Des investisseurs trop confiants?

Par La rédaction | 17 juillet 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Enfant habillé en homme d'affaires qui ouvre sa chemise, révélant un costume de superhéros.
Photo : RichVintage / iStock

Les investisseurs devraient faire preuve de moins de suffisance devant les avertissements répétés des banques centrales, estime ce chroniqueur. La récession est loin d’être derrière nous.

Le 15 juillet dernier, le directeur de la Banque du Canada (BdC), Tiff Macklem, soulignait que la récession actuelle n’est pas ordinaire. Le chroniqueur et fondateur de Rosenberg Reasearch & Associates, David Rosenberg, a tiqué sur un mot : « est ». La récession, du moins dans l’esprit des dirigeants de la BdC, n’est pas terminée. Elle se déroule en ce moment même et continuera de le faire pendant un bon moment.

De son côté, la Réserve fédérale américaine (Fed) publiait son « livre beige » le 15 juillet. Les banques centrales des différents districts (Chicago, Boston, New York, etc.) y rappelaient que les perpectives restaient très incertaines et le demeureraient tant et aussi longtemps que la pandémie ferait rage.

En Europe, le mot incertitude revenait à cinq reprises dans un récent communiqué du Conseil des gouverneurs, instance décisionnelle de la Banque centrale européenne (BCE). 

EMBELLIE SUR LES MARCHÉS

Pourtant, les investisseurs font la morgue et affichent un excès de confiance, écrit M. Rosenberg, dans le Financial Post. L’économie n’a pas connu de reprise en V, mais le marché, lui, oui. Le S&P 500 a d’ailleurs effacé pas mal toutes ses pertes de l’année. Les investisseurs croient-ils que l’incertitude n’a pas d’importance, puisque les banques centrales ne cessent de se précipiter au secours des marchés au moindre problème?

M. Rosenberg rappelle qu’en mars, les prix en Bourse reflétaient la crainte d’une maladie terrible, de confinements interminables et d’une récession sévère qui s’étirerait sur plusieurs trimestres. Présentement, ils indiquent plutôt la foi en la reprise, une récession plus courte que prévue, une meilleure compréhension de la maladie et un espoir dans certaines avancées vers un vaccin, qui pourraient devenir disponible à la fin 2020 ou au début de 2021. 

L’ÉCONOMIE? QUELLE ÉCONOMIE?

Mais l’élément le plus important demeure la promesse de la Fed de perpétuer ses politiques très accommodantes, même pendant la phase de reprise. Au Canada, la BdC a fait part d’intentions semblables en soutenant que les taux d’intérêt resteraient très bas jusqu’à ce que l’économie canadienne ait rattrapé son retard, ce qui pourrait nous mener jusqu’en 2022. Même son de cloche du côté de la BCE.

Le soutien promis des banques centrales et la perspective d’un vaccin semblent reléguer aux oubliettes toutes les autres menaces : le bris des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis, les problèmes politiques à Hong Kong ou même la possibilité d’une deuxième vague de la pandémie et un ralentissement du déconfinement, voire un reconfinement partiel ou total.

Pour M. Rosenberg, cela démontre que les marchés boursiers sont complètement déconnectés de l’économie réelle. La montée des valeurs repose sur des espoirs, un erre d’aller et la conviction que la Fed saura contrôler les marchés pour l’éternité. L’histoire montre qu’il pourrait en être autrement, rappelle-t-il. 

UNE BAISSE EXAGÉRÉE

Toujours dans le Financial Post, le chroniqueur Tom Bradley se demande lui aussi pourquoi les Bourses n’en finissent plus de monter, alors que l’économie se porte plutôt mal et que l’incertitude règne en maître. 

Il croit qu’une partie de la réponse réside en fait dans la débandade du mois de mars, une réaction qui aurait été exagérée. Arrivés trop bas, trop vite, les marchés ne pouvaient que remonter. De plus, l’ampleur de la baisse explique le force du rebond, mais masque le fait que la plupart des marchés restent à un niveau inférieur par rapport au mois de juillet 2019.

La remontée des cours est aussi liée à un petit groupe d’actions, très concentré dans le secteur technologique, elle n’est pas généralisée. Une grande partie du marché continue en fait de tirer de la patte. 

Les taux d’intérêt, bien sûr, comptent aussi pour beaucoup. Tom Bradley estiment qu’ils ont passé sous les niveaux de récession et représentent présentement ceux d’une dépression économique. Une obligation du gouvernement canadien sur dix ans ne génère que 0,55 % de rendement… De quoi donner envie d’acheter des actions!

M. Bradley concède toutefois qu’il est difficile présentement de savoir si la bonne santé des marchés est due à des raisons logiques axées sur les bases économiques, comme les perspectives de profit à long terme ou les faibles taux d’intérêt, ou plutôt sur des émotions, comme la peur de rater de bonnes occasions (le fameux FOMO, ou fear of missing out). 

Il conseille donc de rester prudent et de continuer de construire des portefeuilles équilibrés et diversifiés, en évitant les gestes impulsifs. Un conseil qui reste pertinent même hors du contexte de la COVID-19.

La rédaction