au développement de PhasOptx. »

« J’ai mis de l’argent, j’en ai remis, martèle Georges Vacher. Je ne suis pas employé, pas membre du CA. Je crois en ce que je fais, c’est tout. Je sais que ça va marcher. »

Analyse de l’expert en criminalité financière :

« L’argument de mettre la faute sur le régulateur, l’AMF, est un classique chez les contrevenants aux valeurs mobilières. L’explication est dans la conduite des affaires de cette compagnie et sa transparence avec le public. En fait, tout le système de gouvernance me semble inopérant ici, analyse Messaoud Abda.

Le cas de PhasOptx rappelle celui de la firme Enviromondial. Cette entreprise avait recueilli 3,3 millions de dollars auprès de 1000 investisseurs dans les années 2000. L’entreprise se présentait alors comme possédant un brevet sur une technologie de gazéification des déchets organiques.

En 2009 et en 2010, Stevens Demers, le fondateur de la Société Enviromondial, a été condamné à deux peines d’emprisonnement de 30 mois et 36 mois, ainsi qu’à une amende totale de 1 297 000$, pour avoir procédé à des placements illégaux entre 2003 et 2005.

Les investisseurs d’Enviromondial, bien que floués, avaient lancé une pétition pour que l’AMF débourse leurs frais d’avocats.


Fait no 10 : des sociétés-écrans en cascade

L’entreprise PhasOptx, constituée le 22 novembre 2000, œuvre dans le secteur de la fabrication de composantes optoélectroniques. Malgré les millions investis par les particuliers, les principaux propriétaires de l’entreprise demeurent… des sociétés détenues par Éric Weynant.

Selon le Registre des entreprises du Québec, le premier actionnaire de PhasOptx est la firme Les Berger et Gardien des Savoirs… elle-même détenue par une société à numéro détenue en premier lieu par… Les Berger et Gardien des Savoirs, ainsi que par une autre société à numéro détenue par la Fiducie Weynant.

Quant au deuxième actionnaire de PhasOptx, il s’agit de la Fiducie Claudette Hallée, appartenant à Jacques-André Thibault, le représentant en assurance reconnu coupable en octobre 2013 par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière d’avoir agi comme intermédiaire pour vendre des actions de PhasOptx, sans en avoir le permis.

Analyse de l’expert en criminalité financière :

« Les sociétés-écrans avec des détentions croisées entre elles, ou en poupées russes l’une dans l’autre, sans dévoiler la dernière société opérante, représentent un stratagème défensif et une technique de dissimulation. Ce genre de structure assure l’anonymat au propriétaire et le protège contre sa responsabilité envers les actionnaires, et envers les créanciers, puisque lui-même devient actionnaire de sa propre compagnie par le truchement des sociétés-écrans mises en place.

L’accès au brevet qui est l’enjeu principal ici est quasi impossible, du moment qu’on ne sait pas dans quelle société-écran et, possiblement, dans quels paradis fiscal se trouve le brevet », note M. Abda.

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Investir dans un mirage en dix étapes concrètes! Un concept non commercialisable (mais qui fait rêver) + Des brevets introuvables Une mise en production toujours reportée + Une entreprise injoignable Aucun accès aux comptes + Un réseau trié sur le volet L’utilisation d’un stratagème pyramidal + Des activités illégales de courtage Des investisseurs hyper convaincus + Des sociétés-écrans en cascade Un passé qui interpelle Le déroulement d’une vente d’actions de PhasOptx

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.