Des moyens, pas des résultats!

4 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

J’aimerais partager avec vous, par l’entremise de ce billet, une décision intéressante qui a été rendue dernièrement concernant une faute reprochée à des conseillers en sécurité financière du cabinet BMO Nesbitt Burns services financiers inc., le tout en lien avec une police d’assurance vie universelle.

Survol des faits

Lorenzo Morello (« Lorenzo »), un homme d’affaires aguerri, a recours aux services de BMO Nesbitt Burns services financiers inc. (« BMO ») pour le conseiller à l’égard de ses investissements. Dans ce contexte, en 1998, Lorenzo et son épouse, Micheline Cardinal Morello (« Micheline »), souscrivent une police d’assurance vie universelle qui assure les vies de Lorenzo et de Micheline et qui offre la possibilité d’accumuler des fonds à l’abri de l’impôt. La bénéficiaire de la police est la fille unique du couple. La somme devient payable au décès du dernier survivant.

En 2000 et 2001, face à la dégringolade boursière, la performance des placements de cette police n’est pas très reluisante.

À la suite du décès de Lorenzo en 2003, Micheline continue de faire affaire avec BMO. Elle demande certains changements à la police, car elle est moins intéressée à accumuler des fonds à l’abri de l’impôt et désire posséder un capital assuré uniforme afin de garantir qu’un certain montant sera payé à sa fille à son décès.

La faute reprochée

En 2008, Micheline poursuit BMO. Elle réclame des dommages qu’elle prétend avoir subis en raison de la faute de ses conseillers qui ont, selon elle, erronément recommandé à Lorenzo de souscrire à une assurance vie universelle alors que ce type d’investissement ne répondait pas aux objectifs de son défunt époux. Selon Micheline, Lorenzo voulait créer un patrimoine successoral pour sa fille. De plus, elle reproche aux conseillers d’avoir mal choisi et mal réparti les placements.

Micheline accuse également BMO d’avoir fait défaut de surveiller ses conseillers adéquatement.

Dommages réclamés

Micheline réclame de BMO la somme de 951 336,27 $, qui correspond à la différence, en dollars actualisés, entre le capital assuré de 2,7 millions (que Micheline aurait pu léguer à sa fille), et celui en vigueur à la police lors des procédures, qui s’élève à 1 509 952 $.

L’assurance vie universelle

Le Tribunal passe en revue dans son jugement les principaux objectifs d’une police d’assurance vie universelle, dont celle, notamment, d’accumuler des fonds sous forme d’abri fiscal.

Tout en reconnaissant que le produit en question en est un reconnu par l’industrie, le Tribunal note que l’assurance vie universelle présente différentes options, amenant ainsi un niveau de complexité supérieur pour le Tribunal, surtout lorsque le titulaire de la police est décédé.

Responsabilité de BMO et de ses conseillers

Le Tribunal souligne que le conseiller a le devoir, vis-à-vis de son client :

  • D’identifier ses besoins;
  • De lui fournir les explications nécessaires quant au produit offert;
  • De lui indiquer les garanties et les exclusions du produit.

De plus, le conseiller doit garder ses connaissances à jour et agir dans les limites de ses compétences en faisant preuve d’intégrité et de loyauté.

L’étendue du mandat conféré au conseiller dépendra de plusieurs facteurs (notamment les objectifs et les besoins du client, ainsi que son niveau de connaissance et de tolérance au risque).

Un cabinet est responsable du préjudice causé par ses conseillers dans l’exécution de leur mandat. Dans tous les cas, le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la faute.

Relativement à la preuve présentée pour tenter d’établir la faute des conseillers, le Tribunal considère qu’ils n’ont pas manqué à leur devoir vis-à-vis de leurs clients, car :

  • L’obligation du conseiller en sécurité financière en est une de moyens et non de résultats, le point de référence étant « un conseiller raisonnablement prudent et diligent exerçant des fonctions semblables et placé dans une situation analogue »;
  • Bien qu’il n’y ait pas eu production d’un document intitulé « analyse de besoins », la preuve démontre qu’il y a eu plusieurs rencontres avec les clients avant la signature de la proposition et il y a une preuve documentaire importante qui a été produite démontrant que la police émise répondait aux objectifs du client;
  • Lorenzo avait des connaissances en matière de produits financiers, car il était un homme d’affaires aguerri, entouré de conseillers compétents;
  • Quant aux modifications dans la répartition de ses actifs, la preuve a démontré que les conseillers ont déconseillé à Lorenzo d’effectuer ces transactions. Le Tribunal, en s’inspirant de la cause Ringuette c. Financière Banque Nationale inc., rappelle que « l’étendue de l’obligation de renseignement et de conseil ne peut s’étendre à l’obligation de dissuader un client ayant par ailleurs toute l’information et les connaissances nécessaires pour prendre une décision éclairée »;
  • Le Tribunal conclut que lorsque les objectifs du client ont changé à la suite du décès de Lorenzo, le conseiller a déployé tous les efforts nécessaires pour y répondre;
  • Quant à la garantie des placements, la preuve a démontré que le client savait que les rendements n’étaient pas garantis et a accepté ce risque.

Le Tribunal conclut que BMO n’a commis aucune faute dans l’exercice de son devoir de surveillance en l’absence de faute de la part des conseillers.

Nous vous référons au lien de la décision, laquelle discute également des questions de dommages et de la prescription du recours.