Acquisition de Crédit Suisse par UBS : les deux titres chutent

Par La Presse Canadienne | 20 mars 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les actions de Crédit Suisse ont plongé de 60,5 % lundi après que le géant bancaire UBS ait annoncé qu’il rachèterait son rival suisse en difficulté pour près de 3,25 milliards de dollars américains (G$), dans le cadre d’une opération orchestrée par les régulateurs pour tenter d’éviter de nouvelles turbulences dans le système bancaire mondial.

Les actions d’UBS ont également baissé de près de 5 % à la bourse suisse.

Les autorités suisses ont incité UBS à racheter sa petite rivale après qu’un plan de la banque centrale permettant à Crédit Suisse d’emprunter jusqu’à 54 G$ la semaine dernière n’ait pas rassuré les investisseurs et les clients. Les actions de Crédit Suisse et d’autres banques ont plongé la semaine dernière après que la faillite de deux banques aux États-Unis ait soulevé des questions sur d’autres institutions financières mondiales potentiellement faibles.

« Seul le temps nous dira comment ce mariage forcé sera accueilli », a déclaré Neil Shearing, économiste en chef du groupe Capital Economics.

La plupart des problèmes du Crédit Suisse sont uniques et ne ressemblent pas aux faiblesses qui ont entraîné la faillite de la banque Silicon Valley et de la banque Signature aux États-Unis. Le Crédit Suisse a été confronté à toute une série de problèmes ces dernières années, notamment de mauvais paris sur les fonds spéculatifs, des remaniements répétés de sa direction générale et un scandale d’espionnage impliquant UBS.

Les analystes et les dirigeants financiers affirment que les garanties sont plus solides depuis la crise financière mondiale de 2008 et que les banques du monde entier disposent de beaucoup de liquidités et du soutien des banques centrales. Toutefois, les inquiétudes concernant les risques liés à l’opération, les pertes subies par certains investisseurs et la chute de la valeur boursière de Crédit Suisse pourraient raviver les craintes quant à la santé des banques.

L’endiguement des crises s’apparente un peu à un jeu de « whack-a-mole », de nouveaux incendies se déclarant au fur et à mesure que les précédents sont éteints, a déclaré Neil Shearing. « L’une des questions clés de la semaine prochaine sera de savoir si des problèmes apparaissent dans d’autres institutions ou d’autres parties du système financier », a-t-il dit.

Le Crédit Suisse fait partie des 30 institutions financières connues sous le nom de « banques d’importance systémique mondiale », et les autorités s’inquiétaient des retombées d’une éventuelle faillite.

« Un effondrement incontrôlé du Crédit Suisse aurait des conséquences incalculables pour le pays et le système financier international », a prévenu le président de la Confédération Alain Berset en annonçant l’accord dimanche soir.

UBS est plus importante, mais le Crédit Suisse exerce une influence considérable, avec 1,4 trillion $ US d’actifs sous gestion. Il possède d’importants bureaux de négociation dans le monde entier, s’adresse aux riches par l’intermédiaire de ses activités de gestion de patrimoine et est un important conseiller en matière de fusions et acquisitions. Contrairement à UBS, le Crédit Suisse a surmonté la crise financière de 2008 sans aide.

Le pouvoir exécutif suisse a adopté une ordonnance d’urgence autorisant le regroupement sans l’approbation des actionnaires.

Dans le cadre de la transaction, environ 17,3$ d’obligations à haut risque du Crédit Suisse seront effacées. Cette opération a suscité des inquiétudes sur le marché de ces obligations et des autres banques qui les détiennent.

La combinaison des deux banques suisses les plus importantes et les plus connues, dont l’histoire remonte au milieu du XIXe siècle, porte atteinte à la réputation de la Suisse en tant que centre financier mondial et la met sur le point d’avoir un seul champion bancaire national.

L’accord fait suite à l’effondrement de deux grandes banques américaines la semaine dernière, qui a suscité une réaction massive et frénétique de la part du gouvernement américain afin d’éviter toute nouvelle panique.

Afin de consolider le système financier mondial, les banques centrales du monde entier ont annoncé des mesures coordonnées pour stabiliser les banques, notamment l’accès à une facilité de prêt permettant aux banques d’emprunter des dollars américains en cas de besoin, une pratique largement utilisée lors de la crise de 2008.

Axel Lehmann, président du Crédit Suisse, a qualifié la vente à UBS de « tournant décisif ».

« C’est un jour historique, triste et très difficile pour le Crédit Suisse, pour la Suisse et pour les marchés financiers mondiaux », a déclaré Axel Lehmann dimanche, ajoutant que l’accent était désormais mis sur l’avenir et sur ce qui allait se passer pour les 50 000 employés du Crédit Suisse, dont 17 000 en Suisse.

Colm Kelleher, le président d’UBS, a salué les « énormes opportunités » offertes par le rachat et a souligné la « culture du risque conservatrice » de sa banque, un coup subtil porté à la réputation du Crédit Suisse, qui est réputé pour ses paris plus audacieux à la recherche de rendements plus élevés. Il a déclaré que le groupe combiné créerait un gestionnaire de patrimoine avec plus de 5000 G$ d’actifs investis.

Les responsables d’UBS ont indiqué qu’ils prévoyaient de vendre des parties du Crédit Suisse ou de réduire la taille de la banque.

Pour soutenir l’opération, la banque centrale suisse accorde un prêt pouvant aller jusqu’à 100 milliards de francs et le gouvernement fournit un soutien supplémentaire de 100 milliards de francs en cas de besoin.

La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a salué la « rapidité d’action » des autorités suisses, déclarant qu’elles avaient « contribué à rétablir des conditions de marché ordonnées et à garantir la stabilité financière ».

Elle a réaffirmé que le secteur bancaire européen était résistant, qu’il disposait de solides réserves financières et de liquidités abondantes. La banque mère du Crédit Suisse n’est pas soumise à la supervision de l’Union européenne, mais elle possède des entités dans plusieurs pays européens qui le sont.

La semaine dernière, lorsque la BCE a relevé ses taux d’intérêt, elle a souligné que les banques se trouvaient dans une situation totalement différente de celle de 2008, lors de la crise financière, notamment en raison d’une réglementation plus stricte.

Les investisseurs et les analystes du secteur bancaire n’ont pas encore digéré l’accord, mais au moins un analyste a suggéré qu’il pourrait ternir l’image bancaire mondiale de la Suisse.

« La réputation du pays en matière de gestion financière prudente, de surveillance réglementaire saine et, franchement, de morosité et d’ennui en ce qui concerne les investissements, a été balayée », a estimé Octavio Marenzi, PDG de la société de conseil Opimas LLC, dans un courrier électronique.

La Presse Canadienne