Économie et marché boursier : une confusion nuisible

Par La rédaction | 5 juin 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Beaucoup d’investisseurs ont tendance à confondre la performance de l’économie avec celle du marché boursier et c’est une grave erreur, estime Martin Pelletier dans le Financial Post.

« L’une des principales erreurs que les investisseurs et les professionnels commettent consiste à ne pas faire suffisamment la différence entre les résultats économiques d’un pays et ceux du marché qui les intéresse. Et il est difficile de les en blâmer, puisque la plupart des médias procèdent constamment à ce genre d’amalgame », estime le gestionnaire de portefeuille et chef de la direction financière à TriVest Wealth Counsel, à Calgary.

Au cours des derniers jours, les manchettes ont d’ailleurs été particulièrement alarmistes à la suite des nouvelles mesures de rétorsion commerciales prises par les États-Unis à l’encontre de la Chine puis du Mexique, et ce, malgré la récente signature du nouvel accord commercial nord-américain de libre-échange.

SITUATION « TRÈS CONFUSE » POUR LES INVESTISSEURS

Pour étayer son propos, Martin Pelletier cite l’histoire suivante, attribuée à son collègue gestionnaire de fonds américain Ralph Wagner : dans les rues de New York, un passant promène un chien agressif qu’il tient à l’aide d’une longue laisse. Mais celui-ci semble vouloir partir dans toutes les directions à la fois et il n’y a donc aucun moyen de prédire de quel côté il ira. À long terme, on sait néanmoins qu’il se dirigera vers le nord-est de la ville à une vitesse moyenne de six kilomètres à l’heure. « Ce qui est étonnant, c’est que presque tous les observateurs de chiens, grands et petits, semblent avoir l’œil sur le chien, et non sur son propriétaire… », s’étonne Ralph Wagner.

Reprenant cette analogie, Martin Pelletier estime que « les marchés boursiers offrent l’occasion de participer à la croissance à long terme des sociétés en tant que propriétaires ». Et bien qu’il puisse y avoir des accidents de parcours, à l’arrivée, les placements se révèlent en général positifs à long terme pour les investisseurs. Dans ces conditions, insiste le gestionnaire de portefeuille, « il est impératif de suivre le propriétaire et non le chien ». L’analyste trouve également « amusant » de voir des économistes jouer à ce petit jeu tout en essayant de prédire dans quelle direction l’animal s’en ira. Pour tenter de justifier leurs prévisions, ajoute-il, ces experts s’appuient sur toutes sortes de données économiques, allant des niveaux records de chômage aux derniers chiffres du produit intérieur brut. Ainsi, certains réclament des hausses de taux de la part de la Banque du Canada, alors que d’autres suggèrent que la Réserve fédérale devrait baisser les siens…

Le problème, déplore Martin Pelletier, c’est que tout cela rend la situation très confuse pour les investisseurs alors qu’en réalité la situation n’est pas forcément si compliquée. « Nous croyons que l’environnement actuel est très favorable aux entreprises, en particulier celles qui sont établies à l’extérieur du Canada. Les États-Unis tirent parti de leur prépondérance dans le secteur du numérique et, par conséquent, des sociétés comme Google, Netflix et Amazon ont enregistré une croissance explosive. Toutefois, celle-ci ne s’est pas traduite par un niveau accru d’inflation et nous sommes donc aujourd’hui dans une situation unique où les taux d’intérêt demeurent extrêmement bas. »

« DEMANDEZ-VOUS QUELLE EST VOTRE DESTINATION FINALE »

Ce point est important, souligne le gestionnaire de portefeuille, car « le faible coût de la dette est actuellement utilisé comme carburant pour soutenir les rachats d’actions, les hausses de dividendes, les fusions et acquisitions et l’expansion des entreprises ». L’année 2018 a par exemple battu tous les records pour ce qui concerne les rachats et les dividendes américains, avec un total de plus de 1,08 billion de dollars et près de 116 milliards, respectivement. De même, sur le front des opérations, les volumes de fusions et acquisitions mondiales ont atteint 3,35 billions l’an dernier, soit le plus haut niveau depuis le record enregistré en 2015.

Tous ces bons résultats ne signifient cependant pas qu’il n’y aura plus de corrections boursières, met en garde Martin Pelletier. Celui-ci rappelle que, selon LPL Research et Ned Davis Research, le S&P 500 a ainsi subi en moyenne 3,2 corrections supérieures à 5 % par année depuis 1990. Mais ces résultats ne signifient pas non plus que ces corrections sont uniquement liées à la performance économique, car il y a des années où les marchés et les économies évoluent dans des directions opposées. Conclusion du gestionnaire de portefeuille : « La prochaine fois que vous sortirez promener votre chien ou que vous réviserez votre portefeuille, n’oubliez pas de vous demander quelle est votre destination finale… »

La rédaction