Énoncé économique : un accueil plutôt positif

Par La rédaction | 22 juin 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Trois mois après le début de la pandémie, l’annonce faite vendredi par le ministre des Finances du Québec sur la situation financière de la province a suscité des réactions mitigées au sein du monde économique et politique. Si la plupart sont positives, des critiques se sont tout de même fait entendre.

Alors que le ministre Eric Girard affirmait que « la force de l’économie [québécoise] et la solidité de [ses] finances publiques avant la crise » lui avaient « permis d’agir rapidement et de mettre en place des mesures exceptionnelles pour soutenir les Québécois et les entreprises » en vue de favoriser la relance économique, l’Association des économistes québécois (AEQ) se montre plus prudente dans son analyse de la situation.

Dans un communiqué diffusé vendredi, elle réclame « de la transparence pour aborder l’avenir avec confiance ». Si elle dit apprécier que le ministre des Finances ait mis à jour ses données économiques et budgétaires pour l’exercice en cours, l’AEQ met néanmoins en doute la prévision anticipée d’un retour à l’équilibre budgétaire dans cinq ans.

« Cette cible nous paraît très ambitieuse et il faudra voir les actions qui seront mises en place pour l’atteindre [ainsi que] les effets de facteurs exogènes liés à la pandémie avant de porter un jugement plus éclairé sur ces hypothèses », indique-t-elle.

Compte tenu de l’ampleur de la crise, le Québec « s’en tire plutôt bien », conclut-elle. Elle estime toutefois que le plus difficile est à venir et que « l’objectif d’une croissance économique réelle de 2 % à moyen terme reste un grand défi ».

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) se dit elle aussi satisfaite de l’annonce d’Eric Girard. « La crise actuelle est historique. Les dirigeants de PME n’aiment pas les budgets déficitaires, mais dans des situations exceptionnelles comme celle-ci, des actions étaient et sont toujours nécessaires. Il sera primordial d’établir un plan de retour à l’équilibre budgétaire. Le ministre exclut toute augmentation de taxes et d’impôts. C’est la bonne avenue à prendre, car nous avons besoin de stimuler la consommation de la population et la productivité de nos entreprises sans leur ajouter des freins supplémentaires », commente François Vincent, vice-président Québec de la FCEI.

Au passage, celui-ci rappelle que les PME québécoises contribuent à hauteur de 30 % du produit intérieur brut de la province et y assurent 70 % de l’emploi total.

LES MESURES D’AIDE INSUFFISANTES?

Même son de cloche du côté de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), qui « prend acte du nouveau portrait économique des finances publiques québécoises et constate l’engagement maintenu par le gouvernement de ne pas hausser les impôts et les taxes dans ce contexte, pour donner toutes les conditions gagnantes à l’attrait des investissements privés et au retour du niveau de confiance des consommateurs ».

Québec devra impérativement préserver les sommes qui ont été annoncées au dernier budget de mars, selon la Fédération, dont l’enveloppe de 6,2 G$ pour le Plan pour une économie verte, les sommes pour aider à la commercialisation des innovations, ainsi que pour soutenir les besoins de main-d’œuvre des entreprises durant la reprise.

Dans son communiqué, l’organisme déplore cependant que le ministre n’ait fait « aucune nouvelle annonce pour les entrepreneurs québécois. […] Force est de conclure que les mesures d’aide actuelles ne sont pas suffisantes afin d’assurer la survie à long terme de nombreuses entreprises », en particulier dans le secteur touristique.

« Malgré la possibilité d’une deuxième vague qui est bien réelle, le gouvernement a un défi de maintenir ses engagements permettant d’atteindre les objectifs de croissance économique, les cibles de réduction des émissions de GES et un retour à l’équilibre budgétaire le plus rapidement possible », conclut Charles Milliard, PDG de la FCCQ.

Si les cibles annoncées sont ambitieuses, les moyens qui seront mis en place pour les atteindre demeurent flous, estiment pour leur part la Confédération des syndicats nationaux, la Centrale des syndicats du Québec et la Centrale des syndicats démocratiques. Dans un communiqué conjoint, celles-ci accueillent positivement le recours à la réserve de stabilisation afin de contrer le déficit de 14,9 G$ et la création d’une provision budgétaire de quatre milliards de dollars pour anticiper les effets d’une possible deuxième vague de contamination.

Toutefois, les syndicats se disent « perplexes » quant au versement intégral des sommes prévues au Fonds des générations, estimant que ces 2,6 G$ auraient été « beaucoup mieux utilisés en étant investis dans la relance économique et dans la consolidation de nos services publics, grandement mis à l’épreuve depuis le début de la crise de la COVID-19 ».

« UNE FROIDEUR SANS NOM »

Nettement plus sévère à l’encontre du ministre, la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, « s’inquiète et s’étonne que le gouvernement du Québec table sur une croissance optimiste de 6 %, dépassant même les prévisions des grandes institutions financières, alors que le scénario le plus pessimiste en matière de déficit se réalise avec un déficit de 15 milliards de dollars ».

« Nous constatons encore une fois l’absence de mesures d’aide spécifiques pour nos petites et moyennes entreprises dans le secteur de la construction et de la restauration », commente la dirigeante du Parti libéral du Québec.

Le député de René-Lévesque et porte-parole du Parti Québécois en matière d’économie et de finances, Martin Ouellet, critique lui aussi le plan de marche du gouvernement provincial, même s’il juge que le Québec a « la capacité de retourner à l’équilibre budgétaire dans un horizon assez rapproché et de mettre en place des mesures de relance plus énergiques ».

Le gouvernement « doit être plus audacieux et mettre en place des mesures économiques costaudes pour appuyer les entreprises », déclare le porte-parole du PQ. Jusqu’ici, les mesures annoncées « ont été plutôt timides et trop conventionnelles, prenant surtout la forme de prêts. […] La solution passe davantage par une aide directe, car chaque dollar investi pour sauver les PME engendrera des rentrées fiscales au cours des prochaines années », estime-t-il.

Enfin, Québec Solidaire (QS) invite le gouvernement à « mettre son obsession pour l’équilibre budgétaire de côté » et à « se concentrer sur l’essentiel », soit « renforcer nos services publics en prévision de la deuxième vague et aider les petites entreprises à traverser la crise ».

« Il est profondément indécent de la part de la CAQ de recommencer à parler d’équilibre budgétaire alors que les décès quotidiens se comptent encore par dizaines au Québec, dénonce Vincent Marissal, responsable de QS en matière de justice économique et fiscale. C’est un exercice comptable d’une froideur sans nom. Après la crise monumentale qu’on vient de vivre dans nos CHSLD et dans nos hôpitaux, est-ce qu’on peut s’entendre que le retour à l’équilibre budgétaire est loin d’être la priorité? L’heure est à s’assurer qu’on sorte de la crise sanitaire sans trop de dégâts, pas de penser à l’état de nos finances publiques dans cinq ans alors que c’est à peu près impossible à prévoir dans la conjoncture actuelle », martèle le porte-parole de Québec Solidaire.

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