Bombardier : les dirigeants auraient empoché gros

Par La rédaction | 7 Décembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Brian Jackson / 123RF

Les hauts dirigeants de Bombardier ont vendu des actions de la compagnie juste avant que son titre ne chute en Bourse, empochant ainsi « plus de 30 millions dollars en l’espace de quelques jours », rapporte le Journal de Montréal.

Dans son édition de vendredi, celui-ci indique que le PDG de la société, Alain Bellemare, aurait à lui seul touché le tiers de ce montant.

Le Journal a pu se livrer à ce calcul après que le patron de Bombardier eût révélé jeudi à des investisseurs réunis à New York que lui et les autres membres de la haute direction détenaient toujours « plus de 80 % » des actions et options d’achat d’actions dont ils bénéficient à titre de « rémunération incitative à long terme ».

UNE TENTATIVE POUR RASSURER LES MARCHÉS Alain Bellemare entendait ainsi rassurer Wall Street sur l’avenir de Bombardier à l’heure où l’Autorité des marchés financiers (AMF) enquête sur la création, en septembre, d’un programme spécial au sein de la compagnie. Baptisé « régime d’aliénation de titres automatique » (RATA), celui-ci est théoriquement conçu pour permettre aux membres de la haute direction d’une société d’exercer leurs options ou de vendre leurs titres de façon automatique, et ce, « sans enfreindre la réglementation sur les délits d’initiés », explique Le Devoir.

Le JdeM précise que, à la mi-août, date à laquelle le plan spécial a été instauré, la douzaine de dirigeants de Bombardier qui y participe détenait plus de 105 millions d’actions et d’options. « S’ils possèdent toujours aujourd’hui environ 80 % de ces titres, cela signifie que plus de 20 millions d’actions ont été vendues entre l’entrée en vigueur du RATA, le 17 septembre, et sa suspension par l’AMF, le 15 novembre », détaille le quotidien montréalais.

« Si l’on se fie aux états financiers (…), 18 millions d’actions issues d’options ont été vendues avant le 1er octobre. Pendant cette période, le cours boursier de l’entreprise n’est pas descendu sous les 4,40 $, alors qu’il se situe actuellement à 2,18 $. En utilisant le prix d’exercice le plus élevé des options des dirigeants, soit 2,62 $, on obtient un profit de 1,78 $ par action, pour un gain totalisant plus de 30 M$ pour les titres vendus par les 12 dirigeants », conclut le Journal.

« NOUS SOMMES CONFIANTS D’AVOIR BIEN FAIT LES CHOSES » Il y a quelques semaines, Alain Bellemare avait refusé de dévoiler au JdeM combien de titres avaient été échangés en vertu du RATA, rappelle Le Devoir. « Nous collaborons pleinement avec l’AMF. Nous sommes confiants d’avoir bien fait les choses. Et nous attendons avec impatience une conclusion rapide », a déclaré jeudi le dirigeant, qui assure par ailleurs trouver « normal » que l’Autorité ait ouvert une enquête « compte tenu des fluctuations du cours de l’action » de Bombardier.

« L’AMF confirme qu’elle examine les opérations entourant la mise en place du RATA au mois d’août dernier par Bombardier et les différentes annonces faites depuis. L’Autorité a aussi demandé [à la compagnie] de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toute vente de titres en application du RATA et d’en aviser les courtiers exécutants », avait indiqué le mois dernier le gendarme de l’industrie financière québécoise.

Bombardier est dans le collimateur du MÉDAC

Jugeant inacceptable que la famille Beaudoin-Bombardier contrôle 53,23 % des droits de vote de la compagnie alors qu’elle détient seulement 13,26 % du total des actions en circulation, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires réclame la fin de cette pratique. Dans un texte publié mercredi, le MÉDAC annonce que « pour la première fois de son histoire », il demande « formellement » l’abolition du régime d’actions à droits de vote multiple (AVM) d’une société ouverte, en l’occurrence Bombardier.

Le Mouvement précise qu’il a expédié cinq propositions d’actionnaire à Bombardier, dont l’une visant l’abolition des droits de vote multiple des actions de catégorie A, et que la compagnie devra y répondre dans sa circulaire et les soumettre au vote de ses actionnaires lors de sa prochaine assemblée annuelle.

« LES INTÉRÊTS DE LA FAMILLE ONT PRIS LE DESSUS »

« Le très peu de considération des actionnaires de contrôle pour l’intérêt des parties prenantes, le démantèlement progressif de la société au fil des ans, la divergence croissante entre les intérêts de la famille et ceux des autres ainsi que l’augmentation constante de l’importance accordée aux considérations à court terme ne sont plus à démontrer depuis longtemps », justifie le MÉDAC dans un passage de sa proposition concernant l’abolition du régime d’AVM. « Les objectifs visés par le présent régime d’actions à droits de vote multiple peuvent être atteints par le truchement d’autres instruments. Il faut désormais les mettre en place. À terme, la société doit changer de mains. Il en va de l’intérêt de tous », ajoute-t-il.

Si le MÉDAC affirme « ne pas être absolument contre l’existence des régimes comportant des AVM », il poursuit en déclarant que « les événements des dernières années constituent cependant la goutte qui fait déborder (…) un vase qui se remplit depuis déjà très longtemps ». Après le déclenchement de l’enquête de l’AMF, le directeur du Mouvement, Willie Gagnon, avait déjà déclaré qu’il lui semblait « manifeste » que « les intérêts de la famille ont désormais pris le dessus sur ceux de tous les autres » et que cette situation devait « impérativement cesser ».

La rédaction